Dissertation

Ce matin où nos jeunes, dans le cadre du baccalauréat, vont disserter avec talent j’en suis sûr, je lisais un passage de Marcel Aymé, dans un roman de 1948, Uranus. Dans ce roman, Léopold, cafetier, se découvre une passion pour Racine et Corneille, avec Monsieur Didier professeur de français donnant ses cours dans le café. « Il venait de travailler d’arrache-pied sur une dissertation, déclare Marcel Aymé, ayant pour sujet : L’esprit de Résistance dans les tragédies de Corneille. Voilà qui nous rappelle quelques souvenirs. Mais au fait d’où vient le mot « dissertation » ?

Ce mot vient du verbe latin dissertare, disserter, développer un raisonnement, qui a donné la dissertatio. Dissertare vient du verbe serere, joindre, unir, attacher, et il s’agit alors en dissertant d’« insérer », ou plutôt « enchaîner des idées », tout comme le « sermon » de même origine latine signifie littéralement « enfilade de mots ». En tant que mot français né du latin disertatio, la dissertation ne date en fait que du XVIIe siècle, attesté en 1645 dans les lettres de Guy Patin. Ce dernier était médecin et épistolier, pratiquant donc ce genre spécifique qu’est la lettre, plus de mille, dans lesquelles il dissertait allègrement. Guy Patin donnait aussi de grandes leçons où le tout Paris venait, leçons qui ressemblaient à de vastes dissertations. S’agissant de l’exercice scolaire, c’est 1864 qu’on l’atteste, avec Littré, en donnant d’abore une définition générale : « Examen de quelque point de doctrine, soit de vive voix, soit par écrit ». Avec un exemple de Voltaire : « J’ai lu deux ou trois cents dissertations sur ce grand objet, l’âme ». Puis vient le sens qui nous intéresse : « Sorte de composition qu’on donne à faire aux écoliers dans les classes de philosophie des lycées ou collèges et aux aspirants à la licence dans les facultés des lettres. Dissertation latine. Prix de dissertation française. » Mais la dissertation prend aussi parfois un sens ironique…

Par exemple dans le Vie de Disraëli, en 1927, André Maurois évoque un personnage qui « parla sans fin du prix du lin, du prix de la laine, intercala une dissertation sur le lard, puis une autre sur les contrats de bœuf salé pour la marine »… Eh bien, j’espère que ce matin les candidats éviteront ce type de dissertation ! Je ne suis pas sûr en effet que la dissertation sur le prix du lard soit gagnante au baccalauréat !