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Une histoire protestante pour mieux se tourner vers l’avenir

Une histoire protestante pour mieux se tourner vers l’avenir

Un article rédigé par VB - RCF Hérault, le 28 octobre 2025 - Modifié le 29 octobre 2025
Echos protestantsUne histoire protestante pour mieux se tourner vers l'avenir

Pourquoi les protestants sont-ils si attachés à leur histoire ? Rencontre avec le pasteur Sébastien Gengembre, qui voit dans cette mémoire une force pour affronter les défis du présent.

Le temple de la rue Maguelone à Montpellier ©  Pasteur James WoodyLe temple de la rue Maguelone à Montpellier © Pasteur James Woody

Chaque 31 octobre, les protestants commémorent la Réformation, cet épisode fondateur où Martin Luther aurait affiché ses 95 thèses sur les portes de l’église de Wittenberg. Mais pourquoi ce souvenir reste-t-il si vivant ? Et que peut encore nous dire cette histoire, cinq siècles plus tard ? Entretien avec le pasteur Sébastien Gengembre, du temple de la rue Maguelone à Montpellier.

Aux origines d’un mouvement qui n’en était pas un

Le 31 octobre 1517. Une date devenue symbole. Martin Luther, moine catholique, affiche ses thèses contre la pratique des indulgences. "Traditionnellement, on considère cet acte comme le point de départ du protestantisme", rappelle le pasteur Sébastien Gengembre.

Mais la réalité historique est plus nuancée.

Luther n’imaginait pas lancer un mouvement séparé. Il voulait d’abord réformer son Église, pas en fonder une nouvelle. L’affichage des thèses était alors une pratique courante, un moyen d’inviter au débat. 

Ce débat, pourtant, allait tout bouleverser : excommunication, divisions, et bientôt la naissance d’une autre manière de vivre la foi, centrée sur la grâce et la lecture personnelle de la Bible.

Quand la Réforme devient mouvement de société

Derrière Luther, d’autres figures se lèvent : Thomas Müntzer, Jean Calvin, Zwingli

"La Réforme n’a pas seulement été religieuse, elle a aussi rencontré des aspirations sociales fortes", souligne Gingembre.

Dans une Europe en mutation, portée par l’imprimerie et l’essor d’une bourgeoisie nouvelle, les thèses réformatrices circulent et s’enracinent. La contestation religieuse se mêle à celle de l’ordre féodal. La parole se libère, et l’histoire s’accélère.

Une mémoire forgée dans la persécution

Pourquoi cette mémoire protestante est-elle si vivace, notamment dans le Sud de la France ? Le pasteur Gengembre y voit une fierté historique, forgée dans la douleur :

Dans les Cévennes, l’histoire des Camisards, des galériens, du “Désert” a marqué les consciences. Elle est devenue un ciment identitaire.

L’historien Patrick Cabanel, dans La Fabrique des huguenots, explique comment, au XIXe siècle, les protestants ont construit cette mémoire comme une façon d’exister dans une France redevenue tolérante.
"Cette mémoire a permis aux protestants de se reconnaître comme une minorité à part entière, non seulement religieuse, mais aussi culturelle et sociale", poursuit Gengembre.

Mais cette identité a parfois son revers : "Le risque, c’est de s’enfermer dans le rôle de minorité persécutée. Or, la mémoire doit être une ressource, pas un fardeau."

De la mémoire à la solidarité

Cette conscience d’avoir été persécutés a souvent nourri l’ouverture et la solidarité des protestants. Pendant la Seconde Guerre mondiale, nombre d’entre eux ont protégé des Juifs ou des résistants.

"La mémoire du Désert a fait des protestants des alliés naturels de ceux qu’on persécute", note le pasteur. Mais il invite aussi à l’humilité : "Les protestants ont parfois été persécuteurs eux-mêmes. Il faut savoir apprendre de ses erreurs."

S’appuyer sur le passé pour penser l’avenir

Dans un monde en quête de sens, que peut encore apporter l’héritage protestant ? Pour Gengembre, la réponse tient dans les principes fondateurs de la Réforme :

La grâce seule, la foi seule, le Christ seul, l’Écriture seule.

Autant de repères qui rappellent la gratuité du salut, la responsabilité personnelle et la liberté de conscience.

Luther a découvert que la justice de Dieu n’est pas celle qui punit, mais celle qui relève. Cette gratuité libère, et nous pousse à agir non par peur, mais par amour du prochain. 

Ces valeurs, estime-t-il, demeurent d’une étonnante actualité :

Se dépréoccuper de soi, individuellement et collectivement, c’est peut-être le meilleur héritage que nous lègue la Réforme.

Et demain ?

Face à la baisse du nombre de fidèles, le pasteur Gengembre garde espoir :

Si notre Église venait à disparaître, ce ne serait pas dramatique. Ce qui compte, c’est de faire vivre le message de l’Évangile, ici ou ailleurs. La bonne nouvelle reste actuelle. 

Un message d’humilité et de confiance, fidèle à l’esprit de Luther : se souvenir du passé, non pour s’y enfermer, mais pour mieux construire l’avenir.

Emission Echos protestants © RCF Maguelone Hérault
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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