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Habiter

RCF,  - Modifié le 6 février 2021
Si l’errance est un malheur, l’acte d’habiter ne se traduit pas seulement par le fait de disposer d’un logement, il exprime ce lien permettant d’avoir un lieu.
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Habiter

 

 
L’errance est un malheur. Sans toit, comment être soi. Habiter, ce n’est pas seulement avoir un logement, mais disposer d’un lien permettant d’avoir un lieu pour exister, prendre racine, demeurer.  
 
Ne parle-t-on pas de la maison comme d’un refuge, un havre de paix et de tendresse. Le ‘chez soi’ relie les deux pôles de la vie sociale : seul et avec les autres. Il n’y a pas de communauté sans vivre-ensemble, mais elle n’est authentiquement humaine que si la solitude de la personne est reconnue et respectée.
 
La maison, lieu d’un partage, où l’on reçoit et où on se reçoit, est fondamentalement une hospitalité.
 
Emmanuel Lévinas associe le véritable humanisme à l’hospitalité. Il l’entend comme une spiritualité exigeante. Quelle exigence, ne pas laisser le prochain à sa solitude, à sa mort.
 
Le Corbusier dénonçait ces « machines à habiter » – l’expression est de lui - évoquant ces espaces constructifs qui ne sont que des ‘remplissages’, tels ces quartiers sans âme d’où l’on tente de partir. Y demeurer se révèle risqué. Quels dangers ? la misère, l’exclusion, la paupérisation, autant de tragiques fertilités pour ceux-là mêmes qui exploitent le désespoir.
 
La maison est aussi appelée la demeure, évoquant la pérennité. Dans le vieux français, ‘rester’ voulait dire demeurer, au sens d’habiter.
 
Ce qui demeure, c’est ce qui permet de nous maintenir et par là-même de tenir. Nous pressentons combien l’acte d’habiter introduit la sérénité sans laquelle l’avenir est chahuté, sauf à le penser dans un entre soi.
 
L’hospitalité est une attention vigilante à l’autre soi.
 
Le bonheur d’habiter ne peut être une assignation à l’indifférence. Il est un appel à ce que chaque être, parce qu’il est une source et non point une « mare », ait la chance de ne pas s’entendre étiqueter comme un « zonard » pour n’avoir d’autre choix que la rudesse des quartiers de relégation au sein desquels les déterminismes aggravent les nécroses de la vie sociale.
 
Quelle liberté quand il y a cette impossibilité de faire le choix du lieu où l’on souhaiterait habiter. Quelle égalité quand les lieux de vie sont si discriminants que ceux qui les subissent gardent le silence à la question : « où habites-tu », ou quand leurs CV concourent à ce décrochage social au motif d’être domiciliés dans ces espaces sans avenir et sans âme.
 
Nous éprouvons combien les valeurs républicaines sont en danger pour emmurer la fraternité.
 
L’acte d’habiter conjugue la recherche d’une intimité et d’une universalité (seul et ensemble). Se propose alors à nos consciences cette hospitalité exigeante qui n’est pas sans créer des transformations qui ouvrent précisément les relations.
 
L’hospitalité est là où on se réunit, là où on s’unit, là où les amis trouvent place. Ensemble, construisons-la pour que l’acte d’habiter soit mieux partagé ; l’avenir de ceux en errance, sans toit, sans liens, en dépend.
 
 
 
 
Bernard Devert

 
 
 

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