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De vieilles blessures

RCF,  -  Modifié le 28 septembre 2018
Chaque vendredi David Groison décrypte une image qui fait l'actualité, et aujourd'hui il parle d'une vieille photo de 1972.

C'est une veille photo, une image de la guerre du Vietnam, que tous nos auditeurs ont sûrement gardée en mémoire. Une petite fille nue, brûlée au napalm,  court vers nous. Autour d’elle, d’autres enfants pleurent, crient. Ils semblent nous supplier de les prendre dans nos bras, d’abréger leur souffrance. A l’arrière plan, une épaisse fumée noire. Leur village, bombardé au Napalm, cette substance à base d’essence qui s’enflamme, avec une texture de gel, pour coller à la peau. Horrible. Et autour d’elle, des soldats qui ferment la marchent. Et qui ne font rien. 

C’est une image très forte, qui a suscité la colère il y a presque 50 ans, qui continue à nous choquer. Mais pourquoi en parler aujourd’hui ? Pourquoi revient-elle dans l’actu ? C’est une image qui n’a jamais cessé d’y être, dans l’actu. Elle est iconique : elle rappelle que la guerre ne fait pas le tri. Elle ne touche pas seulement les soldats, ceux qui en font leur métier. Elle terrasse aussi les plus faibles, les  innocents, si justement incarnés par cet enfant, cette petite fille nue, les bras tendus presque en croix. C’est une martyre.

Mais c’est une martyre qui a survécu. Elle a été sauvée par le photographe, Nick Ut, qui a fait la photo. Il l’a emmenée à l’hôpital dans sa voiture, juste après avoir fait ce cliché. Il a menacé le médecin qui voulait la laisser mourir sur un brancard en brandissant sa carte de presse « si vous ne faites rien, tout le monde le saura ». Un autre journaliste l’a ensuite prise sous son aile. Il l’a emmenée à l’hôpital américain. Deux ans plus tard, un troisième photographe retrouve sa trace : il découvre les cicatrices atroces, la douleur toujours présente après dix-sept opérations. Elle peut à peine bouger le bras gauche. Il l’accompagne se faire opérer en Allemagne. Mais Kim Phuc – c’est son nom - aura mal toute sa vie. Son dos zébré est impressionnant.

Et puis la science a fait des progrès. Une publication scientifique est sortie cette semaine : grâce à de nouveaux traitements, ses cicatrices se sont résorbées et surtout la font beaucoup moins souffrir. Alors c’est technique. Des dermatologues américains ont manié plusieurs lasers. Un laser qui détruit une surface très localisée de la peau pour permettre au derme de se renouveler. Un laser qui permet au derme de se lisser, un autre de s’assouplir. Kim Phuc, on lui a fait aussi des injections de produits chimiques, comme on injecte du botox pour effacer les rides. Sa peau a retrouvé de l'élasticité. La douleur est passée – vous savez quand on note la douleur de 1 à 10 à l’hôpital - et bien là, la douleur est passée de 10 à 3. Et Kim Phuc peut enfin sentir son petit-fils quand elle le prend dans ses bras.

Cette image était déjà iconique – on l’a dit – en incarnant l’innocence foudroyée par la guerre. Elle était portée en étendard par la profession, car elle illustrait la force du photojournalisme – c’est une photo qui a fait basculer l’opinion américaine à propos de la guerre du Vietnam. C’était une photo exemplaire aussi, grâce à la petite histoire derrière la prise de vue : les journalistes ne se sont pas contentés de leur utilité publique, politique, ils ont aussi aidé cette fille, cette femme, personnellement. Cela sera désormais aussi le symbole des progrès de la médecine. Oui, la médecine est encore capable de nous surprendre et de changer la donne. Et de rendre les cicatrices d’une vie soudain moins douloureuses.

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