Il y a 40 ans, la peine de mort était abolie en France
C’était il y a 40 ans jour pour jour. Robert Badinter, alors ministre de la Justice sous François Mitterrand, prononce un discours qui fera date, en faveur de l’abolition de la peine de mort, devant les députés de l’Assemblée nationale. Le lendemain, elle sera votée à une grande majorité.
En 1981, les Français sont très défavorables à l’abolition de la peine de mort. Selon un sondage IFOP de la même année, 63 % des Français se prononcent en faveur de son maintien. Pourtant, François Mitterrand, opposé à la peine de mort, a été élu président de la République. C’est dans ce contexte difficile que Robert Badinter, avocat et garde des Sceaux, prononce un discours historique. “Qu’est-ce que la peine de mort dans la réalité ? 12 hommes et femmes, deux jours d’audience, l’impossibilité d’aller jusqu’au fond des choses et le droit ou le devoir terrible de décider en quelque quart d’heure, parfois quelques minutes [...] de la vie et de la mort d’un autre être”, déclare-t-il.
“Il employait des termes simples. C’était l’histoire d’un homme qui était coupé en deux”, se souvient Anne Denis, qui militait depuis plusieurs années pour l’abolition de la peine de mort. "Ça a mis beaucoup de temps à arriver parce qu’on se fondait toujours sur l’opinion publique. La réaction de l’opinion publique c’est la vengeance, que cette personne ne mérite pas de vivre. Là il s’agit d’un État. C’est l’État qui assassine dans ces cas-là”, poursuit la responsable de la commission abolition de la peine de mort à Amnesty International.
Quand elle est abolie en 1981, cela fait déjà plusieurs années qu’aucune exécution n’a eu lieu en France. Le dernier condamné à mort en France s’appelait Hamida Djandoubi. Il a été guillotiné à la prison des Baumettes à Marseille le 10 septembre 1977.
Une évolution majeure pour la justice
Avec l’abolition de la peine de mort, il n’est plus question de s’arroger le droit de vie ou de mort de quelqu’un et de franchir cet interdit que l’on condamnait : donner la mort à quelqu’un. Un véritable changement qui donnait le signal “que la justice humaine est une justice faillible et que pour qu’elle puisse être corrigée, il faut qu’elle soit réversible. Or, si vous coupez la tête de quelqu’un et bien la décision rendue ne pourra jamais être remise en cause”, estime Nicolas Hervieu, juriste spécialiste en droit des libertés et enseignant à Sciences Po. “Ça amorce aussi l’idée que même les actes les plus abjects peuvent d’abord envisager une rédemption”, ajoute-t-il, car même si, aujourd’hui, des prisonniers finissent leur vie derrière les barreaux, il y a pour eux un droit à l’espoir, qu’on réexamine leur dossier en vue d’un aménagement de peine.
Vers un rétablissement de la peine de mort ?
Le rétablissement de la peine de mort est un sujet régulièrement évoqué par l’extrême-droite. Les cadres du Rassemblement national, si le parti arrive au pouvoir, voudraient que cette question soit au cœur d'un référendum d'initiative citoyenne. En 2020, un sondage Ipsos Sopra-Steria pour le Monde démontrait que 55 % des Français se disent favorables à son rétablissement. Mais ce serait très difficile à mettre en œuvre, voire impossible. “Il faudrait réviser notre Constitution, c’est possible mais ça implique une procédure difficile à mettre en place. Et puis il faudrait sortir des systèmes européens de protection des libertés comme la convention des droits de l’homme et même l’Union européenne”, explique Nicolas Hervieu.
Encore beaucoup de pays non-abolitionnistes
Si le nombre d’exécutions baisse, 483 dans le monde en 2020 selon les chiffres d’Amnesty International, beaucoup de pays continuent à exécuter. 55 pays sont encore non-abolitionnistes. D’autres n’exécutent plus depuis des années sans pour autant changer leur loi. La communauté internationale peut agir avec des pressions économiques selon Amnesty International.
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