Pourquoi célébrer la Vigile pascale en pleine nuit ?

C'est le temps fort de la Semaine sainte et moment le plus important pour les chrétiens. La Vigile pascale, ou Vigile de la Résurrection, est célébrée dans la nuit du Samedi saint au dimanche de Pâques. La tradition de la célébrer après le coucher du soleil date des premiers temps du christianisme. Cela n’a pourtant pas toujours été ainsi dans l’histoire du christianisme et de l’Église catholique. Explications.

RCF retransmet la Vigile pascale… de 2 h 30 à 5 heures du matin !

Pour la première fois, la radio RCF diffuse la Vigile pascale en pleine nuit. Cela fait de nombreuses années que votre radio chrétienne retransmet les offices de la Semaine sainte depuis un monastère ou une abbaye et qu’elle propose à ses auditeurs de vivre pendant trois jours au rythme de la vie des moines. Mais cette année, pour la Semaine sainte et Pâques 2025, RCF et Radio Notre-Dame ont choisi l’abbaye de Lérins. Une communauté qui célèbre la Vigile pascale... à 2 h 30 ! 

"Les moines de Lérins ont l’habitude de chanter les Vigiles à quatre heure et demie le matin, explique le Père Vladimir, abbé de Lérins. La liturgie nous invite à devancer le temps, à nous lever encore plus tôt pour célébrer la résurrection du Christ. Je pense que pour toutes les personnes qui vivent cela, ça donne un sens nouveau à cette célébration."

Quand les premiers chrétiens célébraient la Résurrection au cœur de la nuit

Si les moines de Lérins célèbrent la Vigile de Pâques pendant la nuit, ce n’est pas par hasard. C’est une tradition qui date des premiers siècles du christianisme. Des textes anciens retrouvés à Jérusalem montrent en effet que les communautés célébraient la résurrection de Jésus entre le coucher et le lever du soleil.

Une pratique directement inspirée des évangiles. Les femmes qui ont été les premiers témoins de la résurrection, se sont rendues au tombeau au petit matin. "Le premier jour de la semaine, écrit Luc, à la pointe de l'aurore, les femmes se rendirent au tombeau." (Lc 24, 1). L’évangéliste Matthieu parle de "l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine" (Mt 28, 1).

Dans les premiers temps du christianisme, avant le IVe siècle, il n’y avait pas encore les Jeudi ou Vendredi saints, ni le dimanche des Rameaux. Il n’y avait que la Vigile pascale pour célébrer le transitus, c’est-à-dire le passage du Christ de la mort à la vie éternelle.

Pourquoi célébrer la Vigile pascale en pleine nuit ?

Dans les années 50, le pape Pie XII a décidé de "ramener [la Vigile pascale] à sa splendeur primitive"*. Et de rendre à la Vigile pascale "sa place originelle". Cela revenait pour le souverain pontife à la célébrer dans "les heures de la nuit qui précède le dimanche de la Résurrection"*. 

Avant la réforme liturgique de Pie XII, la Vigile pascale était célébrée dans la journée du samedi et vue comme une introduction à la messe du dimanche de Pâques. Depuis 1951, les catholiques la célèbrent donc après le coucher du soleil, rejoignant ainsi la plupart des Églises protestantes et orthodoxes. Depuis Vatican II, "cela reste une prescription", précise l’abbé de Lérins. "L’office de la Vigile commence une fois la nuit tombée et se termine avant que le jour se lève."

À Lérins, les moines cisterciens entretiennent leur héritage byzantin

Célébrer la Vigile pascale avant le lever du soleil, cela fait partie des nombreuses spécificités de l’abbaye de Lérins. "Nous sommes héritiers de la tradition cistercienne, précise son abbé, c’est-à-dire de cette tradition née au monastère de Cîteaux à la fin du XIe siècle. Nous nous sentons pleinement cisterciens mais nous nous sentons aussi héritiers de la tradition du monachisme primitif qui s’est vécue sur cette île au Ve siècle."

Les premiers moines installés à Lérins il y a seize siècles "voulaient adapter au monde latin le monachisme chrétien qui vient d’Orient, d’Égypte de la Turquie actuelle et de la Syrie, nous dit le Père Vladimir. Ce qui explique aussi que le monastère a, depuis au moins le concile au niveau liturgique, certains choix qui le tournent vers l’Orient."

Certaines "mélodies" ou "pièces liturgiques" renvoient à cet héritage byzantin. Mais aussi des offices comme celui de la mise au tombeau du Christ, célébré le Vendredi saint après l’office de la Passion (diffusé à 15 heures sur RCF et Radio Notre-Dame). Cet office "est une transformation d’un office typique de la liturgie byzantine", commente le Père Vladimir.

 * Décret "Dominicae Resurrectionis Vigiliam" du 9 février 1951