âLa bande dessinée nous pousse à donner pour quelques mots une valeur ajoutée comme disent les économistes. Personne ne peut prononcer le nom de « potion magique » sans penser par exemple à Astérix et Obélix, eh bien il en va de même de quelques adjectifs comme « farouche », avec donc les « âges farouches » de Roger Lécureux. Alors en piste pour décrypter cet adjectif qui nous allons le constater ne manque pas d’atouts !
En vérité, il faut le rattacher à toute une famille en partant d’une racine latine, famille dans laquelle on retrouve par exemple forêt, forain, mais aussi hors, dehors, hormis, hors-la-loi, hors-série, forcené, et bien sûr aussi effaroucher. Alors quelle est la racine commune à tous ces mots ? Le latin foris, foras, signifiant dehors, hors de.
En effet, le mot forêt vient de la silva forestis, le bois, silva, hors des limites, forestis, qu’on a retenu. De son côté, le forain, du latin foranus, étranger, est bien celui qui vient du dehors, et les adverbes hors, dehors viennent visiblement de foris, deforis. Enfin le forcené n’a, il rappelons-le, aucun rapport avec le mot force, mais en revanche il est à rattacher à fors, f-o-r-s, hors de, et le forcené est quelqu’un hors de ses sens, hors du bon sens, sené.
Tous ces mots sont donc issus de la racine latine foris, foras, en dehors de. Alors revenons à l’adjectif farouche, de cette même famille. Son origine, construit sur foris, est le latin forasticus, désignant celui qui vient du dehors, l’étranger, et par extension celui qui est sauvage. D’où l’ancien français forasche, signifiant mal apprivoisé, sauvage, qu’on retrouve en berrichon avec le mot fourasche. Et puis au XIIIe siècle s’est opérée ce qu’on appelle une métathèse, vous savez formage qui a donné fromage, berbix, qui a donné brebis, eh bien fourasche à donné farouche, l’adjectif synonyme e sauvage, de rude. C’est différent pour le nom.
Le « farouche », un mot qui existe et qui vient du latin farrago, mélange de grains, à partir du latin far, le blé. Le farrago existe aussi en français, de même sens et c’est lui qui est à l’origine du provençal farouge, puis le farouche, homonyme rare de l’adjectif, désignant en fait le trèfle cultivé comme fourrage. André Breton, Julien Gracq, Jean Tardieu ont joué de cet homonyme en publiant Le farouche à quatre feuilles, une œuvre au titre ambigu. Nous on se contente des âges farouches sur les feuilles de bandes dessinées qui ne nous effarouchent pas !
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