Qu'est-ce que le chant grégorien ?
Le concile Vatican II, dont on célèbre les soixante ans, n'a pas écarté le chant grégorien. Il a rappelé au contraire que c'était "le chant propre de la liturgie romaine". Mais qu'est-ce que le chant grégorien ? Est-ce la manière de chanter des catholiques à la messe ?
La restauration du chant grégorien doit beaucoup à l'abbaye de Solesmes, dans la Sarthe ©Frederic Petry / Hans LucasLe concile Vatican II, dont on célèbre les soixante ans en 2025, n’a pas écarté le chant grégorien, contrairement à ce que pourrait laisser croire la réforme liturgique mise en œuvre après le concile, et notamment la restriction du latin à la messe. La constitution "Sacrosanctum Concilium" (1963) déclare même que le grégorien est "le chant propre de la liturgie romaine". Qu'est-ce que le chant grégorien ? Qu'est-ce que cela change de le chanter à la messe ? Dans Le B.A.-BA du christianisme, Pauline de Torsiac reçoit Xavier Accart, rédacteur en chef du magazine Prier et auteur du livre de "L’Âme du Grégorien - Entretiens avec Louis-Marie Vigne" (éd. Cerf, 2025).
Qu’est-ce que le chant grégorien ?
Le chant grégorien, est "un chant fonctionnel, prévient Xavier Accart. Ce n’est pas un chant de concert." C’est un chant fait pour accompagner la liturgie. Véritable "acte liturgique", il est "né dans la liturgie, pour la liturgie". Il existe donc tout un répertoire de chants adaptés à chaque messe, pour chaque jour, en lien avec les textes du jour. Après la réforme liturgique qui a suivi Vatican II, "l’abbaye de Solesmes a fait un très gros travail pour adapter ce répertorie à la liturgie", précise Xavier Accart.
Ce chant a capella, composé de versets de la Bible en version latine, se reconnaît facilement à son caractère monodique. Il n’y a qu’une seule voix, "pour ne pas noyer la Parole". Ce chant sacré vise à mettre en valeur la Parole de Dieu et à permettre aux fidèles de s’en imprégner. C’est aussi un chant "qui n’est pas mesuré, précise Xavier Accart, il n’y a pas d’appui rythmique mesuré, régulier, ça lui donne une sorte de liberté, de capacité d’envol de l’âme".
La redécouverte du chant grégorien au XIXe siècle
Le chant grégorien est très ancien, il serait né au VIIIe siècle en Gaule mais aurait rapidement décliné. L’édition médicéenne, c’est-à-dire l’édition de l’ensemble des chants de la messe qui a suivi le concile de Trente, au XVIIe siècle, a été "catastrophique pour le chant grégorien qui va dégénérer en ce qu’on va appeler le plein chant", résume Xavier Accart.
Au XIXe siècle, Dom Guéranger (1805-1875), de l’abbaye de Solesmes, a lancé une vaste entreprise de restauration du chant grégorien. Pour lui, "le chant devait dire grandement la Parole, la Parole devait être à l’honneur, on devait entendre la Parole." À sa suite, Dom Cardine a fait évoluer le chant grégorien au XXe siècle. C’était l’un des maîtres de Louis-Marie Vigne (1953-2022).
Organiste "touché au cœur par une antienne médiévale", alors qu’il se trouvait à Solesmes, Louis-Marie Vigne a décidé à l’âge de 19 ans, de "vouer sa vie au chant grégorien". Il en est devenu l’un des grands spécialistes mondiaux. "Louis-Marie Vigne a eu l’intuition qu’il fallait approfondir, développer le chant grégorien, en dehors de toute querelle liturgique." Après avoir fondé en 1974 l’association du Chœur grégorien de Paris, qui a formé des chefs de chœur du monde entier, il a enseigné au Conservatoire national de musique et de danse de Paris (CNSMD), de 1985 à 2020.
"Une modification de la conscience du temps qui nous rend contemporain au sacrifice de la croix, qui est le grand mystère de la messe, qui transcende tout temps et tout espace
"Une expérience de dilatation de l’âme"
"Seul ce chant possède à la fois la pureté, la joie, la légèreté nécessaire à l’envol de l’âme vers la vérité", disait le célèbre compositeur Olivier Messiaen, au sujet du chant grégorien. Chanter en grégorien, c’est vivre "une expérience de dilatation de l’âme, qui élargit notre cœur", pour Xavier Accart.
Le mélisme, technique propre au grégorien, peut en particulier provoquer cette expérience. Il s’agit d’une "méditation sur une syllabe". Par exemple, le fait de "broder" sur le "-ia" de alléluia, qui désigne Dieu – alléluia est un mot hébreu signifie "louez Yavhé". "Le chanteur va aller au-delà de la parole, comme un enfant émerveillé qui se met à babiller."
Le mélisme provoque une "modification de la conscience du temps", rapporte Xavier Accart. Comme le disait Louis-Marie Vigne, cela "nous rend contemporain au sacrifice de la croix qui est le grand mystère de la messe qui transcende tout temps et tout espace".


Dans le souci de s’adresser au plus grand nombre et avec curiosité, Pauline de Torsiac sollicite théologiens et biblistes pour un échange enthousiaste sur les fondamentaux de la foi chrétienne.




