Le sens du dialogue selon Christian de Chergé
L'AVENT SUR RCF - Une vie donnée, à l'écoute des bienheureux d'Algérie - 19 martyrs de l'Église d'Algérie seront béatifiés le 8 décembre à Oran. Mgr Pierre Claverie, les moines de Tibhirine et les 11 autres religieux bientôt béatifiés avaient fait le choix de rester fidèles à l'Église d'Algérie et à leurs amis et voisins algériens en dépit des risques encourus dans une décennie 90 marquée par la violence. RCF met en place une programmation spéciale à l'occasion de cet événement.
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'On ne peut pas séparer chez lui le don de sa vie à Dieu et le don de sa vie à l'Algérie : c'est une seule et même chose'
'Je crois que Christian de Chergé est une contribution intéressante et nécessaire même à la vie de l'Église aujourd'hui.' Béatifié le 8 décembre 2018, avec 18 autres religieux martyrs d'Algérie, le P. de Chergé a été séquestré puis assassiné avec six autres moines de sa communauté, en 1996. De cet homme qui a mené une vie immergée en terre musulmane, on ne peut comprendre l'engagement si on ne regarde pas du côté des origines de sa vocation. Le P. Christian Salenson, qui a écrit plusieurs ouvrages sur le prieur de Tibhirine, nous explique quelle est sa spiritualité, nourrie du dialogue avec le peuple algérien.
Une expérience fondatrice
C'est lors de la guerre d'Algérie, pendant les 18 mois où il a été appelé, que Christian de Chergé a fait une rencontre décisive. Dans les liens d'amitié profonds qu'il a développés avec Mohamed, le garde-champêtre du village, il a découvert la portée du dialogue interreligieux. Lui qui avait reçu 'une belle éducation', une éducation classique, 'n'avait sans doute jamais réfléchi à la pluralité religieuse'. Cette rencontre a 'libéré sa foi', avait-il l'habitude de dire.
'Un jour qu'ils étaient inquiétés dans une embuscade, raconte le P. Salenson, Mohamed a pris sa défense en disant que c'était un ami des Algériens et un ami des musulmans : cette attitude a eu des conséquences dramatiques puisqu'on a retrouvé Mohamed deux jours plus tard assassiné dans un puits.' Pour le jeune Christian, cela restera comme 'une expérience fondatrice' : désormais sa vie serait liée à l'Algérie, c'est même là qu'il reçoit 'sa vocation à être moine, priant, en Algérie'.
Christian de Chergé
Donner sa vie, comme le Christ
'On ne peut pas séparer chez lui le don de sa vie à Dieu et le don de sa vie à l'Algérie : c'est une seule et même chose.' La mort de son ami Mohamed, le P. de Chergé ne la subit pas comme une dette, il la comprend comme 'le gage de l'amour le plus grand', celui de donner sa vie pour ses amis. 'Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime' (Jn 15, 13), dit le Christ dans l'Évangile de Jean.
'Christian va reconnaître en Mohamed qu'il a donné sa vie comme le Christ : et donc si un musulman a donné sa vie comme le Christ, si un musulman a d'une certaine manière imité le Christ jusque là, ça veut dire que notre proximité avec les musulmans est grande. Il va recevoir ce geste-là comme le signe même de l'amour de Dieu. À travers le don que Mohamed a fait de sa vie il voit le don du Christ lui-même adressé à lui Christian de Chergé.' La vie de Christian de Chergé sera une réponse d'amour au don de Mohamed. Il s'installera en Algérie et 'le jour où il faudra aller au don total de sa vie, il ira au don total de sa vie'.
Vocation : moine en terre d'islam
Priant parmi les priants, comme le veut la formule consacrée à Tibhirine, Christian de Chergé a vécu toute sa vie monastique dans un dialogue constant avec l'islam. 'Cette vocation a ceci de particulier c'est qu'il ne la dissociera jamais d'être moine en terre d'islam, explique Christian Salenson, et si pour lui c'est une vocation, il pense que c'est une ouverture nécessaire pour l'Église.'
À Noël 1993, première alerte, la communauté reçoit la visite d'un groupe du GIA. Dès lors, 'peu à peu les uns et les autres font le choix du don de leur vie.' 'C'est une histoire de fidélité, c'est une histoire d'amour, ils ont donné leur vie librement, ils avaient le choix, ils pouvaient partir, ils sont restés. 'Ma vie nulle ne la prend, c'est moi qui la donne' dit le Christ (*), ça vaut pour eux, ça vaut pour nous aussi d'ailleurs...'
(* Jn 10, 18)
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