Leçons d'Histoire

Yann LE BOHEC, professeur émérite de l’université Paris-Sorbonne, spécialiste de l’histoire militaire romaine. Auteur de Les Romains au combat (Tallandier)

On connaît des films comme Gladiator de Ridley Scott, qui ont magnifié l’héroïsme de soldats romains. Pourquoi cette armée continue-t-elle de fasciner ? C’est qu’elle a inspiré les armées modernes, avec le style en plus lié au combat les yeux dans les yeux.

Laurent PFAADT, historien des relations internationales. Auteur de Simone Veil (Alpha)

« Entrer dans le bureau de Simone Veil quand on a à peine trente ans n’est pas une mince affaire. C’est comme pénétrer dans le Panthéon avec ces figures de l’histoire de France qui vous toisent, vous jaugent. Surtout lorsqu’elles sont vivantes. » Laurent Pfaadt raconte son histoire avec Simone Veil, à l'occasion de l'anniversaire des procès de Nuremberg et au moment où la mémoire des horreurs du XXe siècle s’effiloche.

Philippe BORNET, médecin, essayiste. Co-auteur avec le Pr Gérard Lucotte de Qui a tué Napoléon ? 10 enquêtes scientifiques au secours de l'histoire - préface de Jean Tulard (Max Milo)

Le 2 décembre correspond au traditionnel 2S, fête lors de laquelle les élèves officiers de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr célèbrent la bataille d’Austerlitz, apogée de l’empire napoléonien. La mort de l’empereur, le 5 mai 2021 à Sainte-Hélène, est toujours un objet de spéculation. Les Anglais y ont leur part de responsabilité. Napoléon a-t-il été empoisonné ou simplement mal soigné ?

Marie FAVEREAU, historienne, maître de conférences en histoire médiévale à l’université Paris-Nanterre. Auteur de Les empires anciens (Perrin)

Des Mongols à l'Égypte en passant par la Perse et les Aztèques, les empires anciens remontent à la nuit des temps et prennent fin autour du XVIe siècle. Ceux-ci ne se limitent pas à des batailles et à des invasions. L’art, le commerce, la manière de gouverner illustrent un fort de degré de sophistication dont témoignent les dernières découvertes de l'archéologie et qu’éclairent les commentaires d'historiens d'exception dirigés par Marie Favereau. Sont esquissées ici la Phénicie dont se réclame l’imaginaire libanais ainsi que la coexistence entre les religions dans l’empire mongol, en référence notamment à la controverse de Karakorum en 1254 avec Guillaume de Rubrouck, envoyé par saint Louis.

Raphaël RAMOS, docteur en histoire, chercheur associé à l'Université Paul Valéry de Montpellier, membre de la rédaction d'Intelligence Online. Auteur de La Puissance de l’ombre - 250 ans de guerre secrète de l’Amérique (éditions du Cerf)

Déjà, dans les années 80, François Mitterrand affirmait que nous étions en guerre avec les États-Unis. L’ancien président de la République parlait même de « guerre à mort ». Celle-ci passe aussi par les canaux des agences de renseignement dont Raphaël Ramos estime qu’elles ont mis sous surveillance le monde entier. Le pouvoir politique commande aux agences et les emploie, afin de servir le rêve impérial US.

Brigitte SION, présidente du Conseil scientifique du Mémorial d’Izieu, docteur de l’Université de New York, spécialiste des musées et mémoriaux. Co-auteur du livre collectif Nuremberg, l’album du procès (Tallandier)

20 novembre 1945 : c’est le début du procès de Nuremberg, où comparaissent les hiérarques nazis que les Alliés auront réussi à  arrêter. Ce procès fondateur de la justice internationale a été photographié sous tous les angles par Christopher Alexander. Une sélection de clichés inédits, que possédait le mémorial d’Izieu, est réunie dans cet album aussi original que didactique.

Xavier HÉLARY, professeur d’histoire du Moyen Âge à Sorbonne-Université, directeur de l'ouvrage collectif Histoire de l'Europe Tome 2 - La naissance de l'Europe ? Ve-XVe (Passés composés)

Le pape Léon XIV se rend demain en Turquie pour marquer le 1700e anniversaire du concile de Nicée. Même si le rendez-vous se tient en Asie mineure, c'est une part de l'histoire de l'Europe qui s'exprime dans cet événement fondateur du christianisme, perçu comme un catalyseur. 

Comme la chrétienté d’Afrique du nord, les chrétiens de Turquie forme une communauté résiduelle, adossée toutefois à une fort longue et riche histoire, celle de l’Asie mineure, ancienne province romaine, hellénisée, en particulier le long de la mer Egée. Ce christianisme primitif a le charme de noms familiers charriés par les Écritures. Dans les Actes des Apôtres, « Ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens ». À Éphèse, le mont Koressos héberge la Maison de la Mère Marie, où, selon la tradition catholique, Marie passe ses dernières années, après que Jésus l’a confiée à l’apôtre Jean. Cette église est liée au Concile d’Éphèse, en 431, où le titre de Theotokos (Mère de Dieu) lui est reconnu. Dans l’Apocalypse de saint Jean, le Christ adresse des messages à sept Églises, toutes situées en Asie Mineure :

Éphèse, église connue pour son ardeur initiale

Smyrne (aujourd’hui Izmir), pauvre mais spirituellement riche

Pergame, fidèle malgré l’hostilité

Thyatire, félicitée pour sa charité et sa foi

Sardes, « réputée vivante » mais spirituellement morte

Philadelphie (aujourd’hui Alaşehir), petite mais très fidèle

Laodicée, riche mais tiède

Les Églises d’Asie Mineure sont aussi celles que saint Paul a évangélisées :

Antioche de Pisidie est l’une des premières villes d’Asie Mineure où Paul prêche. Paul et Barnabé y annoncent l’Évangile dans la synagogue (Actes 13).

Iconium (aujourd’hui Konya) voit Paul et Barnabé se heurter à l’opposition (Actes 14).

À Lystre, Paul guérit un infirme, y est lapidé puis reprend son voyage (Actes 14). C’est la ville natale de Timothée, qui rejoindra Paul.

Derbé est la dernière étape de leur premier voyage missionnaire (Actes 14). Ces quatre villes forment la Galatie du Sud, au cœur de la première mission.

À Éphèse, Paul reste près de trois ans (Actes 19). De là, son influence rayonne sur toute l’Asie.

À Colosses, son disciple Épaphras y fonde l’Église. Paul lui écrit l’Épître aux Colossiens.

À Laodicée, Paul échange des lettres avec cette communauté.

Hiérapolis est mentionnée en Colossiens 4:13 comme Église évangélisée par Épaphras

Troas est un autre lieu d’évangélisation (Actes 16 et 20). Paul y prêche longuement

Perge (Pamphylie) est un autre lieu d’annonce de l’Évangile sans oublier Milet, où Paul rencontre les anciens d’Éphèse (Actes 20).

Le christianisme en Asie mineure n’est pas une réalité révolue mais continue à tutoyer notre rapport à au Christ et à son message. Une raison supplémentaire d’être attentif au sort des chrétiens que le régime turc n’a de cesse de persécuter.

Alexandre MARAL, historien, conservateur général du patrimoine. Auteur de Versailles des origines à nos jours (Perrin)

Alexandre Maral a consacré sa vie professionnelle à Versailles et, avec ce nouveau projet, l’historien reprend le flambeau de la monographie de Pierre Verlet, Le Château de Versailles, publiée chez Fayard en 1961 et objet d'une nouvelle édition en 1985. La versaillologie désigne cette science du lieu et de son histoire, à la croisée des chemins entre histoire politique, histoire de l'art – architecture, peinture, sculpture, gravure, art des jardins, musique, arts de la table : Plus qu’un château, Versailles, c’est un mode de vie, si français, si universel.

Olivier DARD, professeur d’histoire contemporaine à Sorbonne Université. Co-auteur avec Bruno Dumons de L’Ordre moral (1873-1877) (éditions du Cerf)

À l’heure où l’on parle d’union des droites, la séquence historique de l’Ordre moral (1373-1377) peut nous aider à comprendre ces dynamiques internes à l’opinion. Après la défaite de Sedan qui précipite la fin du Second Empire, il s’en fallut de peu que la royauté fût restaurée. L’ordre moral voulu par Mac-Mahon a durablement marqué la culture politique française, entre royalisme, catholicisme et conservatisme.

Dimitri CHAVAROCHE, enseignant-chercheur en histoire contemporaine au sein de l'Université de Haute-Alsace. Auteur de Corps à corps - le combat rapproché pendant la Première Guerre mondiale (Passés composés)

Les yeux dans les yeux : pendant l'apocalypse des guerres de tranchée, Français et Allemands se sont aussi directement combattus, au plus près, et jusqu'au corps-à-corps, même si l'artillerie a été le mode opératoire le plus meurtrier. L'évolution du rapport à la mort, le recours à une technologie sans cesse plus sophistiquée, ne périment pas cette réalité ontologique de la guerre : se battre, vaincre ou mourir.

Amandine CORNETTE de SAINT-CYR, romancière. Auteur de Au secours Marie ! (Fayard)

Histoire ici est à prendre au sens littéral d’histoire personnelle, celle qu’Amandine Cornette de Saint-Cyr, a vécu avec sa mère, atteinte d’un cancer et qu’elle a emmenée à Lourdes. Cette histoire vraie, la romancière, déjà auteur d’un appel au secours à sainte Rita, raconte à la fois une quête partagée, une tentative de réconciliation, un chemin de foi et d’amour où mère et fille renouent, s’élèvent et se retrouvent.

Alexandre JEVAKHOFF, historien, haut fonctionnaire. Auteur de Nicolas II et Raspoutine - une histoire russe (Perrin)

Que n’a-t-on écrit sur le si influent Raspoutine, assassiné en 1916 par un groupe d’aristocrates qui ne supportait plus l’influence qu’il exerçait ? Alexandre Jevakhoff étudie ce personnage énigmatique sous l’angle de ses relations avec le tsar Nicolas II et l’impératrice Alexandra Feodorovna. S’il n’était pas moine, on le prenait pour un guérisseur. La famille impériale le voyait comme un envoyé de Dieu, indispensable, en particulier dans un contexte d’angoisse permanente liée à la maladie du tsarévitch.

Yves CHIRON, historien, spécialiste du fait religieux contemporain. Auteur de La liturgie dans les camps - célébrer la messe à Auschwitz (éditions du Cerf)

Des millions d'âmes, des milliers de prêtres et de religieux, se sont retrouvés prisonniers ou déportés en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Autant les camps de prisonniers avaient un régime de tolérance, autant les camps de concentration réprimaient toute expression de la foi. La manière de célébrer la messe pendant cette période a fortement influencé les initiatives liturgiques liées au concile Vatican II.

Laëtitia de WITT, historienne, vice-présidente de l’Institut Napoléon et descendante de Letizia Bonaparte. Auteur de Letizia Bonaparte (Tallandier)

Letizia Bonaparte, née Ramolino en 1750 à Ajaccio, est la mère de Napoléon Ier. Elle eut 13 enfants, suivit l'Empereur dans son ascension, tout en gardant une distance prudente et vivant dans l'ombre de tout son clan. Surnommée « Madame Mère » sous l’Empire, elle mourut à Rome en 1836, crainte de l'Europe entière comme la matriarche de la dynastie Bonaparte. Laëtitia de Witt s'intéresse à cette figure sur laquelle, malgré la profusion de livres sur Napoléon, les archives restent peu disertes.

Jacqueline LALOUETTE, historienne associée à la Fondation Jean Jaurès, spécialiste d’histoire religieuse et contemporaine. Trois fleurs de la nation - le drapeau, l’hymne, la devise (Passés composés)

Savez-vous d’où viennent nos symboles ? Sous l’Ancien Régime, la France ne se référait pas à un drapeau, un hymne et une devise. Ce triptyque est apparu à la Révolution et a connu un parcours très chaotique jusqu’au jour où les symboles sont entrés dans la Constitution, après la Seconde Guerre mondiale. Et n’allez pas croire que les trois couleurs aient quelque chose à voir avec la ville de Paris et le blanc de la monarchie ! 

Pr Gilles PIALOUX, professeur d’infectiologie à Sorbonne université, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Tenon, membre de la Société française d’histoire de la médecine. Auteur de Admirations, sept héros de la médecine (Perrin)

Il y a des médecins idéalistes et désintéressés qui sont tombés dans l’oubli. Ainsi en est-il d'une Madeleine Brès, première femme médecin en France. C'est elle qui inaugure la galerie de portraits dessinés par le Pr Gilles Pialoux, où figurent également Alexandre Yersin, découvreur du bacille de la peste et scientifique de génie, Zénon Drohocki, médecin juif déporté pionnier de l'électroencéphalographie, ou encore James Barry – né Margaret Bulkley -, brillant médecin et militaire de l'empire britannique, l'un des premiers au monde à réaliser une césarienne.

Philippe CHARLIER, médecin légiste, archéologue, anthropologue, directeur honoraire au département de la recherche du musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Auteur de L’histoire au scalpel - autopsie des morts célèbres (Tallandier)

Il les appelle « ses patients » : reliques, dépouilles, ossements des personnages célèbres, de Lucie à Picasso, sont passés entre ses mains. Des corps qui parlent, qui racontent et dont les deux tiers sont authentifiés.

Pierre-Jérôme BISCARAT, historien, spécialiste de la Shoah. Auteur de Un village sous l’Occupation (Passés composés)

La collection « un village sous » permet de comprendre un événement « à hauteur d’hommes ». C’est la cas de Belley (Ain), occupé par les troupes italiennes en novembre 1942. Fort de nombreuses archives locales, on vit cette période dans le regard de personnages, qu’il s’agisse de Gertrude et David, écrivains juifs, ou Romans et Plutarque, résistants

Dimitri CASALI, historien, spécialiste de l’enseignement de l’histoire, ancien professeur en ZEP. Auteur de Quand la France perd la mémoire (Fayard)

Dans la vie, nul ne peut se passer de repères, que ce soit pour l’histoire individuelle ou collective. De Clovis au général de Gaulle, la France est l’héritière de l’un des passés les plus riches, les plus glorieux, les plus prestigieux. Encore faut-il le savoir et le transmettre pour que la culpabilité n’interdise pas de se projeter ni d’être fier de ce que leurs ancêtres ont construit. Le récit national, bien compris et bien enseigné, est une source de paix et d’entente dans une société dont les membres ne savent plus bien ce qui les relie.