Pendant l'Avent : oser Dieu, oser l'hospitalité

"Oser Dieu", c’est le thème de RCF - Radio Notre-Dame pendant l’Avent. Il nous conduira jusqu’aux Rencontres européennes de Taizé. Du 28 décembre 2025 au 1er janvier 2026, des milliers de jeunes chrétiens sont attendus à Paris. Taizé, une communauté née au cœur de la guerre en 1940, témoigne d’une foi chrétienne vécue dans la rencontre et l’expérience de l’œcuménisme - les frères de Taizé sont catholiques, anglicans ou protestants, originaires de près de trente pays différents. 

Le message de Taizé, c’est aussi l’audace de l’hospitalité. En quoi l’hospitalité est-elle une attitude du cœur qui s’accorde si bien avec le temps liturgique de l’Avent et le sens de Noël ? Pour en parler, dans la première série Halte spirituelle de l’Avent, Madeleine Vatel reçoit Frère Matthew. Ce religieux britannique de confession anglicane a rejoint Taizé à l’âge de 21 ans. À 60 ans, il est depuis décembre 2023 le prieur de la communauté.

L'hospitalité, l'intuition de Frère Roger

En 2025, la communauté de Taizé commémore les vingt ans de la mort de son fondateur, Frère Roger, survenue le 16 août 2005, il avait 90 ans. Il avait très jeune l’intuition très forte - et à contre-courant dans une Europe déchirée par le guerre - l’intuition de l’hospitalité.

"Il avait cette conviction que pour vivre l’Évangile, il fallait être proche des personnes qui souffrent." Né en Suisse, fils de pasteur protestant, Roger Schutz avait le désir de fonder une communauté. C’est en 1940, en pleine Seconde Guerre mondiale guerre, qu’il a quitté la Suisse, âgé de 25 ans, pour rejoindre la France. Et s’est installé à Taizé, en Bourgogne, un village de la zone libre, à 10 km de la ligne de démarcation. 

"On lui avait dit qu’il y avait une maison disponible dans ce petit village, qui était très pauvre à l’époque, raconte Frère Matthew. Et c’est drôle parce qu’il y est allé pour chercher une maison mais il a été accueilli par une dame âgée qui lui a dit, Restez avec nous car nous sommes si seuls !" Lui qui voulait accueillir a d’abord fait l’expérience d’être lui-même accueilli.

L'audace des Frères de Taizé pour soutenir les chrétiens isolés

L’hospitalité de cette dame âgée a résonné en lui comme "la voix de Dieu", rapporte le prieur de Taizé. Frère Roger apprendra qu’elle était très pieuse et que dans sa vie de croyante, de chrétienne, elle faisait l’expérience de la solitude. "Dans ce village où l’église était fermée, elle priait avec ses enfants le rosaire le soir pendant que son mari buvait dans la cave avec ses amis." Pour Frère Roger, s’installer à Taizé "c’était soutenir la foi de ces gens très isolés simplement en étant présent".

Entre 1940 et 1942, Frère Roger a hébergé des Juifs fuyant la zone occupée, parfois aidé de sa sœur. "On ouvrait les volets quand c’était possible de venir et on les fermait quand ce n’était pas possible." En novembre 1942, il est retourné en Suisse pour retrouver un temps sa famille. Sa maison ayant été visitée par la Gestapo, il n’est revenu à Taizé qu’en 1944. Entre temps, il avait rencontré ceux qui allaient devenir ses frères de communauté.

L’hospitalité ce n’était pas choisir un côté ou l’autre mais être auprès de ceux qui souffrent le plus dans le moment même

Le sens spirituel de l’hospitalité

Pour Noël 44, Frère Roger s’est rendu dans les camps dans la vallée de Taizé, célébrer la Nativité avec des prisonniers de guerre allemands. La fin de la guerre n’avait même pas encore été déclarée ! Comment comprendre cette démarche envers ceux qui représentaient encore l’ennemi ? "L’hospitalité, explique Frère Matthew, ce n’était pas choisir un côté ou l’autre mais être auprès de ceux qui souffrent le plus dans le moment même. Ça me semble très important de comprendre cela : que quand on parle de l’hospitalité, on accueille les personnes qui en ont besoin."

C’est ainsi qu’après avoir accueilli des Juifs pendant la guerre, Taizé a hébergé des familles portugaises ou espagnoles fuyant les régimes autoritaires. Et peu à peu, on a vu dans ce petit village de Bourgogne des populations venues de Bosnie, du Rwanda, du Viet Nam, et plus récemment de Palestine, d’Ukraine… 

En quoi l’hospitalité est-elle une démarche spirituelle ? "Je ressens ça très, très fortement, répond Frère Matthew, que ma propre conversion passe à travers celui que je vais rencontrer. Celui que je vais rencontrer a toujours quelque chose pour m’aider à avancer sur mon propre chemin de foi. Même si ses avis sont différents. Il y a toujours un don de Dieu dans la rencontre avec l’autre." Il ajoute que c’est quelque chose dont on se rend compte "souvent après coup... Mais il y a quelque chose qui se passe !"

L’audace de l'accueil

Et pour pouvoir dire aux chrétiens qu’ils ne sont pas seuls, les frères de Taizé ont pris tous les risques. "Quand j’étais bénévole à Taizé, Frère Roger était parti à Berlin-Est, se souvient Frère Matthew. Et ça m’avait tellement impressionné qu’il y avait une communauté de frères qui étaient prêts à prendre des risques au niveau de l’hospitalité et pour soutenir des chrétiens qui vivaient dans des situations très, très difficiles." L’audace de Frère Roger a été décisive dans la vocation de l’actuel prieur de la communauté.

Cette audace, on la retrouve aujourd'hui dans l’accueil des habitants, aux alentours du village de Taizé. En 2015, en réponse à l’arrivée de réfugiés en Europe, raconte Frère Matthew, "les habitants ont été impliqués". Engagés ou non dans l’Église, beaucoup ont hébergé des familles, donné des cours de français, se sont occupés des enfants… "On voit qu’il y a quand même une grande générosité dans la population envers l’étranger en dépit de ce qu’on entend des fois dans les médias, note Frère Matthew. Il y a beaucoup de personnes qui ont grand cœur et qui sont prêtes à accueillir l’autre."