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Exil des Judéens à Babylone et retour à Sion : que dit la Bible ?

Exil des Judéens à Babylone et retour à Sion : que dit la Bible ?

Un article rédigé par Madeleine Vatel, avec OR - RCF, le 17 juillet 2025 - Modifié le 21 juillet 2025
La Bible nous parleDéportation du peuple hébreu : un tournant majeur dans l'Écriture

"Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite m'oublie !" peut-on lire dans les Psaumes. C'est toute la douleur des Judéens déportés à Babylone, qui est exprimée. Leur expérience, tout comme le retour des exilés à Sion, représente un tournant majeur dans l'histoire du judaïsme. Que dit la Bible de l'exil ? Quelle lecture chrétienne peut-on en faire ?

James Tissot, La Fuite des prisonniers, vers 1896-1902 ©wikimédia commonsJames Tissot, La Fuite des prisonniers, vers 1896-1902 ©wikimédia commons

Ce qu'il faut retenir :

  • Que dit la Bible de l'exil des Judéens à Babylone ?
  • Comment l'épreuve de l'exil a modifié la religion juive
  • Quel regard chrétien sur cet épisode central de la mémoire juive ?

Dans quelle mesure l’exil à Babylone a-t-il été déterminant dans l’écriture des textes de l’Ancien Testament ? Cela s'est passé entre 597 et 538 avant notre ère, les élites du royaume de Juda ont été déportés en Mésopotamie après la défaite face aux armées de Nabuchodonosor II. Et durant cette période, le Temple de Jérusalem a été détruit en 586. Les Psaumes en particulier témoignent de la douleur du peuple en exil. 

Dans La Bible nous parle, Madeleine Vatel reçoit Anton van der Lingen, docteur en théologie, pasteur de l’Église protestante des Pays-Bas, ancien élève de l’École biblique et archéologique de Jérusalem (Ebaf). Il est l'auteur de "L'exil à Babylone : une crise salutaire" (éd. Olivétan, 2024). Il propose une interprétation chrétienne de cette période essentielle dans l'histoire et la mémoire du peuple juif, et que l'on retrouve dans certains textes de la Bible.

L’exil dans l’histoire du peuple juif

On sait peu de choses de la vie des Judéens en exil à Babylone. Peu de textes en parlent. "Dans la Bible, on ne se réfère presque pas à l’exil", observe Anton van der Lingen. Le Psaume 137 (136), appelé aussi "Chant d’exilé", exprime la douleur des déportés. Il a inspiré Verdi et son célèbre Chœur des esclaves, dans l’opéra "Nabucco" (1842). 

"Mais est-ce que ça c’était la réalité ? Je ne pense pas, nous dit le théologien. Je pense qu’aussitôt qu’ils ont compris qu’il fallait rester là-bas très longtemps, comme les prophètes l’ont annoncé, ils ont commencé à construire." Il semble que les Judéens n’aient pas été réduits à l’esclavage. "Ils avaient des obligations, nuance le théologien, les Babyloniens leur ont donné des terres pour construire des villes, pour faire des champs."

Dans l’épreuve, les Judéens ont donc construit, "ils ont recommencé à faire quelque chose", indique Anton van der Lingen. La déportation et l’assimilation ont été des moyens d’anéantir un peuple – c’est ce qui est dit par exemple au sujet de la déportation des dix tribus d’Israël en Assyrie vers le VIIIe avant notre ère. Mais les exilés de Babylone, eux, "ont survécu de cette manière à l’attaque vers leur passé, leur présent et vers leur avenir. C’est l’esprit, la confiance que Dieu était avec eux à cet instant."

 

L’exil et la mémoire juive

La déportation à Babylone tient une importance considérable dans la mémoire juive. Elle est considérée comme le point de départ de la vie en diaspora et de la condition exilique. À l’époque antique cela signifiait notamment vivre loin du Temple de Jérusalem. Et même, une fois le Temple détruit, trouver une façon de pratiquer sa religion sans le Temple. La notion de galuth renvoie à l’idée d’une tension, qui peut être féconde, que l’on éprouve en vivant loin de chez soi ou des siens.

En 538 avant notre ère, le roi perse Cyrus II a permis le retour d’exil. Les populations restées sur place et les exilés de retour sur leurs terres ont eu besoin de nombreuses années et "peut-être des siècles" pour redevenir un peuple unifié autour de pratiques sociétales et religieuses. "J’ai même osé décrire que le culte dans le Temple bien que détruit a continué d’une manière ou d’une autre."

De la vie à Babylone est né un corpus de textes majeur du judaïsme rabbinique, le Talmud de Babylone, qui constitue encore aujourd’hui une source scripturaire essentielle, aux côtés du Talmud de Jérusalem.

 

Connaître le judaïsmeUne religion du livre : le Talmud et autres grands textes du judaïsme (1/2)

Regard chrétien sur l’exil

L’épreuve de l’exil et de la destruction du Temple a posé pour les Judéens la question du rapport à Dieu. Dieu a-t-il abandonné son peuple ? Comment intégrer cela dans l’histoire ? "Dieu est fidèle à son peuple, à ceux qui croient en lui, commente le pasteur, c’est devenu très, très clair pendant l’époque de l’exil."

Pour les chrétiens, l’exil enseigne que "l’on est toujours en voyage". Et "qu’il faut toujours réinventer ou inventer des réponses croyantes aux questions qui intiment les personnes. Il faut toujours se retrouver avec les traditions, discuter ensemble de ce qui est le plus important." Et que l’on est finalement "toujours en route pour l’avenir, pour le Royaume de Dieu".

On peut ajouter que les prophètes tiennent une place essentielle dans le Premier Testament. "En route il y a toujours des gens qui nous avertissent, il faut les écouter, remarque Anton van der Lingen. Il nous manque cet esprit prophétique, oser regarder un peu plus loin." Le théologien regrette ainsi que "les Églises ont de plus en plus peur de l’avenir et deviennent plus conservatrices, par peur de perdre des croyants. Si le pauvre Jérémie avait pensé à ça, ses paroles auraient disparu !"

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
La Bible nous parle
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