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Être indifférent à Dieu, est-ce être athée ?

Être indifférent à Dieu, est-ce être athée ?

Un article rédigé par Maxime Cossé et Madeleine Vatel - le 23 mai 2025 - Modifié le 25 mai 2025
Je pense donc j'agisÊtre indifférent à Dieu, est-ce être athée ?

À l'époque marxiste, tout le monde savait ce qu'était l'athéisme. Aujourd'hui, les grandes lignes de cette notion théologique ont bougé, et ceux qui ne croient plus en Dieu ne rejettent pas forcément les religions. Qui sont les athées aujourd'hui, quels sont leurs profils ? Comment définit-on l’athéisme contemporain ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Madeleine Vatel et Melchior Gormand.

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Ce qu'il faut retenir :

  • Dans l'une de ses premières interventions, le Pape a dénoncé la foi en Christ superhomme, qui émerveille. A une époque où le sentiment de transcendance se libère des religions, il interroge sur le lien entre foi et pratique.
  • L’indifférence religieuse est analysée comme le stade ultime de la sécularisation
  • Les grandes crises existentielles ramènent souvent à des questions spirituelles
  • Le Christianisme comme "la religion de la sortie de la religion" selon les termes de Marcel Gauchet dans son ouvrage le "Désenchantement du Monde" (1985)

“Il existe des contextes où Jésus, bien qu'apprécié en tant qu'homme, est réduit à une sorte de leader charismatique ou de super-homme”. Les interrogations demeurent sur cette phrase du Pape Léon XIV. Qu'a voulu dire le nouveau Pape sur la foi d'aujourd'hui ?  

A ceux qui pense que le Christ est un simple maitre de sagesse, le Pape est venu redire la puissance de Jésus, homme et Dieu. “On est véritablement un catholique si l’on croit que Jésus-Christ est le Messie, le sauveur de l’humanité. Si on ne croit pas en cela, on est un athée de fait”, définit Jacqueline Lalouette. Cette historienne est spécialiste de la libre pensée, de la laïcité et de l’anticléricalisme à la fin du XIXe et au début du XXe.

Les limites floues de l’athéisme

“Les frontières entre les croyants et les non-croyants semblent aujourd’hui beaucoup plus floues”, estime Jean-Marie Donegani, professeur émérite de sciences politiques et psychanalyste. “On est beaucoup moins dans une logique d’appartenance que dans une logique d'identité”, reprend l’auteur. Pierre Bréchon est professeur émérite de sciences politiques à Sciences Po Grenoble. Il rappelle qu’autrefois, le christianisme était aussi un élément social qui n'impliquait pas forcément une adhésion personnelle”. L’actuel directeur des collections Libre cours Politique aux Presses Universitaires de Grenoble ajoute qu’au Moyen Âge, “on allait plus à la messe pour faire plaisir à la famille et au qu’en dira-t-on du village”.

On est beaucoup moins dans une logique d’appartenance que dans une logique d'identité.

“Aujourd’hui en France, les gens qui vont à la messe une fois par mois, c’est 7 ou 8 % de la population, tandis que ceux qui y vont chaque semaine représentent 2 ou 3 %, détaille Pierre Bréchon. Dans ce contexte, l’Église semble plus indulgente face à l’athéisme. “Il n’y a plus d’attaque aussi frontale qu'autrefois”, explique-t-il. “La condamnation absolue de l’athéisme qu’on trouve encore chez Léon XIII, n’est plus autant marquée”, du fait du recul de la pratique des croyants et de l’avancée de cette frontière floue. Le professeur soutient que “l’inquiétude religieuse n’est pas forcément très forte donc on peut vivre assez tranquillement son indifférence”.

L’athéisme et sa forme militante

“Ni Dieu ni maître”. L'athéisme, lorsqu'il devient militant, semble devenir lui-même une doctrine. Jacqueline Lalouette parle de ces groupes d’athéisme militant, pourtant minoritaires, mais dont les messages sont bien affirmés. “Il y a en France une Union des Athées, qui a été créée en 1970 et qui publie quatre fois par an la Tribune des Athées”, détaille-t-elle. “La Fédération Française de la Libre Pensée, le Comité International des Libres Penseurs, l’Association internationale des Humanistes et des Athées": l'historienne énumère ces associations - certes confidentielles mais qui continuent d'exister - dont le but est de promouvoir l’athéisme. Pierre Bréchon, lui, tempère : “Il y a deux catégories d’associations nationales, il y a celles qui sont sur un versant humaniste, et celles qui sont plutôt anti-religieuses.

Il y a une certaine remontée de l’anticléricalisme ces dernières années. 

Combattre le cléricalisme, c’est-à-dire la prétention des Églises, notamment de l’Église catholique en France, de régenter la vie de l’État et la vie de la société.” , c’est ainsi que Jacqueline Lalouette définit l’anticléricalisme. Si la notion diffère de celle de l’athéisme, sa place dans la société s’est elle aussi élargie au fil des époques. Elle rappelle cependant que ces structures ne vont pas jusqu’à promouvoir leur message publiquement, “il faut les chercher pour les connaître”, ce qui leur confère une moins grande visibilité. “Sont ensuite venues d'autres formes d’anticléricalisme, contre les croyances, contre les dogmes, contre les pratiques de piété et, celui contre les hommes et les femmes du clergé séculiers ou réguliers, et contre les croyants”, estime Jacqueline Lalouette. “Il y a récemment une certaine remontée de l’anticléricalisme avec les affaires d’abus sexuels de ces dernières années, complète Pierre Bréchon. Outre l’anticléricalisme, le professeur rappelle qu’en 1990, seulement 5 % des Français se déclaraient athées convaincus. Aujourd’hui, ils sont le double. 

Quand l’indifférence prend le pas sur la croyance

“Le christianisme est la première religion athée”, interpelle Jean-Marie Donegami. Le psychanalyste rappelle qu’un grand nombre de théologiens de la sécularisation, c’est-à-dire ceux qui prônent la séparation des domaines religieux et publics, considèrent que la religion catholique “nous a débarrassé de l’aliénation religieuse”. En ce sens réside ce qui fait d’elle une religion adaptée au monde moderne. Mais il estime aussi que “la croyance en Dieu a une dimension bouche-trou, c’est-à-dire de la consolation devant les malheurs qui m’atteignent, et ce que je ne sais pas, je peux le mettre sous l'étiquette de Dieu”. Jacqueline Lalouette rapporte le cas de ceux qui croient en Dieu “sans croire aux trois personnes de Dieu”, qu'on appelle la Trinité.

Le christianisme est la première religion athée. 

“Le déclin de la croyance et de la foi est une réalité assez massive”, souligne Pierre Bréchon. “On peut l’expliquer par l’individualisation et par la volonté d’autonomie de l’individu”, constate le professeur en sciences politiques. L’athéisme occupe une place si importante que selon les études, 17 % des Européens se déclarent ainsi, et presque autant disent ne pas avoir de réponse à leur confession religieuse. “Les athées d’indifférence sont ces gens qui se désintéressent de cette question à tel point que, de fait, ils vivent sans Dieu”, relève encore Jean-Marie Donegami.

Comme l’Église, les croyants sont dans le devoir de se montrer plus indulgents face à l’athéisme, considèrent Jacqueline Lalouette. “Je n’aime pas trop qu’on prête aux gens des pensées dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas, c’est une manière d’aller à l’encontre de la liberté de conscience”. Si les catholiques et les athées ne croient pas aux mêmes choses, l’un à Dieu, l’autre à l’absence de Dieu, ils se retrouvent dans l’amour du prochain indissociable de leur humanité. 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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