Marie-Laure Sourdin : « Traverser l'épreuve dans la joie »
Marie-Laure Sourdin est maman d'une petite fille atteinte d'une maladie rare, une tribulation qui a transformé sa vie et celle de son mari. Elle témoigne de la manière dont ils vivent cette épreuve dans la foi, déterminés à rester dans la joie.
Marie-Laure Sourdin témoigne régulièrement de ce parcours vécu dans la foi ©RCFLes premiers symptômes de la maladie se sont déclenchés alors que Blanche avait 15 mois. Un an plus tard, le diagnostic était confirmé, leur fille est atteinte du syndrome de Rett, une maladie rare qui altère le développement du système nerveux central. Ce polyhandicap touche principalement les filles, car il provient d’une mutation génétique sur le chromosome X. Il se manifeste par une régression rapide des acquis après les premiers mois de développement normal. Depuis la découverte de la maladie, Marie-Laure Sourdin et son mari se battent pour accompagner leur fille, à travers l’association les Amis de Blanche. Marie-Laure Sourdin nous raconte comment elle traverse cette épreuve dans la foi.
Un combat pour la joie
RCF : Y a-t-il eu une période de révolte au début ?
Marie-Laure Sourdin : Oui. C’était une colère et un chagrin. Votre monde s'effondre. Quand vous avez un enfant, sans vous en rendre forcément compte, il y a le besoin de transmettre et d'échafauder un avenir. Et tout d'un coup, on comprend que ça ne va pas se passer comme ça. J'ai vécu d'une certaine manière toutes les étapes du deuil. Mais vous n’avez pas trop le temps de vous lamenter, parce que rapidement, il faut agir. Quand vous entrez dans le champ de la maladie, c’est énorme ce qu’il y a à mettre en place. Et là, votre vie va basculer. Vous vous retrouvez à la tête d'une petite entreprise de gestion de la maladie. Votre quotidien va être transformé, mais vous aussi vous allez être transformé. J'ai accueilli tout ça et aujourd'hui, quand je regarde ce chemin, je suis complètement émerveillée. Comment a-t-on fait ? En fait, on a vécu les choses au fur et à mesure, et il faut reconnaître qu'on en est sorti malgré tout grandi, vraiment grandi.
Votre quotidien va être transformé, mais vous aussi vous allez être transformé
RCF : Y a-t-il eu des étapes qui vous ont permis de passer des paliers au niveau de cette acceptation ?
Marie-Laure Sourdin : Il y a des décisions à prendre. Quand on a eu le diagnostic, mon mari et moi, on était complètement raccord. On a tous les deux senti que pour le bien de notre fille, il fallait rentrer dans la joie. C'était une décision. D'abord, rentrer dans la joie. Et ça change tout. On a reçu un jour cette petite phrase qui ne nous quitte pas : « Aujourd'hui, ouvre ton cœur au commandement de la joie, cette joie profonde et permanente en Dieu ».
RCF : Que signifie cette joie ?
Marie-Laure Sourdin : Ça veut dire que vous êtes dans l'espérance. Ce n’est pas un déni sur ce qui se passe, au contraire. Mon mari dit : « C'est la joie dans la croix ». La joie, c'est quelque chose que vous allez ancrer en vous, comme une détermination, comme une force. Étant croyants, c'est quelque chose qu'on a reçu comme ordre de mission. Vu tout ce que Blanche traversait, c'était à nous ses parents de lui transmettre cette joie. Elle était enfermée dans son corps, elle paniquait, elle souffrait, on ne pouvait pas se permettre de paniquer, il fallait réagir, il fallait tenir le cap et s'ancrer dans la joie. Ça a été notre leitmotiv et ça l'est toujours. Et c'est renforcé de plus en plus, par tout ce qu'on a traversé, par tout ce qu'on vit et par toutes les victoires, parce que ce sont beaucoup de victoires que vous vivez après.
La joie, c'est quelque chose que vous ancrez en vous, comme une détermination, comme une force
RCF : Par exemple ?
Marie-Laure Sourdin : La victoire de l'espérance. On nous a dit qu’elle ne marcherait pas, elle marche, avec de l’aide. On nous a dit qu'elle était déficiente intellectuellement, elle ne l'est pas. J'avais ce réflexe du fait de mon parcours d’artiste, de dire que quand on ne peut pas rentrer par la porte, on passe par la fenêtre. Donc quand on me dit « non », ça ne m’arrête pas, et même, je m'en sers. Quand on entre dans la joie, on ne peut pas supporter ces postulats terribles, et je me suis vraiment decidée à ne jamais prendre pour acquis ce qu'on me disait et à toujours aller voir ailleurs pour comprendre. Je suis allée rencontrer des parents qui avaient déjà vécu la maladie depuis longtemps. On a été chercher des experts internationaux sur l'éducation, la communication, sur la motricité. On a souhaité aussi que la maladie ne prenne pas toute la place, que Blanche ne soit pas dans un milieu médicalisé non-stop. On est hyper fiers de dire qu'elle va à l'école à mi-temps, et qu'elle apprend à lire, écrire et compter.
Quand l'épreuve rapproche du Christ
RCF : Cette épreuve vous a-t-elle rapprochée du Christ ?
Marie-Laure Sourdin : Définitivement oui. En fait, je dirais que c'est Blanche qui nous rapproche du Christ dans la mesure où on a l'impression d'avoir un petit Jésus à la maison. En tant que parents, on est dans le service du plus petit, du plus fragile, du plus vulnérable. Je pense qu'on est tout à fait proche du Christ, dans cette dimension-là. Pour moi, c'est complètement incarné tout ça. Ce n’est pas seulement que la foi nous aide, c’est qu’on vit avec, on se nourrit de ça, et ma fille aussi.
Blanche porte en elle toute une catéchèse
RCF : Qu'est-ce que Blanche vous a fait découvrir ?
Marie-Laure Sourdin : Ce qu'elle m'apprend, c'est le sens de l'essentiel. Il y a beaucoup de choses qui ne me préoccupent plus. Je suis émerveillée par sa présence, elle endure des tas de choses, mais elle est absolument dans la confiance. Elle porte en elle toute une catéchèse. À son contact, on est instruit et touché. Elle sème autour d'elle de la compassion, de l'empathie. Elle transforme les cœurs, je pense.
RCF : De manière très concrète, comment vivez-vous cette épreuve avec le Christ ?
Marie-Laure Sourdin : C'est sûr que quand il nous arrive une épreuve comme ça, on est dépassé, impuissant, on ne comprend rien. Moi, je me suis tournée immédiatement vers Dieu, parce que personne ne pouvait comprendre ni m'aider. Personnellement, j'avais vécu une conversion très forte, il y a 15-20 ans, et depuis, j’ai une relation intime avec le Seigneur. Pour moi, c'est vraiment un compagnon 24 heures sur 24. Quand les soucis de santé de Blanche se sont manifestés de façon très violente la nuit, je me souviens d'épisodes, de hurlements, de cris. Moi, je ne dormais plus et je la prenais dans mes bras. Elle n'était bien que contre moi et en position verticale. Alors je m'adossais au mur avec ma fille dans les bras et ce qui me venait immédiatement, c'était l'image de la barque. Jésus dort pendant que les apôtres s'agitent, pendant que la mer tangue. Je me souviens très bien d'avoir dit à ma fille à voix haute : « On va faire comme Jésus, on va s'installer près de lui et on va attendre que la tempête passe ». Et il y a eu beaucoup de nuits comme ça. Quand on vit ça, on peut faire l'expérience du rapprochement concret avec Jésus. J'avais l'impression d'être dépouillée de toutes mes forces, il n'y avait plus de vernis, plus rien, une impuissance totale. Je me disais, je m'abandonne à toi.
La seule chose que j'ai faite, c’est de crier vers le ciel
RCF : Et plus de projets non plus ?
Marie-Laure Sourdin : Non, plus du tout. On se dit, je suis dans tes mains, je m'abandonne à toi. Comme dans une voiture, je n'ai plus du tout de vue sur le pare-brise. Vous êtes dans le présent et dans la confiance, l'abandon, mais vous ne savez pas du tout où ça va. C’est un exercice spirituel très fort, que vous éprouvez tous les jours. En fait, c'est dans ce présent que va s'ancrer l'avenir. Petit à petit, il y a des choses qui vont s'amorcer, mais à ce moment-là non. À ce moment-là, vous vivez le drame de votre vie, vous vivez l'épreuve. La seule chose que j'ai faite, c’est de crier vers le ciel. Et aussi fou que ça puisse paraître, on est profondément entendu. Je me suis sentie aimée, entourée, entendue. Parce qu'au fur à mesure du chemin, arrivent des réponses, des petits signes, des portes qui s'ouvrent, mais ce n’est plus vous qui maîtrisez les choses.
RCF : Vous aimez beaucoup les miracles. Dans cette épreuve, quels sont ces miracles ?
Marie-Laure Sourdin : Alors le premier miracle, c’est d’avoir eu l'impression de marcher sur les eaux, je ne sais même pas comment j’ai pu tenir avec les nuits que j'ai passé. C'est une grâce de pouvoir porter tout ça. Ensuite, elle arrive à marcher. Elle n’arrive pas à parler, mais elle utilise le regard, avec une commande oculaire et une synthèse vocale pour s'exprimer. Et à l'âge de 6 ans, elle m'a dit « Je t'aime ». Il est là le miracle ! Si vous vous arrêtez aux apparences, vous êtes dans l'effroi ou dans la tristesse. Mais si vous traversez la croix avec la joie, il va se passer des miracles. Les miracles, ça transforme les cœurs, et il vous arrive des choses inimaginables. Je ne peux qu’inviter les gens à ne jamais s'arrêter d'espérer et d'aller dans la joie.
Les parents de Blanche recherchent actuellement une assistante de communication. Formation CAA assurée.


