"Il a dit la vérité, il sera…"

Brexit, tweets et autres déclarations de Donald Trump, montée de tous les populismes, théories du complot, bref les fausses nouvelles ont décidément de beaux jours devant elles. Dans la Faiblesse du vrai (Seuil 2018), la philosophe Myriam Revault d’Allonnes, estime qu’elles ont pour point commun un brouillage des catégories du vrai et du faux. Nous serions alors dans une ère de post-vérité, et non plus seulement de post-modernité.

Post-vérité, qu’est-ce à dire ? Les faits deviennent de simples affaires d’opinion, empêchant alors tout débat contradictoire et argumenté. Mais si nous allons par là, et c’est bien ce qui semble, comment espérer bâtir encore un monde commun ? Une démocratie ? Les maîtres du soupçon, Freud, Nietzsche, Marx, mais aussi la phénoménologie ou la philosophie narrative, nous ont appris qu’il n’existe pas de fait en soi, car ils sont toujours interprétés. Mais l’interprétation n’abolit pas la vérité, bien au contraire, elle la sert.
 
Du côté du politique, de toujours à toujours nous savons ce qu’il en est du mensonge, parfois éhonté. « Plus c’est gros plus ça passe », dit-on parfois, désabusé.
Mais avec la post-vérité, c’est d’autre chose dont il s’agit. Car c’est le partage entre le vrai et le faux qui paraît ne plus être opératoire. La vérité elle-même finie par être dépourvue de sens. Jusqu’à maintenant, seul le négationnisme avait fait cela, transformant le réel.

Aujourd’hui, nous pouvons craindre un effacement de la vérité, un effacement qui devient comme une norme. Myriam Revault d’Allonnes distingue deux modes de vérité : La vérité scientifique qui en principe résiste mieux, quoiqu’avec D Trump elle-même est mise à mal, quand on écoute par exemple ses déclarations sur le climat. L’autre vérité est celle des faits. C’est elle qui est profondément mise à mal puisque les faits tendent à devenir des opinions déconnectées de la réalité. Rappelez-vous, D. Trump, toujours lui, expliquait que lors de son discours d’investiture, il faisait un temps magnifique ! alors que les images montrent qu’il pleuvait. Il nie ainsi une vérité de fait et prétend, y compris devant l’évidence, reconstruire la réalité, à son image.
 
Que faire ? Juste garder les pieds sur la terre, cultiver ce que les anciens nommaient d’un terme devenu presque désuet, le « bon sens », premier pas du jugement moral.