Peurs de la guerre : redécouvrir la figure de Marie, "reine de la paix"

Après la réouverture de Notre-Dame-de-Paris le 8 décembre dernier et donc pour la première fois depuis l’incendie, la cathédrale retrouve le public de ses traditionnelles conférences de Carême, qui s’était habitué à Saint-Germain-l'Auxerrois, près du Louvre. C’est donc aux pieds de la Vierge du pilier que les six prédicateurs délivreront leur enseignement. Dans une version un peu plus "théâtrale" que d’habitude, et avec une portée symbolique forte, c'est la figure de la Vierge Marie "reine de la paix" qui est honorée cette année. Un thème qui ne peut que faire écho aux tensions géopolitiques actuelles et aux peurs de la guerre qui traversent notre société.

Redécouvrir la figure de Marie, "reine de la paix"

La philosophe Laurence Devillairs, la religieuse dominicaine et médecin Anne Lécu mais aussi un organiste, un professeur de chant grégorien, un spécialiste de la liturgie… Les six prédicateurs de l’édition 2025 ont en commun d’être "des familiers de Notre-Dame", pointe le Père Henry de Villefranche : "Ils aiment Notre-Dame et ils aiment à camper la figure de Marie, 'reine de la paix', dans notre contexte contemporain et chacun selon sa spécialité".

Les conférences de Carême honorent cette année la figure de Marie, avec pour thème "Notre-Dame, reine de la paix… du Magnificat à l’Apocalypse". Un choix de Mgr Laurent Ulrich qui fait écho aux tensions géopolitiques actuelles. "Des grâces ici sont demandées, a déclaré l'archevêque de Paris. Tant de consolations y sont obtenues. Et c'est celle de la paix que nous venons mendier à travers les six conférences de Carême de l'année jubilaire 2025."

Marie, reine de la paix, a été célébrée par le poète Paul Claudel. Mgr Ulrich s'est aussi inspiré pour le choix de ce thème par le poème La Vierge à midi (du recueil Poèmes de Guerre 1914-1916), où il écrit : "Parce qu'à l'heure où tout craquait, c'est alors que vous êtes intervenue." Claudel, qui s'est converti devant la statue de la Vierge du pilier, celle-là même qui a été épargnée lors de l'incendie de 2019. "On a pensé qu’il fallait faire un lien entre la cathédrale Notre-Dame et cette figure de la Vierge Marie dans le plan de Dieu", explique le Père de Villefranche.

Les conférences de Carême de Notre-Dame de Paris, une institution depuis… 190 ans !

Lancées en 1835, les conférences de Carême de Notre-Dame de Paris sont une véritable institution. Proposer aux Parisiens des conférences pour l’Avent et le Carême, c’était l’intuition de Frédéric Ozanam (1813-1853). Un intellectuel engagé qui a "activement [participé] au renouveau de la présence et de l'action de l'Église dans la société de son époque", selon les mots de Jean-Paul II lors de la messe de sa béatification en 1997 à Notre-Dame-de-Paris.

Enseignant à la Sorbonne, fondateur en 1833 de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, Frédéric Ozanam a eu l’intuition qu’il fallait apporter un enseignement aux jeunes dans une Église catholique en plein renouveau. "On avait besoin de redécouvrir, de réinventer des voix nouvelles d’évangélisation par des rassemblements dans un lieu signifiant", décrit le Père de Villefranche.

Plusieurs grands noms de l’éloquence sacrée — parmi lesquels le cardinal Joseph Ratzinger (futur Benoît XVI) — se sont exprimés lors de ces conférences. "Conférences" qui ne sont pas des sermons ni des homélies. Elles se rapprochent de la prédication ou de l’enseignement : "Ce n’est pas simplement un enseignement, estime le Père de Villefranche. Il y a le côté événementiel qui vient nous toucher. Et je crois qu’il y a un don, un rendez-vous que Dieu nous fixe et on vient pour vivre quelque chose."

Nous ne croyons pas suffisamment aux miracles

C’est la prière du Magnificat que Laurence Devillairs nomme Évangile selon Marie. On la trouve chez l’évangéliste Luc : "Mon âme exalte le Seigneur" (Lc 1, 46). La philosophe invite à comprendre l’exaltation de Marie comme le témoignage de celle qui sait la portée de l’action de Dieu dans le monde. Marie témoigne d’un miracle, c’est-à-dire de l’accomplissement de "ce qui ne semblait pas même possible".

La philosophe Laurence Devillairs est aujourd’hui une voix de la pensée contemporaine. Elle enseigne à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et intervient souvent sur les ondes du service public. Cette ancienne éditorialiste sur RCF contribue à la revue Études et dirige une collection aux Presses universitaires de France (PUF).

C’est une philosophe reconnue, spécialiste de Descartes et de Pascal, qui affirme donc en 2025 que "nous ne croyons pas suffisamment aux miracles". Et pour ouvrir les conférences de Carême, elle ose une réflexion sur le sens philosophique du miracle.