Depuis plusieurs années, les enfants de prêtres ou de religieux tentent de briser la loi du silence qui entoure leur histoire. Fruits d’un amour interdit par l’Eglise catholique, nombreux sont ceux qui ont dû changer de nom, changer de ville, changer de vie, pour éviter l’opprobre. Témoigner à visage caché, c’est le quotidien de beaucoup d’entre eux. Aujourd’hui, plusieurs de ces enfants, membres de l’association Enfants du Silence, sont reçus par la Commission épiscopale pour les ministères ordonnés et les laïcs en mission ecclésiale dans les locaux de la Conférence des Evêques de France.
Léa Casamajor est l’une de ces enfants de prêtre. Un nom très joli, mais un pseudonyme, pour celle pour qui il est encore compliqué aujourd’hui, de témoigner à visage découvert. "Au sein de l’association, je suis loin d’être la seule à avoir cette pratique. On a tous subi tellement d’attaques, physiques parfois, de la part des gens, que ce soit au sein de notre milieu professionnel, ou notre famille proche, que l’on préfère garder l’anonymat" explique-t-elle.
Elle revient sur la rencontre de ses parents. "Mon père a choisi de devenir prêtre aux alentours de ses 19 ans. Il est rentré dans les ordres. Il enseignait dans un lycée catholique du Sud de la France. Un jour, il croise une enseignante qui n’était pas religieuse. Ils sont tombés amoureux. Mon père s’est demandé quoi faire. En tant que religieux, il ne pouvait pas avoir de relation avec ma mère. Il a décidé de quitter les ordres afin de faire une nouvelle vie. C’est là que les choses se sont compliquées" raconte Léa Casamajor.
"On peut quitter les ordres. Il y a tout une procédure au Vatican. Pour lui, cela a duré deux ans. Cela se termine par un document officiel du pape. Après cela, il s’est marié, il est revenu à la vie civile. Je suis né quelques années après, et j’ai quatre frères. J’ai toujours su qu’il était un ancien ecclésiastique, mais je l’ai appris de façon un peu violente. Quand j’étais petite fille, mon père ne savait pas quoi faire dans la vie civile en sortant des ordres. Il a continué dans l’enseignement en attendant de trouver une formation. Et c’est devenu compliqué, car les gens ont découvert son origine. On a été persécutés" ajoute-t-elle.
Elle revient sur les persécutions dont elle et sa famille ont fait l’objet. "On a reçu des lettres de menace, des colis avec des excréments. On a eu un début d’incendie criminel la nuit, dans notre domicile. Je ne comprenais pas. Et mes parents m’ont tout expliqué. Au collège, à l’école, au lycée, je n’en ai jamais parlé. Une fois adulte, je l’ai dit à quelques amis proches. Dans mon milieu professionnel, je ne le dis jamais. Auprès de ma famille proche, cela s’est très mal passé" lance Léa Casamajor.
Pour cette dernière, les enfants de prêtres et de religieux subissent un véritable traumatisme psychologique. "Quand vous apprenez cela d’un coup, c’est un choc terrible. Et d’un point de vue moral, c’est très difficile, car si on est croyant, on est mis au banc de la communauté religieuse. Les autres croyants n’acceptent pas que l’on existe. Le clergé met un voile sur cette réalité" explique-t-elle. D’où la création de l’association Enfants du Silence.
"Le premier objectif, c’était de réunir en petit cercle les enfants de prêtres. Très peu d’enfants se sont manifestés au début auprès de la présidente. L’idée c’est de discuter entre nous, de voir que l’on n’est pas seul. Le deuxième aspect, serait de pouvoir avoir accès aux archives de nos parents religieux. J’aimerai savoir où mon père a exercé son ministère pendant vingt ans. C’est vingt ans de trou noir pour moi. L’idée serait d’avoir accès à des choses très simples : où ils ont vécu, et quand. Certains ne connaissent même pas le nom de leur père" explique Léa Casamajor.
A titre personnel, cette fille de prêtre souhaiterait que les futurs ex-prêtres soient mieux accompagnés, et que cette réalité ne soit plus niée, ni placée sous le boisseau au sein de l’Eglise. "Je souhaiterai qu’il y ait une sorte de fondation pour l’après des prêtres. Quand vous sortez de l’Eglise, des institutions religieuses, vous êtres très démunis. L’idée serait qu’il y ait un accompagnement moral pour aider ces personnes à construire une nouvelle vie, un accompagnement professionnel, et un accompagnement matériel. Je trouve que ce serait une bonne idée" conclut-elle.
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