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Grandir en humilité, un paradoxe ?

Un article rédigé par Béatrice Soltner - RCF,  - Modifié le 3 septembre 2021

"Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue" (Jn 3, 30). Cette parole célèbre de l'apôtre Jean résume un point fondamental de la vie chrétienne, qui est un véritable paradoxe : c’est en s’abaissant que l’on grandit spirituellement. L'humilité parcourt toute la tradition chrétienne depuis les Pères de l'Église jusqu’aux écrits des grands saints. Fasciné depuis l'enfance par cette humilité chrétienne, Benoît Standaert a écrit "Journal de l'humilité" (éd. Salvator). Le fruit d'une réflexion intellectuelle et d'une quête spirituelle profonde, nourrie de rencontres.

©M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC©M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC

 

L'humilité est quelque chose qu'on réalise dans la mesure même où on se laisse faire et agir et transformer par le Christ et par Dieu - par la main de Dieu

 

 

La kénose, vision chrétienne de l'humilité

 

"Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes." (Ph 2,5-7)* Ainsi saint Paul définit-il la kénose, du grec kenosis qui signifie "vide" ou "dépouillé". La kénose est une notion de théologie chrétienne qui désigne le dépouillement par lequel le Christ est allé jusqu'à la mort sur la croix, c'est-à-dire jusqu'à "lignominie et la malédiction", comme le souligne le Fr. Standaert. "C'est parce qu'il est allé avec cette qualité-là jusqu'au bout que Dieu l'a exalté au-delà de tout."

 

L'humilité est en effet l'un des traits de caractère du Christ, comme il le dit dans l'Évangile de Matthieu, où Jésus fait ainsi son autoportrait : "Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme." (Mt 11, 28-29)*

 

L'humilité, fruit de l'effort ou de la grâce ?

 

L'humilité est-elle une grâce ou le fruit d'un effort de la volonté ? Comme l'a monté le philosophe allemand Max Scheler (1874-1928), un juif convertit au christianisme que cite Fr. Standaert, si on veut obtenir l'humilité on est sûr de la rater... Néanmoins, c'est un bon et un beau désir que celui de l'humilité !

 

En fait, devenir humble est un travail de d'ouverture à Dieu, "de manière à ce qu'il puisse me conduire là où lui veut". Pour le théologien, "dès qu'on est en humilité on n'est plus dans l'antithèse effort ou grâce : en humilité, tout est grâce et tout est effort, on se donne constamment". "L'humilité est quelque chose qu'on réalise dans la mesure même où on se laisse faire et agir et transformer par le Christ et par Dieu - par la main de Dieu."

 

 

Quand plus rien n'atteint l'humble

 

Dans cet exercice de descente qu'est l'humilité chrétienne, faut-il aller jusqu'à vouloir se dépouiller de notre instinct de conservation ? "Cet instinct est une force vitale fondamentale essentielle pour vivre", rappelle le bénédictin. Mais d'après lui, ce qu'il a pu lire et constater chez certaines personnes de sa communauté, "l'humble n'est plus atteint par cette menace qui écraserait ou perforerait l'instinct vital de conservation".

 

Il arrive d'ailleurs que ce soit après l'épreuve que certaines personnes aient ce déclic intérieur. Où "on ne mise plus sur l'autodéfense mais on entre dans cette capacité d'intégrer tout et tous". Ainsi va l'homme spirituel, "il  cesse d'appuyer sa vie spirituelle sur ce premier instinct, cette conservation."

 

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