"À la ligne", un livre de Joseph Ponthus
Un premier roman, écrit par un auteur touche-à-tout : études de lettres à Reims, travail social à Nancy puis en banlieue parisienne, intérimaire en Bretagne… et désormais écrivain. Par amour, il quitte son job mais ne trouve pas de travail d’éducateur. Qu’importe, il se retrouve en usine, à trier les crevettes et les bulots et dépecer les poissons. C’est un boulot épuisant sur la ligne… de production. Joseph Ponthus écrit cette aventure ouvrière, inscrit les anecdotes qui se succèdent jour après jour, nuit après nuit, noir sur blanc.
Un travail qui marque aussi le style de l’auteur qui passe à la ligne constamment…
Et si l’industrie agroalimentaire s’organise sur des lignes de production, ce sont les lignes d’écriture qui comptent. "J’écris comme je travaille", confie-t-il, à la chaîne, à la ligne. Les réflexions se suivent, l’auteur passe donc à la ligne – encore -, comme on laisse ses pensées divaguer, jouer à saute-moutons quand on est prisonnier de tâches répétitives, que le froid engourdit les mains, que les heures s’étirent en attendant la pause cigarette. "Ce n’est pas ma place, mon boulot, ma vie qu’est-ce que je fous là avec toutes mes années d’études ce que j’ai lu écrit ou compris du sens du monde", écrit l’intérimaire qui doit bien gagner sa vie, comme on dit.
C’est quand même un intellectuel à l’usine…
Prisonnier de l’usine, il décrit le pouvoir des petits chefs, les coups de gueule et les solidarités ouvrières, évoque avec pudeur l’amour de la femme aimée, donne la recette de 164 litres de sauce béchamel… Et partage aussi ces émotions littéraires, les refrains qui viennent ponctuer la journée de travail, Babara, Trenet, Alexandre Dumas, Zola ou Cendrars, Apollinaire qui disait : "c’est fantastique tout ce qu’on peut supporter".
Ce n’est pas un roman social pour faire joli, c’est le récit cru d’un travail qui engage tout l’être, le corps meurtri, l’esprit vide : "et puis, il y a le bruit, la fatigue… Chacun se concentre sur son café et sur sa clope." L’auteur ne frime pas, n’enjolive pas, rapporte sur le papier ce qui paraîtrait invraisemblable : "Je me répète les mots sans trop y croire, je vais égoutter du tofu cette nuit, toute la nuit je serai un égoutteur de tofu".
Les horaires qui changent, la fatigue physique, l’épuisement que restitue l’écriture : on n’échappe pas à son travail, même une fois quitté l’usine. Après le tri des poissons panés, c’est l’abattoir : on n’a pas le choix, faut bien bosser… Et tenir. Avec en mémoire les derniers mots du comte de Monte Cristo : "l’humaine sagesse est tout entière dans ces deux mots : attendre et espérer !". Point, à la ligne.
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