Jean-Luc Mélenchon n’est pas né à la politique hier. Déjà ministre pendant la cohabitation de 1997 à 2002, il a rassemblé 7 millions de voix lors de la dernière présidentielle. Tribun redoutable, il défend avec la dernière énergie et des accents populistes de fortes convictions. Clivant, il s’assure l’adhésion de ceux qui pensent comme lui et le rejet déterminé de ceux qui ne se retrouvent pas dans sa description manichéenne du monde.
Que s’est-il passé ?
Après les perquisitions de grande ampleur - contestables dans la forme- des locaux de la France insoumise et des domiciles de Jean-Luc Mélenchon et d’anciens assistants, la semaine dernière, le leader de la FI a riposté en multipliant les diatribes contre les médias, les policiers et les magistrats. Il a pris la France à témoin ce qu’il a qualifié d’ « offensive politique organisée par toute la Macronie» dont les relais seraient, selon lui, la police, la justice et les médias.
C’est une tentative de contre-feu imaginée dans un contexte peu favorable à la France Insoumise : deux enquêtes préliminaires portent sur des emplois présumés fictifs de parlementaires européens et sur les comptes de campagne du candidat. Sophia Chikirou, sa conseillère et son ex-directrice de la communication pendant la campagne présidentielle a, elle aussi, été interrogée par les policiers, en fin de semaine dernière, soupçonnée d’avoir surfacturé certaines prestations au bénéfice de la société dont elle est l’unique actionnaire.
Fort irrité que des informations sur ses comptes de campagne et sur sa vie privée aient circulé dans les médias, Jean-Luc Mélenchon s’en est pris à France info puis à Médiapart, traitant leurs journalistes d’ « abrutis », de « menteurs et de tricheurs ». Il invitait au passage à «pourrir» les enquêteurs de France Info.
Est-ce une bonne stratégie ?
Ces curieux accents, engendrent, outre les protestations de ceux qui sont visés, de sérieuses questions sur les élans de Jean-Luc Mélenchon et sa capacité à maîtriser les situations tendues. Se posant en victime d’une offensive du pouvoir, n’aurait-il pas été plus sage de maintenir le débat sur le terrain politique ?
En s’attaquant violemment à trois corporations, il brise ainsi l’image de rassembleur de la gauche éclatée que le quasi ralliement à son panache blanc de l’aile gauche du PS avait commencé à dessiner. Par ses excès, il braque une partie de son électorat qui, tout en partageant sa vision, n’adhère pas à ses méthodes.
Tous ceux qui ont été visés par ses diatribes n’ont d’ailleurs pas manqué de réagir. Une vingtaines de rédactions ont condamné les attaques contre la presse. La procureure générale de Paris a dénoncé son «coup de force » contre les magistrats et les policiers. Des plaintes ont été déposées.
Il est douteux que Jean-Luc Mélenchon puisse tirer un grand bénéfice politique de tels excès qui, lorsqu’ils sont mieux contrôlés, ne provoquent que de faibles réactions. Choisissant l’escalade sous le coup de l’émotion, il a commencé à fédérer. Mais, cette fois, peut-être contre lui. En politique, cela ressemble à une faute, en particulier quand la nécessité démocratique impose d’installer des débats sereins dont le goût n’arrête pas de se perdre un peu partout.
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