Vatican II : qu'est-ce que la tradition dans l'Église catholique ?
C’est en réaction à Vatican II que s’est affirmé le courant traditionaliste, au sein duquel sont célébrées des messes dites préconciliaires ou tridentines. Pour marquer les soixante ans de la clôture du concile en 2025, Pauline de Torsiac revient sur le sens de la tradition dans l'Église catholique. "On confond souvent à mon sens un retour au passé et un retour à la source", prévient Frère Gonzague de Longcamp, de la communauté Saint-Jean.
"Le mystère du Christ, le mystère de Dieu, est tellement riche qu’il n’y a aucune sensibilité humaine, aucune expression humaine, qui sera assez riche pour être à elle seule, sans les autres, le reflet de Dieu..." © Frédéric Pétry / Hans LucasLe mot "tradition" dans l’Église catholique renvoie aux divergences entre les progressistes et les "tradis". C’est d’ailleurs en opposition au concile Vatican II que s’est affirmé le courant traditionaliste, au sein duquel on célèbre des messes dites préconciliaires ou tridentines. Pour Frère Gonzague de Longcamp, membre de la communauté Saint-Jean, théologien et maître de conférences à l'Université catholique de Lyon, cette opposition "n’a pas de raison d’être, mais ça fait partie de la part humaine de l’Église". De quoi parle-t-on quand on évoque la tradition au sein de l’Église catholique ? S’agit-il uniquement des rites et de la manière de célébrer la messe ?
Qu’est-ce que la tradition pour les catholiques ?
Le mot "tradition" veut dire "transmission", rappelle observe Gonzague de Longcamp. L’étymologie du mot nous renvoie donc à l’idée de donner. "La tradition, c’est une question de transmission. Et pour comprendre l’origine de la tradition, il faut comprendre que dans l’Évangile Jésus se livre, livre sa vie." En langage chrétien, on peut donc relier le don, la tradition et la transmission.
"On confond souvent à mon sens un retour au passé et un retour à la source. La tradition, ce n’est pas un retour en arrière. C’est avant tout une histoire de don." Le frère de Saint-Jean précise ainsi que "la tradition, c’est un dynamisme vivant, ce n’est pas d’abord un dynamisme intellectuel ce n’est pas d’abord un dynamisme sociologique, figé, c’est d’abord une vie". Ce n’est que plus tard, au fur et à mesure que s’organisent les communautés des adeptes de Jésus, et que naît la religion chrétienne, que viennent les dogmes et les rites.
Vatican II : aller aux sources de "la" tradition
Comme le rappelle le théologien, Jésus n’a rien écrit lui-même. "Le point culminant de son enseignement, c’est la cohérence de toute sa vie, c’est qu’il a livré sa vie pour nous sur la croix. Et que, à la croix, on le voit très clairement dans l’évangile de Jean, il nous a livré l’Esprit saint – toujours avec cette idée de donner, livrer : c’est le même mot que tradition."
Le concile Vatican II a voulu tourner les regards des fidèles catholiques vers la source de la tradition. Pour les chrétiens, Jésus est la Parole de Dieu faite chair, Parole que Dieu a adressée au peuple juif. "Au point de départ de notre foi, il n’y a pas un livre, il y a une Parole. Nous ne sommes pas une religion du livre, nous sommes une religion de la Parole faite chair, de la Parole incarnée."
Ce qui donc a été rappelé lors du concile Vatican II, précise le théologien, c’est que, "au cœur, il y a un acte de révélation : Jésus crucifié et ressuscité révèle le Père. L’enjeu c’est de retrouver cette personne du Christ qui nous révèle le mystère de la Trinité. Et ça, ça se fait évidemment dans la prédication, dans le mystère eucharistique."
Parler de "traditions" au pluriel
Pour bien comprendre cette notion de tradition en milieu catholique, il faut différencier "la tradition", recommande le théologien, qui est "le cœur du message du Christ", et "les traditions". Comme le dit Frère Gonzague, "le message est toujours annoncé dans une culture. Dans une culture, on va interpréter le message de telle ou telle manière, il va y avoir des usages qui vont s’implanter au fur et à mesure de l’histoire, au fur et à mesure des crises des difficultés."
L’Église latine concentre ainsi la tradition occidentale de l'Église catholique. Le jubilé 2025 est une occasion offerte aux catholiques, soixante ans après Vatican II, de redécouvrir un certain nombre de ses traditions, comme le passage d’une porte sainte ou le fait de recevoir l’indulgence plénière… Quant au rite de la messe, qui cristallise les crispations, le pape Léon XIV a autorisé qu’une messe de rite tridentin soit dite à Saint-Pierre de Rome, ce samedi 25 octobre, à l’occasion du pèlerinage traditionaliste international "Ad Petri Sedem".
"Et il me semble qu’il faut aussi qu’on puisse se dire, conclut Frère Gonzague de Longcamp, que le mystère du Christ, le mystère de Dieu, est tellement riche qu’il n’y a aucune sensibilité humaine, aucune expression humaine, qui sera assez riche pour être à elle seule, sans les autres, le reflet de Dieu. Et ça, c’est la grâce de l’Église."


Dans le souci de s’adresser au plus grand nombre et avec curiosité, Pauline de Torsiac sollicite théologiens et biblistes pour un échange enthousiaste sur les fondamentaux de la foi chrétienne.




