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Evacuation

RCF,  -  Modifié le 11 avril 2018

Il y a dans la langue des mots comme évacuation qui ne sont pas très élégants mais que l’actualité met néanmoins en scène, d’où leur nécessaire radiographie.

Pascal Hausherr Pascal Hausherr

Ce mot n'est pas des plus esthétiques, mais il reste utile quand on pense à l'évacuation des égoûts, ou encore en temps de guerre, l'évacuation des blessés... Il n’en reste pas moins que la première définition du mot évacuation, qu’on trouvera dans le Dictionnaire françois de Richelet relève de la Médecine et, je le cite, « c’est chasser et faire sortir du corps les humeurs qui nuisent ». Avec un exemple presque drôle, je le concède, « Il s’est fait une grande évacuation d’humeurs ». Quant au verbe « évacuer », pudiquement par rapport aux autres possibilités, Richelet choisit un extrait de Molière : « Évacuer la bile ».

D’où vient en fait le verbe « évacuer » ? Du latin vacuus, vide, inoccupé, précédé du préfixe ex, signifiant « en dehors », d’où le verbe « evacuere », faire le vide, qui d’emblée prit un sens médical et c’est ainsi qu’il passe en langue française au XIIIe siècle, suivi au début du XIVe siècle par le nom, évacuation. Si Furetière signale aussi prioritairement le sens médical, avec pour exemples crus que « les petites évacuations sont des bénéfices de ventre » et que « dans l’apoplexie il faut faire de grandes évacuations par la saignée », il n’oublie en rien l’extension nouvelle du mot dans le domaine militaire : « En termes de guerre, précise-t-il ainsi, « faire l’évacuation, d’une place, c’est en faire sortir la garnison d’un prince pour laisser la place libre à un autre. » Ainsi, en 1690, est déjà bien installé le sens correspondant au fait d’évacuer un lieu, un pays des personnes qui l’occupent. À la fin du XVIIIe siècle, ce sera aussi « quitter un lieu ». Enfin, au XIXe, vient l’évacuation des blessés, des malades, notamment en temps de guerre ou au cours d’une catastrophe.

En fait, il n'y a jamais d'usage poétique de ce mot. J'ai cependant trouvé une citation qui me plaît, parce qu’il y est question de dictionnaire, avec Paul Morand déclarant en 1944 dans Excursions immobiles, que « La littérature n’est pas une évacuation déréglée des idées, une pêche miraculeuse au hasard du dictionnaire ». Assurément ! Et puis il y a la paradoxale et superbe anagramme du mot évacuer ! Cerveau. À ne surtout pas évacuer !

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