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"Frère d’âme" de David Diop
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"Frère d’âme" de David Diop

RCF,  -  Modifié le 26 novembre 2018
Christophe Henning vous présente le livre qui vient d'être couronné par le prix Goncourt des lycéens, "Frère d’âme" de David Diop.
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Christophe Henning, vous nous présentez « Frère d’âme », le livre de David Diop, publié aux éditions du Seuil.

Je vous parle de ce livre paru à la rentrée de septembre. J’aurais pu vous en parler à l’occasion du centenaire de l’Armistice puisque ce roman nous conte une histoire des tranchées. J’aurais pu vous en parler à l’occasion du prix Goncourt dont David Diop était le favori, finalement malheureux. J’en parle enfin aujourd’hui, parce qu’il vient de décrocher le Goncourt des lycéens – comme quoi les jeunes ne se désintéressent pas de l’histoire. J’en parle aussi et d’abord parce que c’est un très beau livre.

Le pitch, le sujet, le résumé : c’est l’histoire de deux tirailleurs sénégalais au fond d’une tranchée. Ordre du capitaine : il faut mener l’attaque. Mais sortir des tranchées, c’est s’exposer, et voici que Mademba Diop est touché. Il souffre, il n’en peut plus, il veut mourir… Et Alfa Ndaye est bien démuni devant son camarade agonisant. Camarade, que dis-je ? « Nous sommes plus que frères puisque nous nous sommes choisis comme frères », explique Alfa. Mademba rend l’âme, laissant son frère en enfer, dans l’enfer de la guerre, abasourdi.
 
Et là, il faut tout faire pour sauver sa peau…
 
Eh bien justement, non… En tous cas, ce n’est pas la réaction du survivant qui, loin de se protéger, monte au front et entreprend de venger son frère d’âme en allant chercher l’ennemi jusque dans sa tanière. Le héros des tranchées est bientôt craint pour sa barbarie. Plus rien ne le retient, entraîné dans une folie qui effraie même ses compatriotes. « Sur les champs de bataille on ne veut que de la folie passagère, écrit David Diop. Des fous de rage, des fous de douleur, des fous furieux, mais temporaires. Pas de fous en continu. Dès que l’attaque est finie, on doit ranger sa rage, sa douleur et sa furie ». Facile à dire : pour le frère d’arme, pas question de baisser la garde, et peut-être que c’est justement cette folie qui le maintient en vie. Et s’il ne faisait que pousser la logique jusqu’à l’absurde ? S’il inquiète ses camarades du front, c’est peut-être tout simplement parce qu’il leur renvoie au visage la folie collective de cette guerre sanglante.
 
C’est manifestement un bon livre, un livre de plus sur la Grande Guerre ?
 
Pas seulement. Par exemple, le roman rappelle l’engagement des Africains que la France est allée chercher dans les régions colonisées pour les entraîner dans cette boucherie. Et puis, il montre aussi de manière saisissante que, face à la mort, il n’y a plus de différences, la guerre reste la guerre, dans son absurdité : « blancs ou noirs, ils jouent les fous, jouent la comédie de la folie furieuse (…) Ca leur permet de courir au-devant de la mort sans trop avoir peur ». C’était il y a plus de cent ans. Les lycéens qui ont couronné Frère d’âme, n’oublieront pas cette belle leçon d’histoire.
 
Frère d’âme, de David Diop, est publié aux éditions du Seuil. 

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