Jean Le Vacher, prêtre et martyr chez les Barbaresques
Le père Jean Le Vacher est une figure singulière des relations entre la France et le Maghreb. Missionnaire lazariste, le père Vacher est diplomate, consul de France à Tunis puis à Alger. Son action auprès des esclaves chrétiens notamment a impressionné au-delà de la communauté chrétienne. Cette histoire méconnue est racontée par Geneviève Chauvel, journaliste, ancien reporter de guerre, écrivain, auteur de Mission en terre barbaresque (Artège).
L'exécution de Jean Le VacherSi de nos jours la Méditerranée est un grand cimetière pour les migrants, elle fut pendant longtemps un calvaire des Européens.
Les pirates "barbaresques"
Au XVIe et au XVIIe siècles, les « barbaresques » ratissent les côtes, pillent, incendient les les villages et surtout en déportent les populations, afin de les réduire en esclavage dans les bagnes d’Afrique du nord. Toute l’économie de cette lointaine région sous domination ottomane reposait sur le travail forcé d’Européens capturés en mer ou sur le rivage. Saint Vincent de Paul lui-même, dans sa jeunesse, en fut victime, lorsqu’en 1605, alors jeune prêtre âgé de 24 ans, il s’embarque à Marseille pour se rendre à Narbonne, puis à Castres. Son bateau est attaqué. Il est pris avec d'autres passagers et vendu comme esclave à Tunis, où il restera deux ans en captivité. Là-bas, il change plusieurs fois de maître. Le dernier est un ancien moine français converti à l'islam, installé dans les montagnes tunisiennes. Bouleversé par la foi et la droiture de Monsieur Vincent, il finit par se reconvertir au christianisme, et s’enfuit avec lui vers la France.
Jean Le Vacher, prêtre et diplomate
Né en 1619 à Ecoyeux, près de Saintes, en Charente-Maritime, Jean Le Vacher est issu d'une famille protestante convertie au catholicisme. Ordonné prêtre en 1641, il devient missionnaire lazariste deux ans plus tard, à l’âge de 24 ans. En 1647, saint Vincent de Paul l’envoie pour secourir les esclaves chrétiens dans les régences barbaresques.
Jean Le Vacher n’est pas seulement prêtre. Il est aussi un diplomate, médiateur et homme de paix, respecté jusqu’aux plus hauts cercles du pouvoir musulman. Son action s’inscrit dans un cadre politique ancien : les capitulations franco-ottomanes signées dès 1536 par François Ier avec Soliman le Magnifique. Ces traités accordent alors aux ressortissants français en terre d’islam des privilèges juridiques, commerciaux et religieux. Ils autorisent la France à protéger les chrétiens d’Orient et les captifs européens. C’est en vertu de ces accords que Jean Le Vacher, bien qu’ecclésiastique, assume une fonction diplomatique.
Un Européen écouté en terre d'islam
Dès son arrivée à Tunis, puis à Alger, il s’engage auprès des captifs européens, célèbre la messe en cachette, soigne les malades, écrit aux familles des prisonniers. Ses qualités impressionnent au-delà de la communauté chrétienne. Les émirs, les raïs, les dey eux-mêmes reconnaissent en lui un homme juste. Ils apprécient sa droiture, son impartialité et son courage face à la misère. Le consul-prêtre n'est pas un adversaire : il est un interlocuteur loyal, parfois même un arbitre. Plusieurs fois, son entregent désamorce des tensions explosives entre la France et les régences. "Il était écouté comme peu d’Européens l’étaient en terre d’islam", écrit la journaliste Geneviève Chauvel.
Mais cette position d’équilibre est fragile. En 1683, la marine française bombarde Alger. La population, en colère, réclame vengeance. Jean Le Vacher, fidèle à son devoir, refuse de fuir. Comme Pilate, le Dey, brisé entre pressions politiques et colère populaire, cède : l'homme qu’il estime est condamné. Le 16 juillet, Jean Le Vacher est attaché à la gueule d’un canon — la Consulaire — et pulvérisé avec d’autres otages.
Son martyre glace mais son souvenir reste.


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