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Juifs et chrétiens, lire ensemble la Parole de Dieu : la discrète association Davar fête ses 40 ans

Juifs et chrétiens, lire ensemble la Parole de Dieu : la discrète association Davar fête ses 40 ans

Un article rédigé par Odile Riffaud - le 25 juin 2025 - Modifié le 28 juin 2025
Connaître le judaïsmeDavar, 40 ans d'étude de la Parole de Dieu entre croyants juifs et chrétiens

Lire et interpréter les Écritures ensemble, juifs et chrétiens : c’est la raison d'être de l'association Davar, qui fête ses 40 ans en 2025, et dont la prochaine session a lieu début juillet près d'Orléans. 40 années au cours desquelles des liens d'amitié et de confiance ont pu être tissés, loin des caméras et des micros - l'association cultive une certaine discrétion. Des liens suffisamment forts pour que l'on puisse approfondir tout type de sujets, même les plus sensibles. 

Frère Louis-Marie Coudray est le président de l’association Davar. Il est aussi le supérieur de l’abbaye bénédictine d’Abou Gosh et consulteur au Vatican pour les relations avec le judaïsme. ©CiricFrère Louis-Marie Coudray est le président de l’association Davar. Il est aussi le supérieur de l’abbaye bénédictine d’Abou Gosh et consulteur au Vatican pour les relations avec le judaïsme. ©Ciric

En hébreu, "davar" signifie "parole" ou "événement". La principale activité de l’association Davar, ce sont les sessions qui se tiennent chaque été. La prochaine a lieu du 1er juillet au 8 juillet à Nouan-Le-Fuzelier, près d’Orléans, où l’association est accueillie par la communauté des Béatitudes. Huit jours pour prendre le temps, d’abord de vivre ensemble, juifs et chrétiens. "Tout le monde se rend compte que c’est quand même rare dans sa vie de vivre avec une semaine avec des personne d’une autre tradition !" suggère Frère Louis-Marie Coudray, président de l’association Davar. Il est aussi le supérieur de l’abbaye bénédictine d’Abou Gosh et consulteur au Vatican pour les relations avec le judaïsme. Il est intervenu dans l'émission Connaître le judaïsme, un entretien réalisé le 11 juin 2025, avant les premières frappes israéliennes en Iran.

Aux sessions Davar, pouvoir aborder tous les sujets

À Davar, on partage des repas cacher, ceux qui le souhaitent font le shabbat, prient ensemble et assistent à la messe du dimanche… "Il ne s’agit pas de perdre son identité dans le dialogue", précise Frère Louis-Marie Coudray. Parmi les participants, on trouve "tous les profils" avec "une hausse de la moyenne d’âge", admet Frère Louis-Marie Coudray, qui insiste sur la liberté d’accueil. "Ce sont des personnes questionnées par le judaïsme, par notre rapport au judaïsme."

En 2025 la session a pour thème : "Le sacrifice : tour à tour idéal de noblesse et puissance de destruction". Le sacrifice est "un élément important dans la spiritualité chrétienne", justifie Frère Louis-Marie Coudray - c'est ainsi qu'est présenté la mort de Jésus sur la croix. Le président de Davar identifie dans l’actualité "une perversion du sens du sacrifice par des choses comme les attentats suicides". Qu’est-ce que le sacrifice par rapport à Dieu ? Par rapport à l’humanité ? "Toute relation humaine est aussi basée un peu sur une forme de sacrifice, observe Louis-Marie Coudray. Je vais renoncer à une partie de moi-même pour entrer en relation avec l’autre."

Si les sessions Davar osent des thèmes percutants – "D’où vient le mal ?" pour la session 2024, c’est justement parce qu'on prend le temps d'en parler. Et "comme ça fait quarante ans que nous travaillons ensemble et que nous sommes en confiance, on touche des sujets beaucoup plus sensibles et qui touche la différence de nos identités", se réjouit le président de Davar. Il admet volontiers "un côté laboratoire". Une libre parole hors réseaux sociaux, sans captation audio ou vidéo. "L’association a une certaine discrétion… On peut ouvrir sur des hypothèses ou sur des questions qui hors contexte pourraient être mal interprétées ou mal comprises."

 

Juifs et chrétiens, interpréter ensemble les Écritures

En hébreu, "davar" signifie "parole" ou "événement". L’association du même nom a été créé en 1985, pour poursuivre les sessions d’hébreu biblique que proposait le Père Maigret. "C’est très important de pouvoir lire la Parole de Dieu avec l’hébreu parce que vous avez une richesse de sens, une richesse des jeux de mots. Comme on sait, une traduction est toujours une trahison, peut-être encore plus pour la Bible."

Il y a la lecture de l’hébreu biblique mais aussi la méthode juive d’interprétation des textes, "une approche totalement différente que la nôtre", décrit Frère Coudray, "sachant que dans le judaïsme l’étude est quelque chose qui est fondamental et donc ils y ont une culture biblique que nous sommes loin d’avoir, que nous sommes très loin d’avoir !"

Ajouté à cela le fait que côté chrétien, "nous avons parfois une lecture trop christologique, ça ne retire au rien au fait que nous croyons au Christ et que nous avons accès au texte par lui, mais en deçà de la lecture christologique du Premier Testament, vous avez toute la richesse du texte en tant que tel. Donc vous découvrez un tout un univers, on va dire."

Au cours des huit jours de session, une dynamique se met donc en place entre les participants et les quatre conférenciers, juifs et chrétiens, qui alternent leurs interventions. "Ce n’est pas une partie de ping-pong, précise toutefois le président de l’association. Ce qui est très enrichissant, c’est d’entendre à la fois le point de vue de l’autre, et comment la perception de l’autre me questionne moi-même sur ma propre tradition. Cela m’oblige à la fois à un travail de connaissance de l’autre et de connaissance sur ma propre tradition."

 

Connaître le judaïsme, c’est "fondamental" pour un chrétien

"Davar" est aussi l’acrostiche de "dialogue et alliance de vie de l’arbre et de la racine". Il est courant dans le monde chrétien de considérer que symboliquement la tradition chrétienne est comme un arbre dont les racines sont la tradition juive. Une allégorie inspirée de la Lettre de saint Paul aux Romains : "Toi qui étais par ton origine une branche d’olivier sauvage, tu as été greffé, malgré ton origine, sur un olivier cultivé" (Rm 11, 24). Comme le souligne, le président de Davar, "un arbre qui serrait coupé de ses racines, je n’ai pas besoin de vous faire un dessin, il meurt."

Pour un chrétien, il est donc "fondamental", estime Frère Louis-Marie Coudray, d’aller à la découverte de la tradition juive. Pas seulement en raison de l’identité juive de Jésus, qui incite à découvrir le judaïsme de son temps. S’intéresser au judaïsme c’est aussi comprendre en quoi Jésus est le Messie, une notion intrinsèquement liée à l’histoire de l’Alliance entre Dieu et le peuple d’Israël, que raconte l’Ancien Testament. "Le pape saint Jean-Paul II l’a dit lui-même, ajoute Louis-Marie Coudray, le rapport au judaïsme ne nous est pas extrinsèque il nous est intrinsèque. C’est notre identité elle-même qui est en cause. Donc je dirais, tout chrétien normalement devrait connaître le judaïsme."

Détacher la notion de messie du judaïsme, cela revient à "transformer Jésus en un idéologue, un gourou ou en tout ce que vous voulez, prévient le président de Davar. Quelque part, vous le désincarnez, paradoxalement. Si vous oubliez que son incarnation s’est passée dans un peuple bien particulier et que Jésus ne pouvait être que juif puisque c’est la continuation de l’histoire du salut."

Depuis Vatican II, dont on célèbre les 60 ans en 2025, l’Église reconnaît que l’Alliance de Dieu avec le peuple juif n’est pas révolue. "Le peuple juif continue de vivre, et de vivre dans la fidélité à la foi de ses Pères. Et ils le paient très cher au cours de l’histoire, on le sait. Et donc quel est le sens pour nous ? Qu’est-ce que ça veut dire pour nous en tant que chrétiens que nous ayons à côté de nous la communauté juive qui est fidèle à l’Alliance ? Qu’est-ce que ça nous pose comme questions ?"

 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Connaître le judaïsme
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