Traverser les épreuves avec le Christ

Passage est un mot éminemment biblique si l'on considère qu'il est le sens même de Pâques et de Pessah, les noms des deux grandes fêtes chrétienne et juive. La libération d'Égypte dans le Premier Testament et la traversée de la mort dans le Nouveau Testament sont des passages. Et si on pouvait relire nos épreuves, nos passages, à la suite de Jésus et à la lumière de la Bible ? C'est ce que propose Brigitte Midon, auteure de "Choisir d'espérer - Traverser les épreuves avec le Christ" (éd. Desclée de Brouwer, 2025). Fruit de son expérience d’accompagnement, ce n’est pas un ouvrage de développement personnel, comme elle le précise, car il ne cherche pas à donner des solutions ou des outils clé en main.

Brigitte Midon accompagne des personnes qui vivent des passages, et notamment des sorties de la vie consacrée. Professionnelle des ressources humaines, elle est depuis quelques années de plus en plus sollicitée par des congrégations ou des diocèses. Formée en théologie biblique et en psychologie, elle a collaboré au service Service Accueil et Médiation pour la vie religieuse et communautaire à la CEF, où elle a été confrontée à "des situations de transition très particulières". 

"Qu’est-ce que cela vient toucher en moi ? "

À ceux qui vivent un passage, Brigitte Midon invite à se poser des questions : Qu’est-ce que cela vient toucher en moi ? Qu’est-ce que cela vient provoquer au fond de moi ? "Je pense que les provocations que nous recevons, elles sont importantes on pourrait les appeler aussi les signes de temps." Des signes qui sont là pour nous interpeller. "Les mots écoute, provocation, se sentir convoqué à quelque chose, être ouvert… Tout ça, ce sont des mots dont on fait l’expérience dans la traversée de nos passages."

Certains passages peuvent être vécus comme des épreuves. L’entrée dans la quarantaine ou la cinquantaine, par exemple, mais aussi la fin d’un mandat ou d’une mission peuvent être des moments de remise en question, "de grand doute qu’il va falloir traverser". Que le passage soit subi ou choisi, il y a toujours "un héritage qu’il sera bon de regarder", conseille Brigitte Midon. "Pour en faire sortir toute la fécondité, il y a la nécessité de pouvoir se confronter y compris dans des passages choisis."

Dans l’épreuve, choisir la vie

Ne plus avoir de perspective, avoir la sensation de se trouver devant un précipice… Le risque, lorsque nous vivons une épreuve, c’est "de nous enfermer dans ce que nous sommes en train de vivre". Ce pourquoi, il va falloir à ce moment-là faire le choix de l’espérance.

"L’espérance, si on l’inscrit dans le réel de nos vies, c’est être en contact avec tout ce qui va nous propulser vers plus de vie, explique Brigitte Midon. Être dans une forme d’écoute et d’ouverture à ce qui advient. L’objectif est toujours de choisir la vie." N’est-ce pas ce que Dieu ordonne dans la Bible ? "Je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie", lit-on dans le Livre du Deutéronome (30, 19).

"Je reconnais devant toi le prodige, l'être étonnant que je suis", dit le psalmiste (Ps 138). En temps d’épreuve, il est bon de se rappeler ceci : "Je suis créé par Dieu, Dieu ne peut que créer ce qui est beau." Brigitte Midon encourage à "perdre des illusions sur soi-même", c’est-à-dire tous ces "éléments encombrants" pour "pouvoir intégrer avec bonheur ce que je porte en moi".

Se réconcilier avec soi-même

L’évangile de Jean cet épisode de la vie de Jésus où il guérit le malade à la piscine de Béthesda (ou Bethzatha). On dit que cet homme était un paralytique mais Brigitte Midon précise que le mot exact est "asthénique". "C’est quelqu’un qui est sans force, qui n’a plus d’énergie. En termes modernes, on dirait qu’il est déprimé, immobile, momifié."

Cet homme resté au bord de la piscine "renvoie la responsabilité de son état aux autres : Personne ne m’aide, personne ne m’aime", traduit Brigitte Midon. Elle note par ailleurs que "Jésus ne le porte pas, il lui parle". La coach insiste sur "l’importance du rôle de la parole - partagée, entendue, lue - et la Parole avec un grand P". La parole que Jésus adresse à l’homme de la piscine de Béthesda a un effet : "Quelque chose vient le rejoindre au plus profond de lui-même."

Il a suffi d’une parole de Jésus alors même que cet homme était depuis 38 ans dans cet état de déprime. "Il n’est jamais trop tard ! conclut Brigitte Midon. Je peux témoigner d’avoir rencontré de personnes pour lesquelles ça peut durer très longtemps et où il y a un relèvement." 

Dans la Genèse, ce grand récit de la création du monde, l’action de Dieu est de créer par la parole - "Et Dieu dit". Une parole qui "permet de sortir de la confusion", observe Brigitte Midon, elle sépare et elle met de l'ordre. Dans nos passages, nous devons nous confronter à notre confusion intérieure. Dans l'Évangile, la parole de Jésus vient rejoindre et réveiller un désir profond. "Il y a en nous, dans notre cœur profond, un désir de vie que nous pouvoir rejoindre lorsque nous y prêtons attention."