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Les seize textes du concile Vatican II

Les seize textes du concile Vatican II

Un article rédigé par Madeleine Vatel, avec OR - RCF, le 25 octobre 2025 - Modifié le 25 octobre 2025
Halte spirituelle, l'intégraleLes surprises des grands textes de Vatican II

On ne saurait résumer le concile Vatican II à un rôle accru des laïcs ou au prêtre tourné vers les fidèles à la messe. Ce serait bien trop caricatural ! Les changements sur la liturgie doivent être compris dans une réflexion globale portée par seize textes. Il témoignent d'une Église catholique qui revient à la source, à la révélation divine et à l'interprétation des Écritures saintes. Une Église qui ose se décentrer d'elle-même car elle a compris que c'est d'abord le Christ qu'elle doit regarder, et refléter. Une Église, enfin, qui n'a pas à avoir peur du monde mais qui au contraire doit l'écouter, comme le faisait Jésus. Explications du théologien Père Christoph Theobald.

"La foi chrétienne ne nous met pas seulement devant Dieu, elle nous conduit par le Christ dans l’Esprit saint vers l’intimité même de Dieu." ©Stéphane Ouzounoff / Hans Lucas"La foi chrétienne ne nous met pas seulement devant Dieu, elle nous conduit par le Christ dans l’Esprit saint vers l’intimité même de Dieu." ©Stéphane Ouzounoff / Hans Lucas

Les seize textes nés du concile Vatican II se complètent et se correspondent. On ne peut comprendre ce qu’a été le concile si on ne les lit pas ensemble. Ce corpus propose une réflexion cohérente et un cheminement spirituel pour redécouvrir la foi chrétienne, savoir ce qu’est l’Église et comment elle se définit elle-même, et quel est son rapport au monde. Des textes que l’on ne saurait résumer, sans risquer la caricature, à un rôle accru des laïcs ou au prêtre tourné vers les fidèles à la messe.

Le concile convoqué par Jean XXIII en 1959, est le premier qui se tient dans le contexte bien particulier d’une Église devenue mondiale. Désormais le catholicisme est présent sur tous les continents. Et les 2 à 3.000 personnes qui se réunissent à Rome viennent de tous les coins du globe. Au cours des quatre sessions d’automne de 62, 63, 64 et 65, les participants au synode en ont pris conscience. La plupart des évêques se rencontraient pour la première fois ! Si donc il y a eu des débats tendus, il y a aussi eu "une énorme capacité d’écoute", selon Christoph Theobald.

Dans Halte Spirituelle, Christoph Theobald revient sur les quatre constitutions du concile : Dei Verbum, Lumen Gentium, Gaudium et Spes et Sacrosanctum Concilium. Il met en lumière la cohérence de l’ensemble et leur complémentarité. Prêtre jésuite, professeur aux Facultés Loyola Paris où il est titulaire de la Chaire Karl Rahner, c’est un fin connaisseur du concile et de son enseignement. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, dont "La réception du Concile Vatican II" en deux volumes ("L'Église dans l'histoire et la société, t. II", 2023, et "Accéder à a source, t. I", 2009).

Les constitutions, les textes "les plus importants" du concile

Le corpus conciliaire de Vatican II, c’est quatre constitutions, neuf décrets et trois déclarations. Les déclarations portent sur "la matière hautement sensible", c’est-à-dire sur les sujets "difficiles à traiter". Dignitatis Humanae, du 7 décembre 1965, évoque la liberté religieuse. À ce titre, "on ne peut pas dire qu’au XIXe siècle, l’Église catholique défendait la liberté religieuse, commente le jésuite. Là, apparaissait une vraie nouveauté !" Nostra Aetate définit le rapport de l’Église catholique aux religions non chrétiennes – avec notamment le célèbre paragraphe 4 sur le rapport au judaïsme. Elle a été votée le même jour qu’une autre déclaration, Gravissimus educationis, sur l’éducation chrétienne.

Les décrets concernent les acteurs de l’Église : les évêques, les prêtres et leur formation, les religieux et les laïcs. À cela s’ajoutent un décret sur les Églises orientales et un autre sur l’œcuménisme. Et aussi "un magnifique texte sur l’activité missionnaire de l’Église" que le Père Theobald juge "décisif aujourd’hui puisqu’on redécouvre dans notre société actuelle le type de rapport missionnaire à la société". Enfin, le décret sur les moyens de communication sociale.

Les constitutions sont les textes "les plus importants" du concile, précise le Père Théobald. Deux d’entre elles sont dites dogmatiques : "Elles concernent directement ce qui est normatif dans la foi catholique." Dei Verbum (du 18 novembre 1965) porte sur la révélation et Lumen Gentium (du 21 novembre 1964) sur l’Église. Gaudium et Spes (du 7 décembre 1965) est une constitution pastorale, elle concerne le rapport de l’Église à son époque. Vient enfin la toute première votée lors du concile, Sacrosanctum Concilium, du 4 décembre 1963, qui porte sur la liturgie.

Les quatre constitutions proposent "une réinterprétation de l’ensemble du mystère chrétien pour aujourd’hui", résume le Père Theobald. Se dessine un axe spirituel : avec la question de la foi, de la liberté religieuse et puis un axe plus horizontal, "dialogal" sur les relations de l’Église avec le monde et les autres religions. La réflexion part du centre, c’est-à-dire d’un Dieu qui se révèle, de sa Parole, qu’il s’agit d’écouter : celle qui est invitée à écouter la Parole, c’est l’Église, le peuple de Dieu. "Et la réponse, c’est la liturgie."

 

Dei Verbum, l’importance de la lire la Bible

"L’ignorance des Écritures, c’est l’ignorance du Christ." Cette formule de saint Jérôme, citée dans Dei Verbum (par. 25), permet de comprendre la teneur de Dei Verbum. Il est question de revenir à la source, c’est-à-dire aux Écritures, à la Parole de Dieu : là où Il se révèle. La grande nouveauté de ce texte, ce sont ses chapitres sur l’interprétation des Écritures.

Déjà, en 1943, avec "Divino Afflante Spiritu" Pie XII avait "libéré l’exégèse" et permis une lecture historico-critique - cette encyclique a "marqué l’ensemble du concile Vatican II", rappelle le P. Theobald. Or les catholiques se sont mis à lire la Bible tardivement. La première encyclique biblique, Providentissimus Deus, de Léon XIII, ne date que de 1893. La fréquentation des textes reste toutefois un enjeu aujourd’hui. "Ce n’est pas encore acquis, constate le P. Theobald, même si nous avons des instruments incroyables pour lire les Écritures !"

L’apport essentiel de Vatican II est de valoriser l’Ancien Testament. Auparavant à la messe "on ne le lisait quasiment jamais. Le risque, explique le jésuite, c’est de ne plus comprendre que les deux forment une unité." Lire les Écritures dans leur entièreté c’est approcher la relation entre Dieu et son peuple. Affirmer que la foi est d’abord une relation à vivre est un point décisif. "Dans la catéchèse et dans la théologie, on a d’abord compris la révélation comme un ensemble de vérités à croire", résume le jésuite. La nouveauté de Dei Verbum c’est de dire que "la révélation, c’est la communication de Dieu avec l’Homme, c’est d’abord une expérience"

L’idée d’un Dieu qui se communique, c’est ce que l’on nomme l’auto-donation de Dieu : "Dieu n’a qu’une seule chose à dire, explique Christoph Theobald, c’est son intimité. La foi chrétienne ne nous met pas seulement devant Dieu, elle nous conduit par le Christ dans l’Esprit saint vers l’intimité même de Dieu." D’où l’importance soulignée lors du concile du lien entre l’écoute de la Parole de Dieu et l’eucharistie.

 

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Lumen Gentium : les laïcs et le peuple de Dieu

Dans l’expression Lumen Gentium, ou "lumière des nations", la lumière, c’est le Christ et non pas l’Église. Celle-ci serait plutôt la lune c’est-à-dire le reflet. "Est-ce que l’Église reflète réellement la lumière qu’est le Christ ? C’est ça, la question de Lumen Gentium." Et pour le jésuite il y a dans le texte "une vision doublement décentrée de l’Église : vers le Christ et vers l’histoire de l’humanité".

En réaction à la modernité, la tentation a été pour l’Église de "se défendre elle-même face à la société". Le concile affirme qu’en réalité "elle n’a pas à se défendre, elle n’a qu’à regarder le Christ et être sensible à ce qui se passe dans la société avec le Christ". Lumen Gentium rappelle le point fondamental : l’Église est le lieu de l’écoute de la Parole. Mais qu’est-ce que l’Église ?

"Il y a eu une conscience vive chez les Pères conciliaires, rapporte le P. Theobald, que l’Église est référée au Christ. Elle est peuple de Dieu, elle est corps du Christ, elle est temple de l’Esprit. Ce sont trois métaphores pour dire l’identité du Christ." Par conséquent, le texte accorde une attention particulière aux laïcs, "appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment". La place des laïcs a été l’une des grandes questions du concile. Lumen Gentium rappelle que clercs et laïcs sont par leur baptême "prêtres, prophètes et rois". Et que tous sont appelés à la sainteté.

Lumen Gentium, enfin, rappelle que l’Esprit saint agit dans la conscience de tout être humain, y compris les non baptisés, les non croyants, les personnes d’autres religions… "Quand les chrétiens rencontrent dans le dialogue par exemple des juifs - là il y a un lien tout à fait particulier, évidemment - des bouddhistes, de musulmans, des athées, il faut toujours qu’il présuppose que l’autre a une conscience et que l’Esprit saint travaille dans cette conscience." Comme le souligne le P. Theobald, "la mission est essentiellement une rencontre".

 

Gaudium et Spes, l’Église écoute le monde

Si la question du rapport entre Église et société est très ancienne, restait à savoir comment aborder le monde moderne. Avec ce titre, "Joie et espérance", Gaudium et Spes dit bien ce que l’Église veut partager avec ses contemporains. "Ce texte était nécessaire, très nouveau", précise Christoph Theobald.

Avec Dei Verbum et Lumen Gentium, Gaudium et Spes forme un triptyque. Au départ, l’écoute de la Parole de Dieu : elle se fait par et dans l’Église. Une Église "convoquée par la parole de Dieu. Elle est sacrement mais elle se situe dans un monde qui n’est pas un vide spirituel." Une circulation s’établit entre la Parole, l’Église et le monde, où "le monde a quelque chose à dire à l’Église et l’écoute du monde va refluer sur notre écoute de la Parole de Dieu".

 Ceux qui disent qu’à Vatican II l’Église s’est agenouillée devant le monde, sont "ceux qui n’ont pas lu les textes", s’indigne le Père Theobald. "Dieu nous appelle à comprendre la société dans laquelle on vit, ce que Jésus a fait."

 

Sacrosanctum concilium : la liturgie, source et sommet de la vie chrétienne

On associe beaucoup Vatican II à la question de la liturgie. Le concile lui a donné une place centrale, l’a définie comme sommet et source de la vie chrétienne. Ce qui a suscité la controverse, c’est la question de la "participation pleine, consciente et active [des fidèles] aux célébrations liturgiques".

On sort de l’idée de la "liturgie baroque", comme la décrit Christoph Theobald, "celle de saint Pie V, la liturgie comme une sorte de théâtre sacré auquel on assiste mais on ne participe pas". Avec le concile, "la liturgie redevient ce qu’elle est au départ : un dialogue entre le peuple de Dieu et Dieu lui-même, présidé par le ministre ordonné, le prêtre qui convoque l’assemblée au nom de Dieu."

Un dialogue qui conduit à la question des langues vernaculaires : d’où l’idée de pouvoir célébrer la messe dans la langue du pays. Pour favoriser cette "participation active" et aussi pour signifier que "c’est toute notre existence qui doit entrer dans l’acte liturgique eucharistique de l’action de grâce de l’Église".

Au sein du catholicisme, il existe plusieurs rites – africain, ambrosien, latin, amazonien. Tout l’enjeu est de savoir respecter les rites, tout en admettant les singularités. L’ars celebrandi, décrit Christoph Theobald, c’est "l’art de célébrer ensemble. C’est un art, il faut habiter le rite. L’art, c’est de faire ce qui convient au bon moment tout en respectant le rite."

 

Émission Halte spirituelle © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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