L'humeur politique de Dominique Breillat

Le 1er juillet la France a battu la Belgique à l'Euro de football. Il ne faudrait pas qu'elle essaie de battre nos amis belges dans un autre domaine, la durée de formation d'un gouvernement. Lorsqu'Alexander De Croo était devenu premier ministre, c’était au bout de seize mois d'attente... Devrons-nous attendre autant de temps pour avoir un gouvernement durable? Si Gabriel Attal a été renommé premier ministre, il n'a que des pouvoirs réduits, devant "expédier les affaires courantes". La nomination de son successeur sera difficile car il faudra quelqu'un capable de manier l'art du compromis entre formations politiques opposés. Souhaitons qu'on le trouve vite. Nous ne pouvons nous permettre de battre la Belgique sur son record de désignation d'un nouveau premier ministre.

Ces élections législatives sont véritablement hors normes dans nos institutions. Il y a d'abord eu cette dissolution inattendue qui a surpris tous les camps politiques y compris le camp présidentiel. Et le premier tour a été marqué par une forte participation à laquelle nous n'étions plus habitués depuis 2002 et le jumelage de l'élection présidentielle et des élections législatives. Les électeurs ont vu un véritable enjeu avec une possibilité d'alternance politique. Que sera notre vie politique au soir du 7 juillet? Connaîtrons-nous la cohabitation sui le RN obtient la majorité absolue? Si aucune majorité ne se dégage comment innovera-t-on pour faire fonctionner les institutions? L'enjeu de dimanche prochain est considérable.

Le caractère inattendu de la dissolution a surpris tous les camps politiques. Le délai pour la campagne est particulièrement bref avec des conséquences fâcheuses. Le nombre de candidats est très réduit, divisé par deux dans notre région. Les électeurs doivent pour beaucoup qui sont empêchés, trouver un mandataire pour voter par procuration. Un système extrêmement critiquable.
Beaucoup d'électeurs se sentiront frustrés, ce qu'il faut bien évidemment regretter. Frustration chez nombre d'électeurs et discréditer encore un peu plus nos institutions, ce dont elles n'ont certainement pas besoin.

On observe depuis quelques mois des violences contre les personnalités politiques dans la plupart des pays européens. Les Etats cons9idérés comme des démocraties modèles comme les pays scandinaves ne sont pas épargnés. Il faudra savoir vivre avec ces menaces sans porter atteinte à nos libertés afin que les auteurs de ces violences ne triomphent pas. Un difficile défi.

La dissolution de l'Assemblée nationale annoncée par le président Macron a été la plus grande surprise de cette soirée électiorale. L'issue en est plus qu'incertaine pouvant conduire à une cohabitation avec un gouvernement RN, un sursaut en faveur des Macronistes, ou plus vraisemblablement à une assemblé divisée sans majorité rendant la France ingouvernable. Les institutions risquent d'être soumises à rude épreuve.

Les conditions du mode d'élection des députés européens en France ont de quoi dérouter l'électeur. 38 listes en présence. On peut constater 38 panneaux à la porte des bureaux de vote, plus de la moitié d'entre eux étant sans affiches. La représentation proportionnelle facilite les envies des politiques de tout poil pour participer. Mais il est difficile d'avoir une véritable égalité entre les listes car professions de foi et bulletins de vote sont à la charge des listes. Beaucoup y renoncent et nombre d'entre elles ne fourniront pas de bulletins. Enfin, avec des listes nationales, les territoires sont oubliés au profit des apparatchiks parisiens. Il faudra abolument réviser ces conditions pour les élections de 2029 si nous voulons sortir de ce brouillard électoral.

Liée à la Vienne et aux Deux-Sèvres, Marie-France Garaud s'est éteinte le 22 mai à Saint-Pompain. Longtemps considérée comme une femme de l'ombre, elle avait influencé fortement certaines personnalités comme Georges Pompidou et surtout Jacques Chirac jusqu'à la rupture en 1979. Elle réussira moins quand elle affrontera les électeurs, que ce soit en 1981 lors de l'élection présidentielle ou en 1986 lors des élections législatives. Elle sera cependant élue députée européenne en 1999. Femme de caractère aux idées affirmées, elle marquait de façon originale la vie politique française. Aujourd'hui, les personnalités comme Marie-France Garaud sont bien trop rares dans notre débat politique.

Alors que la Nouvelle-Calédonie avait connu de 1984 à 1988 une situation proche de la guerre civile, Michel Rocard avec intelligence avait su ramener la paix. Les accords de Nouméa en 1998 avait prolongé la période transitoire et prévu 3 référendums. Ceux-ci ont donné la victoire au "Non à l'indépendance", le dernier étant contesté par les Kanaks qui représentent 41% de la population. Le projet de "dégel du corps électoral" a suscité des violences. Saurons-nous trouver un nouveau Michel Rocard pour ramener la paix ?

Le vote aux élections européennes connaît des disparités dans les 27 Etats. Ainsi tous les jeunes de 16 ans pourront voter aux élections européennes dès 16 ans en Autriche, à Malte, en Belgique et en Allemagne. Ainsi un()e Français(e) de 16 ans résidant en Allemagne pourra voter en tant que citoyen européen alors qu'il ne pourrait le faire si il/elle résidait en France. Nul doute que l'abaissement à 16 ans de la majorité électorale va vite devenir un débat en France dont certains se sont déjà emparés.

On peut se demander comment il est possible pour les Américains de voter pour Donald Trump alors qu'il est poursuivi pour de nombreuses affaires mettant en cause son immoralité et sa probité. Mais le phénomène n'est pas propre aux Etats-Unis. L'Europe et la France ont connu de telles situations où des élus mis en cause et condalmnés par la justice ont pu ensuite à nouveau être réélus. Nous pouvons citer non loin de chez nous le cas de Daniel Wilson, gendre du président Grévy au coeur du scandale des décorations et régulièrement réélu député de Loches. L'honnpteté et le refus de la démagogie ne sont pas toujours un atout en politique. Bien au contraire hélas !

Le mois de mai est un mois bien compliqué en raison du nombre de jours fériés. Cette année, ce sera 3 voire 4 jours fériés si on inclut le lundi de Pentecôte toujours ambigu. Cette année, 3 des 4 jours fériés tombent en milieu de semaine incitant à des ponts. L'Europe connait une grande diversités des jours fériés et souvent il est difficile de travailler à l'international en raison de cette multiplicité. On pourrait pourtant imaginer que le 9 mai soit férié dans les 27 pays de l'Union européenne, la France décale le 8 mai au 9 et célébrant à la fois l'Europe et la paix retrouvée.
Et ne pourrait-on alors imaginer que tous les 5 ans les élections européennes aient lieu le 9 mai ? Ce serait un symbole d'unité.

Nous avons commémoré cette semaine les 80 ans du vote des femmes. Nous aurions du le faire avec humilité car cela intervenait 51 ans après la Nouvelle-Zélande, qui avait été le premier État à entrer dans cette voie. Nous avons manqué le grand mouvement qui a suivi la première guerre mondiale. Si les députés français s'étaient prononcés favorabelement dès 1919, les sénateurs en 1922 s'étaient opposés et parmi eux, 5 des 6 sénateurs de Vienne et Deux-Sèvres. Et pourtant, sous la Révolution, le député des Deux-Sèvres, Lecointe-Puyraveau dans la lignée de Condorcet avait plaidé pour le vote des femmes. Que n'avons-nous suivi son appel ?

La lecture du Journal Officiel est toujours instructive. Celui du 11 avril a publié un arrêté relatif à l'uniforme des autorités préfectorales. Cet uniforme peut surprendre les étrangers et des officiels allemands venus à Poitiers il y a quelques années m'avaient demandé si le tricorne de la préfète était un costume folklorique. Les 15 pages de l'arrêté ministériel pourront répondre à leur interrogation mais peut-être pourra t-on regretter le bicorne et l'épée des prefets napoléoniens.

La fonction de Premier ministre dans la pratique de la Vème République est d'une grande ambiguïté. La Constitution en fait le chef d'un gouvernement responsable devant l'Assemblée nationale. mais les présidents de la République et notamment Emmanuel Macron ont tendance à se considérer à la fois chef de l'Etat et chef de gouvernement. Gabriel Attal tente d'affirmer son rôle et on ne peut lui en faire grief. S'appuyant sur une communication efficace et innovante il cherche à imprimer son rôle. Ainsi en témoigne cette initiative lui faisant assumer seul les réponses aux questions à SON gouvernement par les députés. L'opposition a critiqué. Et pourtant peut-on au Premier ministre de respecter une Constitution qui dispose que "le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation" et que "Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement"?

L'élection présidentielle de dimanche au Sénégal tient vraiment du miracle. Depuis un an, des événements souvent dramatiques ont marqué la vie politique du Sénégal laissant penser que le Président Macky Sall se maintiendrait coûte que coûte au pouvoir. Finalement, le président a renoncé à se présenter et le scrutin a pu avoir lieu donnant la victoire à l'opposant Diomaye Faye tout juste sorti de prison.
Mais le véritable miracle a été la réaction des gouvernants qui immédiatement ont félicité l'opposant pour sa victoire.
Alors que nombre de pays proches connaissent une dictature militiare, le Sénégal a montré l'exemple qu'il faudrait suivre.

Il y a 80 ans, le Conseil National de la Résistance adoptait son programme à l'unanimité des six mouvements majeurs de la Résistance, des deux syndicats (CGT et CFTC) et de six partis démocratiques de la droite républicaine à la gauche communiste. Ce programme a marqué les réformes intervenues à la Libération et il est resté une référence. Emmanuel Macron en créant le Conseil National de la Refondation a repris le sigle CNR. C'est qu'avant tout il y avait cette idée d'unité des Français dans ce programme. Puissions-nous retrouver aujourd'hui cette unité dont ses rédacteurs avaient été capables dans les jours sombres.

Les élections législatives de dimanche au Portugal ont conduit à une impasse. Alors que les sondages annonçaient une alternance avec l'Alliance démocratique de centre droit, celle-ci n'a pu gagner son pari. D'une part, la représentation proportionnelle a été un obstacle pour détenir la majorité absolue des sièges mais surtout, la droite radicale avec Chega (ça suffit) a progressé fortement avec 18% des suffrages. Qui va pouvoir gouverner le Portugal ? L'Alliance démocratique au cours de la campagne a refusé toute alliance avec Chega. Mais aucune des deux formations démocratiques est proche du pouvoir. Le Portugal risque de connaître un fonctionnement politique chaotique.

La révision constitutionnelle du 4 mars 2024 sera-t-elle la seule de la présidence Macron ?
Il n'est pas facile de réviser la constitution et encore moins dans le contexte politique actuel. C'est qu'il faut l'accord de l'Assemblée Nationale et du Sénat, or celui-ci est dominé par l'opposition et la ratification par le Congrès qui permet d'éviter un référendum toujours risqué nécessite qu'une partie des oppositions rejoigne la majorité présidentielle. Deux thèmes devraient faire l'objet d'une prochaine révision: la Corse et la Nouvelle-Calédonie. On peut penser que ce sera une entreprise bien difficile pour Emmanuel Macron.