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Mort du Pape François : la réaction de l'évêque de Grenoble-Vienne

Mort du Pape François : la réaction de l'évêque de Grenoble-Vienne

Un article rédigé par Justine Verger - RCF Isère, le 22 avril 2025 - Modifié le 22 avril 2025
Focus sur l'actualité en IsèreMort du Pape François : la réaction de l'évêque de Grenoble-Vienne

Ouverture, attention à l’autre, aux plus fragiles, un esprit libre et qui a bousculé les codes selon Jean-Marc Eychenne. L'évêque de Grenoble-Vienne espère que l'héritage de François et ses engagements pour l'écologie, la justice sociale et la paix seront des marqueurs pour l'Eglise de demain. Entretien. 

Mgr Jean-Marc Eychenne, évêque du diocèse Grenoble-VienneMgr Jean-Marc Eychenne, évêque du diocèse Grenoble-Vienne

RCF Isère : Comme tous les catholiques, vous avez appris la mort du pape François ce lundi 21 avril au matin. Les chrétiens étaient encore dans la joie de la Résurrection quand la nouvelle est tombée. Quelle a été votre première réaction à cette annonce ?

“Ma première réaction a été d'être un peu triste parce que c'est un homme qui arrive à la fin de son parcours et dans le deuil, il y a toujours cette dimension de tristesse. Mais en même temps, il y a aussi celle de l'action de grâce : finalement, il rejoint le Seigneur dans cette période pascale. Et c'était sans doute aussi son souhait intérieur.
Je trouve qu'il a manifesté jusqu'au bout qu'il voulait se donner à son ministère, y compris dans deux actes symboliques qui m'ont marqué : son choix, avec ses dernières forces, de se rendre sur la place Saint-Pierre [à Pâques] pour manifester qu'il est le pasteur de son peuple. Et peu de temps avant, alors qu'il était encore malade aussi, il y a ce choix, dans la Semaine Sainte, de se rendre à la prison et d'aller saluer les prisonniers. 
Ça dit quelque chose de sa démarche d'attention, dès le début et dans tout son pontificat, dans toute sa vie d'homme et de prêtre, à ceux qui sont en marge de la société.”

Sur la place Saint-Pierre, il a délivré une nouvelle fois un message très engagé pour la paix dans le monde. Est-ce une parole à prendre, pas comme un testament, mais comme un signe de l'engagement qui a été le sien tout au long de son pontificat, pour que la paix progresse ?

“Vraiment, c'est un geste très fort. Quand un évêque préside une célébration, l'entrée en célébration est toujours accompagnée de ses paroles, qui sont les paroles du Christ dans ses apparitions après la résurrection : “La paix soit avec vous.” Il s'agit évidemment de la paix intérieure, mais pas uniquement. C'est vraiment la paix entre les peuples, la fraternité, l'harmonie, qui est basée aussi sur une lutte contre les inégalités, une attention aux plus pauvres. On sent que quand il prononce ce mot-là, y compris avec sa voix très diminuée de ce matin de Pâques, c’est très chargé pour lui. C'est un mot synthèse qui renferme tout.”

 

Il préférait une Église en état de sortie qui risque de se blesser, parfois même de se perdre et de tomber, plutôt qu'une Église qui ne risque pas la rencontre 

 

Vous avez participé activement au dernier synode sur la synodalité, voulu par François pour réformer la gouvernance dans l'Église. Lors de ses assemblées plénières à Rome, vous l'avez rencontré. Que gardez-vous de cet homme et de son acharnement à vouloir réformer l'Église ? 


“Oui, j'ai passé finalement des périodes assez longues en compagnie du pape pendant ces deux mois d'octobre successifs. Le pape n'était pas en permanence avec nous, mais quand il était présent, il était là dans la simplicité, accueillant à tous. Il n'aimait pas, par exemple, qu'on soit dans cette manière de lui baiser l'anneau, mais qu'on soit juste en face de lui pour parler comme des frères.


Et la synodalité, ce sillon que nous avons creusé, nous pousse à accorder une égale importance, une égale dignité à chacun, à chaque baptisé, même au-delà, à chaque humain, parce que chaque baptisé dépositaire de l'Esprit peut prendre part à l'élaboration et à la prise de décision, donc à la gouvernance. Comment, finalement, nous sommes tous et toutes, du plus petit, de celui qui est au plus bas de l'édifice social, à celui qui est au sommet, co-responsables de l'annonce du Christ et de l'Évangile. 


Je ne sais pas s'il avait une vision de l'Église. Selon moi, c'est un homme évangélique, et il veillait à ce que l'Église ne s'éloigne pas du Christ et de son Évangile, et ses réformes successives de la Curie ou de notre manière de vivre en Église, c'est un retour à l'Évangile, en réalité.”

Vous dites qu'il n'avait pas forcément une vision de l'Église, mais il disait, “je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie sur la route, plutôt qu'une Église malade de la fermeture et du confort”.

“Oui, c'est la vision du bon samaritain. C'est vrai que c'est une manière de dire à l'Église, soyons attentifs à ne pas oublier que nous ne devons pas être dans l'entre-soi, mais nous sommes envoyés au monde. Il le disait souvent. Il préfère une Église en état de sortie, qui risque de se blesser, parfois même de se perdre, de tomber, plutôt qu'une Église qui ne risque pas la rencontre. Rencontrer l'autre, c'est risquer, parce que la rencontre avec l'autre va nous déplacer, y compris parfois nos certitudes, va nous ouvrir à d'autres cultures. C'est risquer, parce qu'on risque un peu de se perdre, mais il vaut mieux prendre ce risque-là que prendre le parti de la fermeture, qui, là, est un risque mortel [...].

 

Son point d'accent sur l'écologie, on ne pourra pas lâcher là-dessus, parce que plus on avance, plus ça devient une urgence 

 

Selon vous, qu'est-ce qui, dans le pontificat de François, constituerait peut-être une priorité pour l'Église de demain ?

“Evidemment, c'est difficile à dire. Et puis il va y avoir ces temps de congrégation à Rome avant l'élection à proprement parler, dans la chapelle Sixtine, où chacun des cardinaux sera invité, comme il l'avait fait lui-même avant son élection, à présenter ce qui lui semble être une priorité, au nom de l'Évangile et au nom du Christ, pour la vie de l'Église. 


Alors sans doute ce mot qu'il a prononcé : le mot de paix. Sachant qu'il n'y a pas de paix sans justice et sans égalité, dans un monde qui est marqué à nouveau par une recrudescence de guerres. 
Et puis la question aussi d'une paix qui risque d'être compromise parce qu'on manque d'attention, non seulement à nos frères et sœurs en humanité, mais aussi, comme disait François d'Assise, à nos frères et sœurs qui sont toutes les créatures humaines, toute la Nature. Donc son point d'accent sur l'écologie, on ne pourra pas lâcher là-dessus, parce que plus on avance, plus ça devient une urgence.”

Est-ce qu'on pourra lâcher aussi sur ce qu'il a introduit, en bon jésuite, sur la question de l'écoute, du discernement ? Est-ce que c'est une méthode qu'on pourra laisser facilement ?

“Je crois que c'est ancré depuis longtemps d'ailleurs, mais on le redécouvre [...].
Si on est à l'écoute de chacun, si on considère que chacun, quel que soit son chemin de vie, y compris quand il est dans un chemin de vie qui n'est pas selon les normes habituelles, gagne à être écouté, est-ce que ce n'est pas une manière de relativiser les demandes que Dieu nous adresse pour avoir une vie juste, une vie droite ? Les jésuites, effectivement, portent ça comme un charisme pour l'Église [...], disent qu'il faut accompagner les gens pour qu'ils fassent un pas, puis un pas. Ne pas leur demander tout de suite l'impossible.”

 

Le Pape François était bien adapté à cette période particulière que vit notre monde, et dans ce monde, notre Église

 

Il disait bien “Qui suis-je pour juger ?”. La miséricorde est au cœur de la relation que l'Église doit entretenir avec chacun ?

“C’est une parole très forte chez lui. Encore une fois, ce n'est pas une manière d'approuver les errances qui sont celles de nos vies, en oubliant d'ailleurs que, même nous qui sommes prédicateurs, nous errons parfois. Ce n'est pas une manière d'approuver le péché, mais c'est une manière d'accueillir la personne en chemin.”

Il y aura un avant et un après François dans la vie de l'Église ? Il disait “Nous ne sommes pas dans une époque de changement, mais dans un changement d'époque”. On change d'époque ?

“Oui, je crois qu'on change d'époque. Évidemment, quand on pense à l'Église et à l'Histoire, il faut avoir un regard sur le temps long. Et finalement, chaque pape, avec ses spécificités, apportait quelque chose qui correspondait au temps qui était le sien. Le Pape François, sans doute, était bien adapté à cette période particulière que vit notre monde, et dans ce monde, notre Église.
Et puis, aujourd'hui, il y a des points d'accent qu'il a mis en avant qui seront repris, sans doute, par son successeur. Et puis, surgiront des besoins, des réalités nouvelles. Il s'agira de s'adapter et d'adapter l'annonce du message à ces réalités nouvelles aussi, avec un nouveau successeur de Pierre.”

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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