Finances publiques: la Cour des comptes appelle à la prudence
La machine budgétaire tourne à plein régime. Depuis deux semaines, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, reçoit tour à tour ses collègues pour préparer l’envoi à la mi-juillet des lettres de cadrage budgétaires, qui définiront les moyens dont disposera chaque ministère l’an prochain. Les contacts entre les ministères et Bercy sont toujours rudes, comme on dit au foot. Mais cette année, c’est particulièrement difficile.
Pourquoi ?
Parce que la crise des Gilets jaunes est passée par là. Au plus fort de la crise, en décembre, Emmanuel Macron a lâché 10 milliards d’euros, notamment avec la revalorisation de la prime d’activité et la défiscalisation des heures supplémentaires. S’y sont ajouté près de sept milliard à la fin du grand débat, essentiellement avec les baisses d’impôts sur le revenu et la fin de la désindexation sur l’inflation des moyennes retraites.
Le gouvernement a promis des économies pour compenser ces dépenses supplémentaires.
Oui. Il les a promis. Mais dans son discours de politique générale, le 12 juin, Edouard Philippe est resté très évasif. On verra dans les prochaines semaines qui passera à la casserole. Une chose est sûre : la Cour des comptes y croit moyennement : la "compensation intégrale" promise "dès 2020" des quelque 17 milliards d’euros lâchés avec la crise des Gilets jaunes "demeure incertaines et sera vraisemblablement très incomplète" a souligné mardi son président, Didier Migaud. Il faut dire que Bercy est un peu sauvé par le gong des marchés financiers : l’Etat emprunte désormais à taux négatifs.
Expliquez-nous.
Pour la première fois dans l’histoire, la France a vu le 18 juin le taux de ses emprunts à dix ans, considérée comme la référence pour les marchés, plonger brièvement en terrain négatif.
Comment ça ?
Les obligations d’Etat ont été émises avec un taux positif ou nul. Mais le prêteur a d’ores et déjà accepté de se voir rembourser par l’Etat une somme inférieure à celle qu’il a prêté. D’où le taux négatif. A vrai dire, la France emprunte régulièrement à taux négatif sur des durées inférieures à dix ans depuis 2014. A tel point que depuis le début de l’année, la moitié des 100 milliards d’euros de nouvelle dette émise a été assortie de taux négatifs, expliquaient la semaine dernière dans La Croix nos spécialistes, Mathieu Castagnet et Alain Guillemoles.
L’effet d’aubaine de la baisse des taux est spectaculaire : en 2018, l’État a payé un peu plus de 40 milliards d’euros d’intérêt à ses créanciers. Moins qu’en 2008, alors que la dette a pratiquement doublée. Ce qui conduit la cour des comptes à mettre en garde contre "l’effet anesthésiant" des taux bas. Cette année, les économies sur la charge de la dette pourraient dépasser 5 milliards d’euros. "Ce sont les taux qui vont permettre de financer l’essentiel des mesures gilet jaunes" s’amusent certains.
Cela va-t-il durer ?
C’est toute la question. Rien ne dit que cette période d’argent gratuit soit appelée à s’éterniser. Une hausse d’un point des taux coûterait deux milliards d’euros dès la première année. Puis l’addition exploserait : 10 milliards d’euros au bout de cinq ans, 20 milliards au bout de dix ans.
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