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Des "vacances apprenantes"? Et si on laissait les enfants tranquilles?
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Des "vacances apprenantes"? Et si on laissait les enfants tranquilles?

RCF,  -  Modifié le 2 avril 2020
Est-ce un poisson d'avril du ministre de l'Éducation nationale? Marie Mullet refuse cette "rentabilité des vacances", pour laisser les enfants ralentir les activités et savourer la vie.
Scouts et guides de France (SGDF) - Marie Mullet-Abrassart, présidente des Scouts et Guides de France Scouts et guides de France (SGDF) - Marie Mullet-Abrassart, présidente des Scouts et Guides de France

Tous les matins avec mon équipe au bureau nous nous faisons un café virtuel : on se partage nos questions boulot, l’actu du jour et puis on se parle aussi de nos humeurs. Il y a ceux qui gèrent le télétravail en solo chez eux et parfois la solitude ça pèse, il y a les parents avec des petits enfants qui ne comprennent pas vraiment la notion de confinement ni de télétravail d’ailleurs et puis il y a les parents d’enfants scolarisés qui depuis le début de la crise cumulent donc un second job : enseignant. Des cours à suivre, des docs à imprimer, des dissertations à rendre, un rythme à garder ; penser au temps de récré, éviter de leur faire regarder la télé, les accompagner sur les maths, le français, renvoyer les exercices, être patient, attentif, ne pas faire à la place de.., bref, ils pensent autant que leurs enfants aux prochaines vacances quand bien même elles se limiteront à la frontière de leur salon.

Pourtant, Jean-Michel Blanquer parlait hier de "colonie éducative" et de "vacances apprenantes" : le repos ne sera pas à l'ordre du jour. Si on regarde le verre à moitié plein on peut se dire qu’il cherche à réguler les inégalités mécaniques qui sont en train de se mettre en place quand l’environnement familial intervient dans l’éducation quotidienne et que les enfants n’ont donc pas le même accès à la connaissance, aux outils informatiques, que leur milieu social peut influer leur manière d’apprendre, ect. Ce serait aussi faire en sorte qu’à la rentrée de septembre il n’y ait pas trop de disparités entre les élèves pour qu’ils puissent tous repartir d’une base commune.

On aurait même pu se dire qu’approchant le 01 Avril ça pouvait être une blague du ministre à ses élèves. Et bien pas du tout. Et en fait moi, là, j’ai pas envie de rire. C’est une période inédite, pour les adultes comme pour les enfants. C’est une période où chacun ré-invente son quotidien au gré de sa cellule familiale, des boulots des parents, de la composition de sa fratrie, de là où il habite. Chaque famille se recréé des repères dans des environnements parfois violemment différents du quotidien qu’ils connaissaient jusqu’à présent. Depuis 15 jours on arrête pas d’entendre à la radio qu’une manière positive de vivre ce confinement c’est de prendre du temps : du temps pour lire, pour se parler, pour applaudir nos soignants. Du temps pour regarder la liste de films qu’on a jamais eu le temps de voir, pour prendre 2kgs par jour grâce aux 3 gâteaux qu’on aura fait avec les enfants. Du temps pour rire quand dehors l’actu est morose, du temps pour prier pour ceux qui croient, du temps pour dire au revoir pour ceux que le Covid a rattrapé. Du temps pour expliquer aussi, à nos enfants, ce que c’est que la peur et la mort.

Les vacances apprenantes c’est considérer qu’elle ne l’étaient pas avant le confinement. Que seule l’éducation formelle permet à nos enfants de grandir. Bien sûr que l’école et nos enseignants sont centraux dans l’éducation mais combien de choses peuvent ils quand même apprendre et comprendre au contact de leur famille, de leur fratrie, par les construction de légo, le jeu de peinture, le dessin animé, la boite à histoires. Par les chamailleries, les discussions avec leurs parents, les défis sportifs lancés entre copains sur les réseaux, la confrontation quotidienne à une vie collective. Que voulons-nous qu’ils ressortent de cette période ? Qu’ils sont à jour dans le programme d’histoire-géo où qu’ils ont regardé pendant quelques heures « il était une fois la vie » en se gavant de crêpes à la confiture ? Que voulons-nous leur permettre de vivre pendant cette période où le monde entier nous demande de ralentir mais ça ne serait pas le cas pour eux ? Alors oui, foutons leur la paix, ils ne seront peut-être pas au niveau en septembre, il y aura des disparités et des inégalités c’est vrai, mais ils auront vécu, ils auront croqué des moments qui n’existeront plus demain quand la classe reprendra, ils auront grandi, ils auront appris. Ne cherchons pas à rendre rentable même le temps de vacances. N’oublions pas avant même d’être sortie de cette épidémie ce qu’elle est censée nous apprendre : ralentir c’est aussi savourer. Savourer c’est se sentir profondément vivant. Et c’est pour la Vie que l’on se bat en ce moment.

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