Cela fait un certain temps que nos dirigeants politiques voient dans les écrans l'avenir de l'éducation. Il y a eu le milliard d'euros du « Plan numérique pour l'école » sous François Hollande, les tablettes distribuées par les conseils départementaux et régionaux aux élèves, le collège « tout numérique », le « lycée 4.0 ». Pour nos chers élus, on tient avec le numérique à la fois un levier de croissance pour la « Ed tech » (comprenez la technologie de l'éducation), un cadeau aux familles en vue de leur futur vote et, bien sur, un « outil pédagogique » innovant, moderne, « adapté à la complexité du XXIe siècle », et autres joyeusetés technophiles. Il y a dix jours dans l'Oise, le Ministre de l'éducation nationale Jean-Michel Blanquer a été jusqu'à inaugurer une « école élémentaire 4.0 » ! Bien sur les maternelles sont dans le viseur et l'on en vient à se demander si nos bébés à la crèche auront bientôt la chance de bénéficier de ce formidable outil pédagogique eux aussi !
Avec le numérique à l'école il y a au moins 5 gros problèmes que je vais tenter de résumer : En premier lieu, il y a l'attaque frontale envers la santé des enfants et des adolescents, qui passent déjà près des deux tiers de leur temps devant un écran et subissent ainsi la perte de sommeil, l'obésité et les troubles de l'attention. Tout devrait être fait pour réduire ce temps d'écran, plutôt que l'augmenter ! Ensuite, il y a un problème éducatif. Aucune étude indépendante n'est parvenue à démontrer un effet positif du numérique sur l'apprentissage, tandis que pléthore d'études démontrent le contraire... Nous avons besoin de contact humain et de vrais livres pour mémoriser et pour apprendre, pas d'écrans supplémentaires. J'ajouterais le problème économique, avec un service public manquant cruellement de moyens humains et matériels, mais qui voit pleuvoir les millions dès qu'il s'agit de tablettes numériques. Un immense problème écologique, car le numérique représente déjà 4% du total des émissions de gaz à effet de serre, et consomme de très grandes quantités de terres rares. Dans le contexte du réchauffement climatique, ces tablettes, obsolètes au bout de trois ans, est-ce bien raisonnable ? Et enfin un problème social, car face à la catastrophe éducative et sanitaire que représente l'éducation numérique, ceux qui en ont les moyens paieront pour protéger leurs enfants. C'est déjà le cas aux Etats-Unis, où les enfants de la Sillicon Valley vont dans des écoles sans écran tandis que l'on apprend même plus à écrire autrement que sur un clavier dans 40 États sur 50. Ne répétons pas de telles injustices.
Reste l'argument du COVID... le numérique est tout de même bien utile en cas de confinement ? Oui, bien sur mais deux objections. Tout d'abord, pourquoi ne pas réfléchir, ne serait-ce qu'un instant, à des solutions sans tablettes ? Distribution de livres et cours papiers avec desinfection, courriers par voie postale, appels téléphoniques... Ces pistes ne semblent même pas avoir été envisagées. Et si, après mûre réflexion il apparaissait que le numérique est bel et bien la meilleure réponse pendant le confinement, alors il faut garder en tête que cela est temporaire ! On pourrait prêter et non donner les tablettes, en accompagnant les familles sur le contrôle des usages.
Avec des associations qui partagent nos préoccupations nous allons écrire aux élus en ce sens, et publierons cette semaine la lettre sur nos sites internet. Auditrices et auditeurs soucieux de l'éducation de notre jeunesse, si mes quelques arguments vous ont convaincu, n'hésitez pas à nous soutenir, car plus nous serons nombreux plus nous serons écoutés !
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