Rencontre avec Timothy Radcliffe

“Je reste un frère”

En décembre dernier, le pape François a élevé Timothy Radcliffe, frère dominicain, au rang de cardinal. Il porte désormais le titre de cardinal-diacre de Santissimi Nomi di Gesù e Maria in Via Lata. Il souhaite cependant que l'on continue à l'appeler Frère Timothy et a fait une demande particulière au souverain pontife : « Quand le pape m'a nommé cardinal, j'ai demandé la dispense d'être ordonné évêque, parce que je suis avant tout un frère. Je reste un frère.»

La différence du synode

Le Fr. Timothy était de passage dans le diocèse de Liège pour animer la récollection diocésaine et parler du synode. Lors de sa conférence du 11 mars, il a abordé une question essentielle : comment ce synode fera-t-il la différence ?

« Beaucoup pensent que le but du synode est de prendre des décisions stratégiques sur l'avenir de l'Église. Mais ce n'est pas cela, » explique-t-il. « Le pape souhaite que l'Église connaisse une conversion profonde, une vraie mutualité, car au cœur de notre vie chrétienne, nous croyons que nous sommes appelés à être ouverts à l'autre. »

Si aujourd'hui l'Église catholique semble divisée entre différents courants, cultures, et même entre hommes et femmes, il faut pouvoir aller au-delà de ces divisions. « C'est avec mon frère, avec ma sœur que je rencontre Dieu, » commente le dominicain. « C'est seulement quand nous vivons en amitié avec l'autre que nous pouvons entrer dans l'amour qui est Dieu. »

Pour y parvenir, il faut apprendre à s'écouter véritablement, pas seulement en surface. Cette écoute et ce processus demandent du temps, comme en témoignent les assemblées du synode.

« Au début, il y avait beaucoup de difficultés et de tensions, particulièrement entre les Européens et les autres continents. Mais progressivement, nous avons surmonté ces difficultés pour voir l'autre comme des frères et sœurs. Nous sommes des disciples cheminant ensemble vers Dieu, vers le Royaume. »

À l'issue du synode, une question persiste : y aura-t-il des changements tangibles et clairs dans la gestion de l'Église dans les années à venir ? « Oui, certainement. Mais il faut commencer par l'essentiel : les relations avec l'autre. Sans cela, les changements resteront superficiels. »

Poser les bonnes questions

Fr. Timothy n'est pas seulement frère, cardinal et conférencier, il est aussi auteur. Parmi ses œuvres de prédilection figure le livre qu'il a publié avec Łukasz Popko en 2024 : « Interroger Dieu ».

« Pour moi, c'était passionnant, » confie-t-il, « parce qu'il a la moitié de mon âge et il est deux fois plus intelligent que moi. Échanger avec quelqu'un d'une autre nationalité, d'une autre génération, a été une stimulation extraordinaire. » Le livre rassemble dix-huit conversations entre les deux dominicains. « Il faut poser de bonnes questions, on peut poser des questions profondes, et l'amitié naît quand nous osons chercher ensemble. »

Timothy Radcliffe est désormais passionné par cette question des questions. « Comment les posons-nous ? Comment travaillons-nous ensemble pour répondre aux grandes questions du cœur humain ? Je comprends parfaitement ceux qui cherchent une clarté. Et cette clarté n'est pas incompatible avec le questionnement, » explique-t-il. Pour illustrer son propos, il évoque saint Thomas d'Aquin qui, dans sa jeunesse, aurait posé la question : qu'est-ce que Dieu ? « C'est une question à laquelle il n'a jamais pu répondre. Et toute sa vie, il est resté en recherche. Notre quête n'aura jamais de fin ; nous sommes tous, perpétuellement, en quête d'une compréhension qui nous dépassera toujours. »