Charles Aznavour rêvait d’une chose. Donner son ultime récital, le jour de ses cent ans. Le destin en décidera autrement. Il restera à tout jamais dans nos mémoires, notre mémoire collective. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. Quoique ? Son écriture sera parfaite. Il se mettait à la table tous les matins, ses dictionnaires de rimes et de synonymes sous la main, et avec des mots simples, des mots de chaque jour, il se hissera petit à petit, à la force du poignet, à la hauteur des plus grands.
Aznavour a toujours clamé son amour pour le jazz. Aznavour et le jazz ? C'est une longue histoire. Il s'en imprègnera tout au long de sa jeunesse, en faisant tourner les 78 tours de Duke Ellington, Louis Armstrong sans oublier ceux du Hot club de France avec Django Reinhardt, Django qu'il croisera quelques années plus tard dans des boites parisiennes. Dès ses débuts, dans les années 1940 avec Pierre Roche, Aznavour dans ses compositions fera plus que flirter avec le jazz. Il a le swing dans la peau. Il possède un rythme fou, et saura scatter comme les plus grands. Et puis dans les dernières années, il saura s'entourer de tout ce que compte le jazz de valeurs en France. Petrucciani, Galliano, Jacky Terrasson, Eddy Louis et pour deux duos Diane Reeves. Tel un instrument, Aznavour saura se fondre avec les musiciens. Il cessera de favoriser le texte au bénéfice du son, j'ai bien dit du son et non de la voix, et saura se faire le temps de deux albums, instrumentiste. Et puis il y aura les rencontres, les duos sur scène ou en studio. Liza, Sinatra, le nec plus ultra !
Aznavour se donnera pour règle de ne jamais chanter de chansons ouvertement politiques, ouvertement engagées. Aznavour écrira sur la guerre mais sans pousser de cri. Il se placera en mode j’observe. C’est ce qu’il a en face de lui qui l’inspire et non ce qu’il a subi. Il témoignera, il gardera vivace le souvenir des choses mais sans nous demander à prendre parti. Grosse différence et on ne trouvera jamais chez lui des prises de position comme chez Brassens ou Ferrat. Il ne sera pas non plus cet insurgé viscéral, ce révolté solitaire qu’était Léo Ferré.
Et puis en deuxième partie de programme, je conjuguerai Aznavour au féminin, Aznavour chanté par des femmes, et quelles femmes ! Patachou, Dalida, Gréco, Piaf et quelques autres.
1968, avec son joli mois de mai, un mois de mai synonyme de révolte, une révolte désormais entrée dans l’histoire. Ebranlement social paralysant la totalité du pays pour déboucher sur une crise politique sans précédent. La jeunesse va se libérer, la jeunesse va s’autoriser, la jeunesse va oser. Faites l’amour pas la guerre. Et justement à propos d’amour. Elle s’appelait Gabrielle. Agrégée de français, 32 ans, divorcée, deux enfants. Lui, Christian, à peine âgé de 17 ans. Ils vont s’aimer jusqu’à la démesure. Ils vont s’aimer d’un amour pur, un amour qui n’aurait jamais dû être interdit. Un amour entre un professeur et son élève. La société commence à basculer mais elle est encore dirigée par les anciens. Alors il faut impérativement remettre de l’ordre auprès de la jeunesse. Il faut un exemple, un exemple fort et ce sera Gabrielle Ruissier.
Durant ses tournées, Charles Aznavour se promenait caméra au poing, afin de filmer chaque instant de la vie pour en faire son miel. La constante dans ses textes sera de donner à voir, autant que d’entendre. Parce qu'il était un passionné de photographie, tel un peintre, tel un comédien, il mettra en scène à sa manière, à son niveau, le quotidien de chacun. Chercher, trouver l'angle juste, poser son regard sur une situation avec pudeur, avec cette distance nécessaire, laquelle nous permettra de nous glisser facilement dans la peau des personnes. Aznavour partira en écriture suite à une idée, à une situation, une chose lue dans les journaux, vue à la télé, dans la rue, une chose vécue au cours de ses rencontres. Comme dit l’expression il fera feu de tout bois. Et puis il nous chantera le temps, ce temps qui passe, ce temps perdu, ce temps que rien n'arrête, ce temps qui sommeille, ce temps sans joies, ce temps des merveilles.
Comment peuvent naître certaines chansons. Le point de départ de quelques unes, un mot de tous les jours, une situation du quotidien, encore et toujours l'œil du photographe Aznavour ! Et puis parfois, un poème ou une fable, issu de la littérature. Alors, il était une fois...
Le 7 avril 1960, Eddie Barclay ouvre grand son chéquier et signe avec Aznavour. La grande période de notre chanteur, avec à la baguette Paul Mauriat, magnifique arrangeur, orchestrateur qui taillera à Aznavour des costards sur mesure, avec un travail sur les cordes, entre autres, magnifique. Un véritable travail d'orfèvre. Et puis Aznavour se frayera un chemin en pleine vague yéyé, trouvant ses marques avec aisance, comme à son habitude.
Aucune firme de disques n'osant miser sur Aznavour chanteur, celui ci signera en 1953, chez un petit label du nom de Ducretet-Thomson, pour gravir en quelques années, à la force du poignet, l'Olympe. Ces 45 tours et 33 tours Ducretet s'écoutent, se redécouvrent avec un immense bonheur. Des textes magnifiquement bien écrits, avec pas mal de musiques en mode jazzy.
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