"Heureux, vous les pauvres. Mais quel malheur pour vous..." (Lc 6, 20-26)
"Heureux, vous les pauvres. Mais quel malheur pour vous, les riches"
Méditation de l'évangile (Lc 6, 20-26) par le père Bernard Devert
Chant final: "Il disait: Heureux les pauvres" par l'ensemble vocal Resurrexit
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là,
Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara :
« Heureux, vous les pauvres,
car le royaume de Dieu est à vous.
Heureux, vous qui avez faim maintenant,
car vous serez rassasiés.
Heureux, vous qui pleurez maintenant,
car vous rirez.
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent
et vous excluent,
quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable,
à cause du Fils de l’homme.
Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie,
car alors votre récompense est grande dans le ciel ;
c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches,
car vous avez votre consolation !
Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant,
car vous aurez faim !
Quel malheur pour vous qui riez maintenant,
car vous serez dans le deuil et vous pleurerez !
Quel malheur pour vous
lorsque tous les hommes disent du bien de vous !
C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Source : AELF
Méditation Père Bernard Devert
« Heureux les pauvres de cœur ». Des pauvres, vous en aurez toujours, dit le Seigneur.
Notre Maître serait-il fataliste ? Aucunement. La pauvreté perdurera tant que nous n’aurons pas compris la nécessité de vivre les Béatitudes : « heureux les artisans de paix, de justice, de miséricorde ».
Le Seigneur lors de l’appel à ses disciples leur donne ce « passeport de la vie » que sont les Béatitudes, clés pour se détourner des illusions qui envahissent les cœurs, jusqu’à les obscurcir.
Maurice Blanchot dans son livre, « l’entretien infini », a le sens du mythe de l’illusion du plein qui ne dure qu’un instant. Pour lui, naître, c’est, après avoir eu toutes choses, manquer soudain de toutes choses et d’abord de l’être… C’est toujours auprès du manque et de son exigence que se forme, ajoute-t-il, le pressentiment de ce qu’il sera. Alors une nouvelle histoire commence.
A ne vouloir manquer de rien, sauf à s’étourdir ‑ et l’auteur de la déchéance, le diabolos, s’y emploie subrepticement et subtilement ‑ nous trahissons l’Evangile. Souvenons-nous du récit de la tentation au désert, « rien ne te manquera, absolument rien ».
Ce « rien », présenté comme un tout, apparaît à Jésus pour ce qu’il est, absurde. Pour nous qu’en est-il ?
Que propose Jésus : c’est de s’ouvrir au manque ; je ne vous propose rien de ce qui pourrait vous combler au regard des attentes du monde. Habitez, nous dit-il, ce manque qui, seul, permet de se rapprocher de ce qui est essentiel, sans se payer de mots.
Quel malheur pour vous lorsque les hommes disent du bien de vous, c’est que vous les avez rejoints. Sans doute parlons-nous des Béatitudes mais les vivons-nous. La crise spirituelle n’est pas indifférente au fait que nous sommes trop en distance du manque.
Quand les Béatitudes ne sont pas vécues se dessine un vide que le monde s’empresse de combler, pour considérer juste ce qui est fort.
Zundel a cette méditation : « Christ déplace nos repères et nous met en déséquilibre ».
« Nous avons perdu nos maisons et donc la familiarité de nos vies quotidiennes. Nous avons perdu notre travail et donc la confiance d’avoir une quelconque utilité dans le monde. Nous avons perdu notre langue et donc la naturalité de nos réactions. Nous avons laissé derrière nous des proches dans des ghettos ».
Ce texte d’Hannah Arendt, « nous réfugiés », ne traduit-il pas aujourd’hui la situation de centaines de milliers et plus encore, de frères et de sœurs confrontés à ce manque, se révélant un appel à être à leurs côtés.
Or, que d’oppositions, pour le moins d’indifférences, voire de lâchetés, pour avoir peur de vivre les Béatitudes.
Oui, la Parole du Seigneur est une Parole de feu. Il Lui tarde que nos cœurs soient incendiés par son amour. En éprouvons-nous le manque.
Des mots diront certains. Sûrement, dès lors qu’ils ne trouvent pas en nous une résonnance qui transforme et transfigure.
A l’’écoute du cri des pauvres nous entrevoyons la démesure de ce qui leur manque et aussi ce qui nous manque pour les rejoindre vraiment.
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