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RCF Fait religieux en entreprise: pour Denis Maillard, "il faut recréer du collectif"
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Fait religieux en entreprise: pour Denis Maillard, "il faut recréer du collectif"

RCF,  -  Modifié le 1 février 2018
L’Institut supérieur du travail organise vendredi 2 février au Sénat un colloque sur le fait religieux en entreprise. Focus dans le Grand Invité sur ce sujet sensible.

Toutes les religions posent-elles un problème à l’entreprise ? Ou n’est ce pas plutôt l’apanage de certaines. L’islam pose question dans notre société. Est-ce aussi le cas dans le milieu professionnel ? "Effectivement. Ce qui m’intéresse, c’est la question du fait religieux. Majoritairement, les faits qui remontent lorsque l’on interroge les représentants du personnel ou les salariés, sont des cas liés à l’islam. Je pense qu’il faut nommer le fait musulman au travail pour pouvoir l’expliquer. C’est ce que j’ai essayé de faire dans ce livre" explique Denis Maillard, spécialiste des questions sociales, auteur de "Quand les religions s’invitent en entreprise" (éd.Fayard).

Trois manifestations des religions en entreprise

Les religions se manifestent de trois manières en entreprise. "Il y a trois manifestations. Il y a d’abord tout ce qui touche à l’organisation du travail comme les aménagements d’horaire ou les jours fériés. Il y a après tout ce qui touche à la vie collective comme les demandes de lieux de prière, de menus spécifiques dans les cantines d’entreprises. Ces deux manifestations ne posent pas vraiment de problèmes car les entreprises ont appris à gérer cela au fil du temps" précise Denis Maillard.

Il ajoute que ce qui pose véritablement problème, le troisième type de manifestation, "c’est tout ce qui est revendication d’ordre identitaire. C’est la question des signes religieux. L’autre manifestation problématique c’est le rapport entre les sexes. Ne pas vouloir être sous les ordres d’une femme lorsqu’on est un homme, ne pas vouloir être en réunion avec des hommes uniquement quand on est une femme. Ne pas vouloir serrer la main à une femme. Cela ne passe pas d’autant que la loi fait du sexisme un délit depuis 2015. C’est enfin tous les refus d’effectuer certaines tâches en raison de sa croyance".

La crèche Baby Loup, l'élément déclencheur

Il faut remonter à l’affaire de la crèche Baby Loup pour que la société prenne vraiment conscience que l’expression du fait religieux dans l’espace civil n’est pas cantonné seulement à l’école, et touche aussi l’entreprise. "L’autre date, c’est 2015, avec les attentats de janvier et de novembre, puis entre les deux le meurtre et l’attentat contre un chef d’entreprise dans l’Isère, où les entreprises sont confrontées à cette situation" rappelle ce spécialiste du fait religieux en entreprise.

Le fait religieux en entreprise reste aujourd’hui un sujet délicat. Denis Maillard explique pourquoi. "Les questions de tension liée à la religion qui s’exprimaient autrefois en politique ont déserté le niveau politique, par la loi de 1905 notamment, pour descendre au niveau de la société civile. Cette société a une contradiction dans son organisation même qui est que son principe d’organisation, c’est la civilité, soit la modération de l’expression de soi-même, car il faut bien vivre avec les autres".
 

Recréer du collectif au travail

Il précise qu’historiquement, "on cantonne l’expression de la religion dans la sphère privée. C’est ce que j’appelle la laïcité dans les têtes, cette manière de vivre avec les autres, où l’expression d’une conviction religieuse doit être modérée. Mais les règles qui régissent l’espace civil, c’est la liberté de manifester. Il y a bien entendu des limites. Sauf qu’on voit bien que 83 % des Français demandent qu’au travail, l’expression d’une conviction soit modérée et discrète".

Quelles sont alors les solutions ? Pour Denis Maillard, le cadre législatif en vigueur dans le monde du travail est suffisant. "On n’a pas besoin d’étendre la loi ou la laïcité à l’entreprise privée. L’entreprise doit s’appuyer sur ses propres forces, travailler sur ce qui est commun à tous ceux qui sont dans l’entreprise. C’est la question du travail. Il faut recréer du collectif, un monde commun du travail" conclut-il.

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