Évangéliser aujourd’hui : une parole qui se respire plus qu’elle ne s’impose
Qu’est-ce que l’évangélisation aujourd’hui ? Le pasteur Luc-Olivier Bosset, responsable national de l’évangélisation à l’EPUDF, éclaire la beauté, la liberté et la mission de l’Évangile dans notre monde contemporain.
Le sermon sur la montagne, dans l'église Saint-Martin de Castelnau-d'Estréfonds © Robert Arsène"L’évangélisation, c’est un mot qui fait peur", reconnaît d’emblée le pasteur Luc-Olivier Bosset, responsable national de l’évangélisation à l’EPUDF. Peur, suspicion, confusion : le terme évoque pour beaucoup un prosélytisme agressif, une parole imposée. "Pourtant, poursuit-il, l’évangélisation reste la première mission de l’Église." Alors que les synodes régionaux s’interrogent sur la mission universelle de l’Église, une question se pose avec acuité : comment évangéliser au XXIᵉ siècle ?
"L’évangélisation, ce n’est pas une imposition : c’est un parfum"
Pour Luc-Olivier Bosset, tout commence par une définition débarrassée des malentendus :
L’évangélisation a mauvaise presse parce qu’elle évoque la coercition, l’imposition, le besoin de transmettre absolument la bonne parole. Pour moi, c’est tout l’inverse. L’évangélisation, ce n’est pas quelque chose qu’on impose, c’est un parfum qu’on respire.
Il décrit un mouvement intérieur, presque organique.
Il faut respirer une saveur… une douceur qui émane de l’Évangile. Être fécondé par sa beauté.
Une beauté qui n’a rien de mielleux ou de décoratif.
La beauté, c’est ce qui nous émeut, ce qui nous saisit aux entrailles quand on contemple quelque chose de simple et de vrai. Dans l’Évangile, il y a quelqu’un qui dit ce qu’il pense et qui fait ce qu’il dit. Cette cohérence, cette simplicité de vie, c’est comme une eau de source qui jaillit.
Évangéliser, dès lors, n’est pas réciter une formule.
C’est porter en soi cette beauté, et mettre au monde une parole capable d’annoncer la Bonne Nouvelle.
L’expérience avant les mots : "La première personne évangélisée, c’est soi-même"
On imagine souvent l’évangélisation comme un discours calibré, des phrases toutes faites apprises par cœur. Le pasteur nuance immédiatement :
Ce n’est pas d’abord un discours. C’est une expérience. Une maturation. La première personne à être évangélisée, c’est soi-même.
Il décrit ce moment mystérieux où une parole touche, reste, infuse.
Quelque chose nous saisit. On n’y pense pas toujours, mais cela provoque en nous une transformation. On la porte intérieurement, comme une graine qui grandit. Puis, un jour, ça éclot dans une conversation, tout simplement.
Témoigner naît alors d’une rencontre, d’une parole qui fait sens.
Partager, c’est donner goût. Témoigner, c’est inviter… et cela suppose une véritable rencontre.
Mais au fond, quelle est cette "Bonne Nouvelle" ?
Le mot "évangile" signifie littéralement "bonne nouvelle". Mais laquelle ?
"La Bonne Nouvelle, c’est que le Christ nous rend libres", affirme Luc-Olivier Bosset.
"Libres du désespoir. Le Christ a annoncé un amour crédible, qui est allé jusqu’au bout. Parce qu’il est crédible, je peux m’appuyer sur lui pour ne pas me laisser impressionner par ce qui me dépasse. Il n’y a rien de plus puissant que cet amour-là."
Et cet amour transforme le regard que l’on porte sur soi :
Le Christ dit : ta valeur ne dépend pas de ce que tu as fait, ni d'un nombre de followers sur les réseaux sociaux, ou quoi que soit d'autre. Elle dépend d’un regard plus profond, qui donne une liberté immense et une joie qui n’écrase rien de la vie mais permet de l’apprécier autrement.
Mission et Église : une inversion de perspective
Dans les Églises, une confusion apparaît souvent : l’Église aurait une mission.
En réalité c’est l’inverse, souligne le pasteur. L’Église est au service de la mission.
Une nuance de taille.
Les communautés, marquées par des décennies de gestion, de bâtiments à entretenir, de traditions installées, en viennent parfois à perdre de vue l’essentiel.
On dépense beaucoup d’énergie à entretenir des structures devenues trop grandes. On oublie pourquoi on est là. La mission, c’est retrouver la raison d’être. Se demander non pas comment faire, mais pourquoi.
La rencontre avec d’autres Églises, d’autres contextes, peut alors rallumer quelque chose :
Ça réveille le souffle. Ça redonne vision et dynamisme.
La mission : plus vaste que l’évangélisation
Si évangéliser fait partie de la mission, elle ne l’épuise pas.
La mission, c’est résonner à la mission même de Dieu. Ça demande une grande humilité. La vraie question est : est-ce que ce que nous faisons est en phase avec la mission de Dieu ? Sommes-nous en train de suivre le Christ… ou simplement de vouloir sauver l’Église ?
Le pasteur renvoie au Sermon sur la montagne comme "mode d’emploi" spirituel. Monter et prendre du recul, surmonter les obstacles. S’asseoir et regarder, contempler, écouter, discerner. Enseigner, seulement ensuite, une parole peut être donnée.
L’évangélisation passe par ces trois mouvements. Elle commence dans le silence, la montée, l’écoute. Et seulement alors une parole juste peut être partagée.
Évangéliser au XXIᵉ siècle : une invitation plus qu’un discours
Loin des slogans, loin de la pression, loin de la peur, l’évangélisation devient ce que le pasteur Bosset appelle une mise au monde.
Un geste humble, nourri de beauté, d’expérience intérieure, de liberté retrouvée.
Une parole qui n’oblige personne, mais qui peut ouvrir une fenêtre.
Évangéliser, c’est donner goût. C’est proposer, jamais imposer. C’est dire que l’espérance existe. Et que la joie est possible.


L’émission est une carte blanche à l’Église protestante unie de France : regard protestant sur un thème de société, d’actualité, de culture, d'art.




