Etats généraux de la bioéthique: "l'autre a quelque chose à nous apprendre" pour le docteur Alain de Broca
Les États Généraux de la Bioéthique ont été lancés début janvier. Cet espace de réflexion a pour but de lancer un vaste débat autour des questions bioéthiques, avant la révision des lois de bioéthique. Des questions qui bouleversent l’opinion publique, mais également le monde médical.
"La science ne va pas résoudre la question de la relation"
"Le soignant est une personne qui est en relation avec un autre, souffrant. On fait cela par passion. Bien sûr, il y a la technique, la recherche, mais il y a aussi la passion. C’est vrai qu’aujourd’hui avec les nouvelles technologies, on pourrait imaginer que cette relation se passe moins bien. Il faudra peut-être réinventer cette relation avec une personne souffrante" explique âAlain de Broca, neuropédiatre au CHU d’Amiens, spécialiste des soins palliatifs, directeur de l’espace de réflexion éthique des Hauts de France.
Ces nouvelles technologies proviennent de la Silicon Valley, aux États-Unis, et viennent heurter de plein fouet la tradition française de l’éthique médicale. "L’éthique est la relation à l’autre, la responsabilité que l’on a face à l’autre. Ensemble, nous avançons avec les technologies. Je ne suis pas technophobe, mais pas technophile non plus. La science nous apporte beaucoup de technique, mais je ne pense pas que la science va résoudre la question de la relation. Elle nous apporte de nouveaux outils, de nouveaux traitements, mais ne nous aide pas à être plus humble, à l’écoute" ajoute le praticien.
"On ne peut pas tout traiter en une loi"
Trois principes régissent actuellement les lois de bioéthique en France : la gratuité, l’indisponibilité du corps humain, et l’anonymat du don. "La responsabilité que l’on a face à son corps est importante. Cette responsabilité est un peu bouleversée par le droit, les mœurs. Ces grands principes ne sont pas mis à mal, mais doivent être retravaillés" précise Alain de Broca.
Ces États Généraux de Bioéthique vont donc aboutir à la révision des lois bioéthiques. Certains s’en offusquent. "La loi suit les mœurs, les mœurs suivent la loi. Je ne vais pas contre la loi. Les techniques vont tellement vite depuis 2005. Cela ne me paraît pas incompatible de dire que la loi qui était bonne sur les embryons surnuméraires soit modifiée. Maintenant on ne peut pas tout traiter en une loi" lance encore le médecin.
"Il faut que chacun adapte son regard sur l'autre"
Ce dernier est le directeur de l’espace éthique régional des Hauts de France. Il a donc une affiliation directe avec le CCNE dans le cadre de ces États Généraux de la Bioéthique. Son but est de promouvoir les débats éthiques dans une région. "On travaille de concert avec le CCNE. Le CCNE est un organisme un peu institutionnel. Nous avons les mains dans le cambouis, et cela me fait très plaisir de débattre avec les populations" explique-t-il, ajoutant que la population, "des lycéens jusqu’aux personnes en ehpad, sont totalement d’accord pour parler de tout ça avec nous".
Les sujets abordés lors des États Généraux de la Bioéthique soulèvent de nombreuses passions, et les militants des deux bords sont très actifs dans ce domaine. Pour autant, Alain de Broca croit en la possibilité d’un débat apaisé. "Quand les gens ne se sentent pas écoutés, il est légitime qu’ils veuillent brandir leur pancarte. Maintenant si on pouvait se dire que l’autre a quelque chose à apporter, et c’est mon vœu, cela permettrait que tout le monde puisse s’écouter. Il faut que chacun adapte son regard sur l’autre. Il ne faut pas considérer que la population et les citoyens sont incapables de réfléchir ensemble" ajoute-t-il.
Pour faire débattre de ces questions aussi complexes, le docteur de Broca livre plusieurs méthodes. "Il y la méthode information, un sachant qui vient vous apprendre des choses. Il y a la méthode de débat traditionnel où l’un vient avec une idée opposée à celle de l’autre, ce qui permet aux gens de réfléchir. Nous faisons autrement. Nous demandons aux gens de s’asseoir autour d’une question précise, et de réfléchir sur les avantages, les risques, et les dérives en fonction des personnes. Ensuite on demande aux gens de se responsabiliser" explique le praticien.
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