Sœur Juliette Ploquin : "Dieu a de l'humour, la preuve : je suis bonne sœur !"

Sœur Juliette Ploquin, Soeur Ju de son nom de scène, aime le rire et le stand up. Après avoir fréquenté Marseille et ses comedy clubs, elle est partie vivre en région parisienne. Là, elle a fait l'expérience, pour ne pas dire l'épreuve, du métro et du RER aux heures de pointes. Un véritable concentré d'humanité qui a inspiré la religieuse humoriste. Spécialiste de la théologie du rire, elle publie un "Bréviaire du métro - Petit guide de survie spirituelle dans la jungle des transports en commun" (éd. L’Emmanuel, 2025). 

L’humour dans la vie spirituelle

Avant de vivre à Paris, Sœur Juliette a longtemps fait du stand up à Marseille, dans des comedy clubs. Sœur Ju, de son nom de scène, aime faire rire et voit dans le stand up une façon de témoigner. "J’ai toujours beaucoup aimé le rire et le stand up mais ce qui me mettait très mal à l’aise, c’était la façon dont beaucoup d’humoristes abordaient la religion de façon très négative et puis de façon caricaturale et fausse. Je me disais : Il y a une autre façon de parler de la foi."

Les xavières, ces religieuses qui font partie de la grande famille ignatienne, ont pour charisme "de faire le lien entre le Christ et les personnes qui en sont le plus loin", précise Juliette Ploquin. Elle a consacré son mémoire de théologie au rire comme chemin vers Dieu. En montant sur scène pour parler de sa vie de religieuse, elle a pu rencontrer "des personnes qui spontanément en seraient jamais entrées dans les églises".

Si l’humour favorise les rencontres c’est aussi une aide dans la vie spirituelle. "Dieu a beaucoup d’humour, assure Juliette Ploquin, la preuve je suis bonne sœur !" Elle qui rêvait de se mettre au service de quelque chose de plus grand qu’elle, a trouvé dans le rire une façon de "ne pas se prendre trop au sérieux". "L’humour est une arme fantastique dans la vie spirituelle, qui vient nous aider à ne pas nous prendre trop au sérieux et à remettre Dieu à la première place."

Que ferait Jésus dans le RER B aux heures de pointe ? 

Après Marseille, Juliette Ploquin a donc vécu pendant deux ans en communauté à Créteil, en région parisienne. "Tout en étant en mission à Paris, j’ai été amenée à prendre beaucoup le métro", raconte-t-elle. Et donc à découvrir "cette réalité des heures de pointe, des pannes impromptues, de la foule, de partir tôt le matin et déjà de ne pas pouvoir s’assoir parce qu’il y a déjà du monde, et de voir des figures stressées, fermées."

Elle se souvient d’un jeune homme occupant plusieurs places, comme "dans sa bulle" et qui "ne voyait pas qu’il y avait à côté de lui une femme enceinte debout". Faire l’expérience de ce "sans-gêne" mêlé d’indifférence aux autres, des milliers de franciliens la font chaque jour. Comment ne pas céder à la tentation de s’isoler soi-même, "de se mettre dans une bulle, de vouloir comme se protéger" ? Pour la religieuse, porter un casque audio, les yeux rivés sur son téléphone, "c’est une façon de se protéger ce qui sous-entend que le monde entier peut-être une agression".

Sœur Juliette a fini par trouver "paradoxal" de se présenter en cours de théologie, de "travailler la foi chrétienne, ce message d’amour" alors même que durant ses trajets elle éprouvait tout l’inverse à l’égard des autres passagers. Mais dans les évangiles, souligne-t-elle "on voit que Jésus est entouré de personnes tout le temps. Il y a eu aussi des moments où il avait besoin de dire stop, de se mettre en retrait, à distance." La religieuse a donc cherché dans la Bible, et "dans les trésors de la tradition chrétienne, des ressources" pour "apprendre à aimer son prochain même s’il a mis beaucoup trop d’after shave avant de prendre le métro ce matin !"

Prier dans le métro

Les rames du métro sont comme ses couloirs, un concentré d’humanité. Des lieux où l’on répète souvent les mêmes gestes… Et si c’était comme à la messe où l’on se lèvre et où l’on s’assied ? Sœur Juliette a remarqué que "sur la ligne 8 au début ou à la fin des rames, il y a des sièges face à face, un peu comme les stalles d’un monastère". 

Finalement c’est peut-être le lieu où prier la liturgie des heures, s’est dit la xavière, de réciter les Psaumes, "la prière du pauvre", comme l’on dit. Où sont exprimées "toutes les émotions de l’humanité, les joies, les peines". Sœur Juliette s’est mise à prier les Psaumes dans le métro comme les religieux et religieuses le font dans une stalle de monastère. "Ma part, c’est de pouvoir prier pour eux et présenter aux Seigneur toutes ces personnes et leur vie."