[Évangile du dimanche] Quelques paroles dérangeantes de Jésus
Pendant longtemps, les paroles dérangeantes de Jésus, que l'on entend dans l'évangile de ce dimanche, n'étaient pas lues à la messe. Pourquoi cela ? Ce sont des mots que le Christ adresse à ses disciples, c'est-à-dire à ceux qui ont tout quitté pour le suivre. Interpréter ce texte de Luc demande de la prudence et du courage, estime la théologienne Sylvaine Landrivon. Explications.
Dans la Bible, le feu a toujours une connotation ambivalente. ©UnsplashÉvangile du dimanche 17 août (Lc 12, 49-53)
Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !
Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division.
Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Source : AELF
Ces paroles dérangeantes de Jésus, durant longtemps, elles n’étaient pas lues au cours de la messe, dans l’Église catholique. On considérait que cet extrait de l’Évangile de Luc s’adressait essentiellement aux prêtres, aux religieux, à ceux qui consacré leur vie au Christ. Avec cette idée, assez présente chez saint Luc, que ce petit cercle d'hommes prêts à tout pour Jésus ont cependant du mal à comprendre ce qu'il attend d'eux...
Un texte à interpréter "avec prudence et courage"
La vie publique de Jésus est marquée par la présence d’une foule, plus ou moins nombreuse. "Et puis il y a le cercle rapproché dans lequel Jésus a choisi de former ceux qu’il va envoyer en mission." C’est sans doute à eux que Luc s’adresse dans l'Évangile de ce dimanche. En effet, comme le disait le cardinal Carlo Maria Martini (1927-2012), "l’évangile de Luc tout entier est l’Évangile de l’évangélisateur", rapporte la théologienne Sylvaine Landrivon.
Mais il y a toujours chez Luc cette idée un peu surprenante que les disciples ont du mal à comprendre ce que Jésus attend d’eux. Ils sont touchés par le message de Jésus, ils sont prêts à tout quitter pour le suivre, "mais ils n’ont pas toujours la connaissance claire de ce que Jésus attend". Or, cette fois, "il va dire des choses encore plus difficiles à comprendre !"
Interpréter ce texte de Luc demande de la prudence et du courage, estime Sylvaine Landrivon. "De la prudence car il ne faut pas se laisser embarquer par des propos exagérés. Beaucoup de courage parce que cette division annoncée par Jésus il va falloir en tenir compte."
Dans le Premier Testament, ce sont plutôt les faux prophètes qui annoncent la paix
La symbolique ambivalente du feu dans la Bible
"Je suis venu apporter un feu sur la terre", dit Jésus. Une allusion directe au Premier Testament. Le feu dans la Bible est un puissant symbole de purification. Les prophètes Jérémie ou Isaïe annoncent cette purification par le feu avant de reconstruire.
Mais le feu a toujours une connotation ambivalente, il brûle, détruit, purifie. Et c’est aussi par le feu que Dieu se révèle. Par exemple dans le buisson ardent que voit Moïse au sommet du Sinaï. C’est aussi la colonne de feu qui guide le peuple dans la traversée du désert.
La fausse paix qu'annoncent les faux prophètes
En annonçant un feu sur la terre, Jésus se place à la suite des prophètes. Or, dans la Bible les prophètes viennent dire des choses qui dérangent. "Dans le Premier Testament, ce sont plutôt les faux prophètes qui annoncent la paix."
Les vrais prophètes, eux, dénoncent "toutes les exactions que l’on commet pour avoir la paix, une fausse paix, précise Sylvaine Landrivon. Il faut tout changer, tout remettre en question et ne jamais se laisser aller à des compromis qui ressemblent à des compromissions pour ne pas faire de vague."
Le feu de l'Évangile
Le feu c’est aussi le don annoncé de la Pentecôte, le don de l’Esprit saint. Chez Luc, le feu est celui de l’évangile. "Un feu magnifique qui nous fait aller de l’avant, explique la théologienne. Mais c’est aussi celui qui du jugement qui va faire irruption dans les familles parce qu’il va falloir trier. Faire le nettoyage de tout ce que le mal a pu laisser comme résidu sur l’être humain."
On oublie souvent que dans la tradition chrétienne il faut mourir à soi pour renaître de l’Eprit. L’idée de destruction, même si elle est symbolique, est bien présente. Jésus n’écarte pas l’ambivalence des deux symboliques du feu.


Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.




