Peut-on connaître Dieu en lisant la Bible ?
Trouver Dieu, avoir des réponses, savoir quelle est "la" vérité : c'est souvent pour ces raisons que l'on en vient à ouvrir une Bible. Mais est-ce dans la Bible que l'on rencontre Dieu ? Pour la linguiste Marie-Christine Hazaël-Massieux, la Bible nous met en chemin vers Dieu lorsque nous l’interprétons.
Qu'est-ce qui donne à ces textes la faculté de faire grandir notre intelligence du cœur ? ©Corinne Simon / Hans Lucas"Vous avez quelque chose de divin entre les mains, un livre brûlant comme les flammes, un livre dans lequel Dieu nous parle et c’est ainsi que notre vie peut changer, devenir grande et belle." C’est ce qu’a écrit le pape François dans la préface d’une édition allemande de la Bible destinée aux jeunes. La Bible, pour les chrétiens c’est la Parole de Dieu. La lire suffit-elle pour rencontrer Dieu ? De quel type d’intelligence a-t-on besoin pour analyser ces textes religieux ?
L’intelligence du cœur
"Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures", rapporte Luc dans le récit des pèlerins d’Emmaüs (Lc 24, 45). De quelle intelligence s’agit-il ? Et si la Bible nous mettait "en chemin dans l'intelligence du cœur" ? C’est le sous-titre du livre de Marie-Christine Hazaël-Massieux, enseignante à l’ISTR de Marseille et professeur émérite en linguistique de l’université Aix-Marseille : "À la lumière de Dieu - En chemin dans l'intelligence du cœur" (éd. DDB, 2024).
Qu'est-ce qui donne à ces textes la faculté de faire grandir notre intelligence du cœur ? "Il faut s’entendre sur le mot intelligence, c’est ça le gros problème !" Parler de l’intelligence du cœur, pour un chrétien, c’est évoquer le fait que "nous sommes tout à fait capable de regarder l’autre, de l’aimer, de recevoir l’amour de l’autre aussi, d’avoir des expériences de relation avec chacun, décrit la linguiste. Et tout ceci est mis en œuvre dans tout ce que l’on peut faire pour chercher Dieu."
Et si la Bible nous met en chemin vers Dieu, c’est lorsque nous l’interprétons. "La Bible, elle n’a de possibilité de nous intéresser que parce qu’on réfléchit à ce qu’elle est. Et on interprète. L’interprétation de la Bible a toujours été en usage et on peut discuter avec des interprétations différentes mais qui s’enrichissent mutuellement."
Des textes qui suscitent l’interprétation
Le Bible est un ensemble de textes qui appellent l’interprétation, ne serait-ce qu’en raison de ses innombrables traductions. "On a des versions un peu anciennes en hébreu, puis elle a été traduite en grec, je ne parle même as des traductions plus modernes en latin et dans nos langues." Sans oublier qu’elle a d’abord été transmise oralement. Il est donc impossible en soi de s’en tenir à une approche littérale.
D’ailleurs, les Septante, ces soixante-dix lettrés juifs qui ont traduit le Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible) au IIIe siècle av. J.-C. – traduction de l’hébreu au grec ont été confrontés à de véritables questionnements. "C’est à peu près impossible, et je le dis en linguiste, de traduire la Bible. Impossible de la traduire littéralement parce que les deux langues hébreu et grec sont très différentes."
Ainsi, le nombre des dons de Dieu est-il différent dans la bible hébraïque, où on en compte six, et dans la tradition chrétienne, où il est dit qu’il y en a sept. "Quand la Bible a été traduite en grec, les gens qui ont traduite, les Septante ont insisté pour avoir sept dons de Dieu." La raison ? Le chiffre sept est symbolise dans la culture biblique la plénitude de Dieu. On le retrouve dans les sept bougies de la menorah, le chandelier à sept branches, ou les sept jours de la création. Il y a donc un choix de traduction qui a été fait, en raison d’une interprétation des textes.
Comment donc interpréter la Bible ?
À la suite de ces générations d'auteurs de la Bible et de traducteurs des textes, chacun est invité à l’interpréter à son tour. Est-ce chose réservée aux initiés ? "Lire la Bible ce n’est pas facile, admet Marie-Christine Hazaël-Massieux, qui anime des groupes de lecture de la Bible. Mais je conseille toujours au début de la lire à plusieurs, si possible avec une ou deux personnes qui la connaissent déjà pas mal. Parce que la Bible se lit avec la Bible, par la Bible. On ne peut pas comprendre la Bible si on n’a pas une connaissance de l’ensemble."
Les différents passages en effet bien souvent se répondent, si bien que certains livres de la Bible en interprètent d’autres. Et faire le lien entre ces textes peut être une véritable expérience spirituelle. "On trouve des interprétations dans la lecture qui nous touchent au cœur parce que précisément ça résonne." Il est par ailleurs essentiel d’avoir des connaissances de la culture juive. "C’est fondamental, reconnaît Marie-Christine Hazaël-Massieux. Les rapports entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament sont d’une très grande richesse !"
Peut-on connaître Dieu en lisant la Bible ?
"Je dirais oui, pas seulement. Parce que je suis très prudente sur cette question ! Je crois qu’on ne connaît jamais Dieu complètement. Lui nous connaît, nous, nous ne le connaissons pas totalement bien entendu et je crois que nous ne le connaîtrons que quand nous serons devant lui, quand nous le verrons face à face."
Si la Bible "nous apprend des éléments" sur Dieu, Marie-Christine Hazaël-Massieux estime que c’est surtout la relation à l’autre qui permet d’en faire l’expérience. "Je crois que nous ne pouvons pas connaître Dieu si nous n’aimons pas notre frère, nous ne le connaissons pas." La linguiste nous renvoie à ce que dit l’évangéliste Jean : "Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur." (Jn 4, 20)
Et d’ailleurs, que veut dire ce mot : connaître ? Marie-Christine Hazaël-Massieux l’approche avec méfiance "parce qu’en fait il y a beaucoup d’autres mots que l’on peut utiliser pour parler de notre relation avec Dieu, elle est très complexe !" Aussi intense la rencontre avec Dieu soit-elle, la connaissance que l’on en a ne sera jamais total ni définitive. "On ne connaît jamais Dieu assez."
Il en est de même avec la vérité. C’est souvent pour avoir accès à "la" vérité que l’on en vient à ouvrir un jour une Bible. "La Vérité avec un grand V, au sens de Dieu, explique la linguiste, nous ne l’approchons que très difficilement et par petits bouts. Et si nous la percevons un jour, ce sera quand on verra Dieu qui lui-même est Vérité."


Une émission pour découvrir, ou redécouvrir, la Bible via des entrées thématiques comme l’amour, la mort, le pardon... Des questions sur l’humanité auxquelles nous sommes confrontés tout au long de notre vie et dont la Bible peut nous donner des éléments de réponse.




