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Messe : qu'est-ce qui a changé après Vatican II ?

Messe : qu'est-ce qui a changé après Vatican II ?

Un article rédigé par Pauline de Torsiac, avec OR - RCF, le 27 octobre 2025 - Modifié le 30 octobre 2025
B. A. -BA du christianismeVatican II : Qu'est ce que vatican II a changé sur la messe ?

L'usage du latin, le prêtre qui tourne le dos aux fidèles : ce sont quelques-uns des signes visibles de la messe dite préconcilaire, c'est-à-dire d'avant Vatican II. Depuis soixante ans, et la fin du concile, la liturgie cristallise les oppositions entre les courants traditionalistes et les autres au sein du catholicisme. Mais est-ce le concile ou bien l'interprétation de ses textes qui a conduit à des modifications de la liturgie ? Quelles ont été les véritables changements initiés par le concile ?

Et que tous, membres du clergé et laïcs, ont un rôle à jouer au cours de la liturgie. C’est sans doute là l’un des apports les plus essentiels de Vatican II. ©Jean-François FORT / Hans LucasEt que tous, membres du clergé et laïcs, ont un rôle à jouer au cours de la liturgie. C’est sans doute là l’un des apports les plus essentiels de Vatican II. ©Jean-François FORT / Hans Lucas

C’est principalement via la liturgie que les courants traditionalistes se sont affirmés dans les années 60. Leur préférence pour le rite de la messe préconciliaire et le refus du missel romain de Paul VI a pu être vu comme une façon de manifester le rejet du concile Vatican II. Alors que le pape Léon XIV a autorisé, ce samedi 25 octobre, la célébration d’une messe latine traditionnelle dans la basilique Saint-Pierre de Rome, il y a lieu de se demander si l’on est arrivés, soixante après la fin du concile à "une nouvelle période de réception" du concile, comme l'affirme Frère Gonzague de Longcamp, membre de la communauté Saint-Jean, théologien et maître de conférences à l'Université catholique de Lyon.

"Je pense qu’on arrive à une nouvelle période de réception, dit-il. Il y a eu les premières années 50, 60, où la réception a été essentiellement de faire la réforme liturgique - avec certains excès que l’on connaît et qu’il faut bien que l’on reconnaisse - et la réaction de tous les ismes : traditionalismes et intégrismes, etc." Pour lui "la pratique de la réforme" est aujourd’hui "beaucoup plus apaisée". Et la période actuelle invite à "comprendre le sens profond de la réforme et de ne pas en rester à la face visible".

Réforme liturgique : de quoi parle-t-on ?

Sacrosanctum Concilium, c’est le premier texte qu’ont voté les pères conciliaires. Cette constitution sur la liturgie a été promulguée par Paul VI le 4 décembre 1963, soit un peu plus d’un an après l’ouverture du concile, le 11 octobre 1962. Et si c’est la première constitution qui a été votée, c’est parce la question de la liturgie était "sans doute un des sujets les plus mûrs", estime Frère Gonzague de Longcamp.

Le mouvement que l’on appelle le renouveau liturgique est né bien avant Vatican II, dès la fin du XIXe siècle. Pour le théologien, les mesures prises par Dom Guéranger (1805-1875) à l’abbaye de Solesmes (Sarthe) avaient "quelque chose à voir avec le renouveau liturgique". Restaurateur de l’ordre bénédictin en France, Dom Guéranger est l’un des initiateurs du mouvement liturgique, connu pour avoir également restauré le chant grégorien.

Mais on trouve aussi les prémices du renouveau liturgique en Allemagne, où l’abbaye de Maria Laach a été le lieu d’une réflexion intense sur la liturgie et où "des choix liturgiques ont été posés". On peut aussi citer l’abbaye de Chevetogne, en Belgique, qui avait "un rite oriental et un rite latin". "Il y avait un bouillonnement liturgique à la fois réfléchi et pratiqué", résume le théologien. Ce dont témoigne, dans les années 50, La Maison-Dieu, une revue d'études liturgiques et sacramentelles. Un grand nombre de ces réflexions "aboutiront au concile".

 

Quels changements visibles apportés à la messe après Vatican II ?

Il arrive que le concile Vatican II soit pointé du doigt au sein des courants traditionalistes où l’on préfère célébrer des messes dites "préconciliaires". Une liturgie où l’on privilégie le latin, où le célébrant est tourné vers l’autel, dos aux fidèles… Mais si tout cela était avant tout une affaire d’interprétation des textes du concile ? 
"Il n’a jamais été dit que le latin n’était plus la langue de la liturgie, indique par exemple Frère Gonzague de Longcamp. Il est dit au moment du concile, dans la constitution Sacrosanctum concilium et dans le missel romain promulgué par Paul VI après le concile, que pour le bien des fidèles on peut célébrer en langue vernaculaire particulièrement la lecture de Parole de Dieu et la prédication."

De même pour l’autel, "on a dit : Il faut décoller l’autel pour pouvoir en faire le tour, il ne s’agit pas tant de se tourner vers le peuple que vers l’Orient", précise le théologien. Il insiste donc sur "les interprétations" que l’on a fait des textes du concile. Il faut pouvoir "faire la différence entre ce qui a été écrit dans le missel romain réformé et ce qui a été pratiqué". Un certain nombre de "petites règles sont restées qui ont été interprétées pas tout à fait forcément comme elles ont été pensées au point de départ".

Il s'agit là de "sujets délicats", admet le théologien, qui sont autant de lieux de crispation. Toutefois, les éléments les plus visibles ne correspondent pas à "ce qui a été pensé de plus important au premier abord", qui est selon l’ecclésiologue, la participation des fidèles.

 

Le principe le plus fort de la réforme, c’est celui de la participation assidue de tous les fidèles

 

Au concile Vatican II y avait-il une volonté de révolutionner la messe ? 

Pour le Frère de Longcamp, ce qui est "central" dans la constitution sur la liturgie, c’est le paragraphe 7 sur la "Présence du Christ dans la liturgie". Il redit que le Christ est présent à travers le prêtre mais aussi "dans l’assemblée, dans la présence réelle, dans la Parole". En rappelant "la présence multiforme du Christ à son Église", la constitution affirme "que la liturgie est un acte de tout le corps de l’Église".

Et que tous, membres du clergé et laïcs, ont un rôle à jouer au cours de la liturgie. C’est sans doute là l’un des apports les plus essentiels de Vatican II. "Le rituel de la messe sera révisé de telle sorte que se manifestent plus clairement le rôle propre ainsi que la connexion mutuelle de chacune de ses parties, affirme la constitution vaticane, et que soit facilitée la participation pieuse et active des fidèles." (par. 50) Fidèles, prêtres et diacres, ont chacun un rôle, et "les prêtres ne font pas la même chose que les laïcs". 

Et les fidèles sont invités à une "participation active". Le chant, le répons, l’acclamation, l’anamnèse… sont autant d’éléments que Vatican II a valorisé. L’anamnèse, durant la prière eucharistique, est même "une nouveauté conciliaire". Autre nouveauté : la prière du Notre Père récitée par toute l’assemblée là, où, avant le concile, le prêtre seul le récitant, "et le peuple s’unissait simplement avec la dernière phrase : Délivre-nous du mal."

"Pour moi le principe le plus fort de la réforme, c’est celui de la participation assidue de tous les fidèles." Le Frère de Longchamp rappelle que l’on a traduit le mot latin "actuosa" par "active", mais qu’il signifie aussi "assidue". "La volonté du concile ce n’est pas tellement que le peuple fasse plus de choses mais qu’il puisse mieux comprendre l’acte liturgique, mieux comprendre ce qui se passe pour mieux s’y associer intérieurement et que cette association intérieure se traduise dans les actes extérieurs."

 

Le rôle du prêtre a-t-il évolué ?

Le concile a valorisé la lecture de la Parole de Dieu, notamment celle de l’Ancien Testament. Les textes conciliaires parlent des "deux tables" : celle de la Parole et celle de l’eucharistie. "Il y a une inséparabilité des deux tables, précise le Frère de Longcamp. Bien sûr, c’est Jésus qui nous sauve en donnant sa vie sur la Croix et en ressuscitant, ce dont on fait mémoire dans la célébration de l’eucharistie. Mais nous sommes sauvés parce que nous accueillons cet acte du Christ par la foi et la foi, dit saint Paul dans la Lettre aux Romains, vient de ce que l’on entend." Rendre indissociables l’écoute de la Parole de Dieu et la célébration du mystère eucharistique est un autre des apports de Vatican II.

De même pour la prière universelle, que l’on appelait la prière des fidèles. Elle avait été très réduite avant le concile, qui l’a "remise en lumière", précise le théologien. "La prière des fidèles, dit-il, c’est faire se rencontrer ce qu’on a entendu dans la parole de Dieu, la situation du monde et faire monter nos intentions de prière vers Dieu comme on va faire monter le pain et le vin en offrande. Je pense que cette prière universelle a une fonction essentielle."

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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