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Affamé

RCF,  -  Modifié le 27 juin 2018
Le film de Léa Frédeval, "Les affamés", sort ce mercredi en salle. "Affamé" : un mot qui interpelle Jean Pruvost ce matin.
Pascal Hausherr Pascal Hausherr

Il y a des mots qu’on aimerait voir disparaître, hélas il y a peu de chances qu’il n’y ait plus une seule personne affamée au monde, un paradoxe effrayant du monde moderne. Le mot, on s’en doute, apparaît vite, puisqu’on le repère dès le XIIe siècle. C’est celui que l’on va ausculter ce matin.

« Affamé », entré au XIIe siècle dans notre langue vient bien du verbe « affamer », qui lui est issu d’un latin populaire « affamare » en partant de « fames », désignant la faim. En fait, le mot fames, famis, exprime en latin la faim mais aussi un violent désir de quelque chose, ce qu’on retrouve bien dans la formule, « avoir faim de tout ». Lorsqu’en 1571 on propose des adjectifs au mot « faim », on sent bien la détresse y correspondant : « Fain ou Famine », c’est l’entrée du dictionnaire et la synonymie ainsi établie est déjà révélatrice. Que peut être alors la faim ? « Importune –un mot fort à l’époque – allouvie – entendons une faim de loup-, triste, mauvaise conseillère, nécessiteuse, étroite, gloute ou gloutonne, misérable, longue, avide, enragée, maigre, insatiable, cruelle, ravissante – là il faut comprendre qui vous prend, vous tue en somme -, pernicieuse, soucieuse, dure, implacable, rongearde, béante, engloutisseuse ».

Et puis viennent les toutes premières définitions dans nos dictionnaires de la fin du XVIIe siècle. Par exemple, la toute première pour « Affamer », le verbe : « Faire souffrir la faim », avec un exemple typique de cette époque guerrière : « Affamer l’ennemi, une ville ». Qu’on retrouve dans l’adjectif : « Qui a faim. Ville affamée. ». Furetière, en 1690 offre même un commentaire. « Affamer se dit aussi des goulus qui affament les autres ». L’idée d’ailleurs de responsabilité est aussi très présente dans une définition forte d’un verbicruciste pour affameur : « Affamé : Fauteur de guère », guère étant écrit g u è r e. La faim étant définie comme une « envie de vivres », vivre avec un s. La seule faim qui mérite d’exister, c’est la faim de justice et de générosité. Pour faire fuir l’autre faim.
 
 
 
 
 

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