Est-ce un devoir de pardonner pendant le Carême ?

Le pardon est l’un des enseignements les plus importants de Jésus. Pardonner, c’est ce à quoi encourage le Carême. Et pour les catholiques, le jubilé les exhorte particulièrement à l’indulgence. Mais qu’est-ce que le pardon pour les chrétiens ? Quelle différence entre pardon et réconciliation ?

Le pardon au cœur de l’année jubilaire

Un jubilé c’est tous les 25 ans dans l’Église catholique. C’est le moment pour les fidèles de se demander où ils en sont dans leur vie spirituelle. Et de se demander comment leur foi a évolué au cours des vingt-cinq dernières années. 
L’indulgence et le pardon tiennent une place importante au cours de cette Année sainte. L’indulgence est une grâce du jubilé", a indiqué le Vatican.

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Les catholiques : "prudence" avec le pardon

Le Carême encourage au pardon. Mais les chrétiens savent-ils vraiment de quoi il s'agit ? "Il me semble qu’on entend trop souvent l’exigence du pardon que nous pose Jésus comme : Il faudrait être gentil avec une personne qui nous aurait blessé", observe Frère Jacques-Benoît Rauscher, qui enseigne la théologie morale à l’Université catholique de Lyon (Ucly).

Certes, le pardon tient une place centrale dans l’enseignement de Jésus. Qui n’a jamais entendu parler de cette réponse de Jésus à Pierre qui lui demande s’il faut pardonner jusqu’à sept fois : "Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois." (Mt 18, 22) C’est sans doute pour cela que les chrétiens ont l’image de candides, ceux qui tendent l’autre joue quand on les a giflés. 

Les catholiques devraient être "prudents" avec le pardon, recommande le dominicain. "Il y a des petits pardons qu’on va accorder comme ça. Je crois qu’il y a aussi des gros pardons dans notre vie, dont on ne peut pas parler à la légère. Et il faudrait faire attention comme chrétien de ne pas trop le faire. Quand ça blesse des choses très profondes en nous, ou des personnes blessées par d’autres, on ne peut pas en parler à la légère."

"Jésus n’a pas pardonné à ses bourreaux"

Le pardon dans la Bible, il y a ce que Jésus en dit et la façon dont il le met en pratique. S’il recommande de pardonner de tout son cœur, Jésus n’accorde pas son pardon si facilement. « Peut-être que je vais vous choquer, prévient Jacques-Benoît Rauscher. Sur la croix, lui-même ne pardonne pas à ses bourreaux. Il ne dit pas, Je vous pardonne de tout mon cœur. Il dit : "Père, pardonne-leur'" (Lc 23, 34) Et ça, je pense que c’est très important ! »

Pardonner, nous apprend Jésus, c’est d’abord, pour l’offensé, vouloir que celui ou celle qui a fait du mal "puisse retourner dans cette communion avec Dieu". "Quand quelqu’un ma offensé profondément, la première chose que je peux faire, c’est demander à Dieu de l’accueillir, de l’accueillir dans sa miséricorde."

Le pardon ne signifie pas l’oubli ni l’absence de justice.
On peut prier pour un bourreau et en même temps demander à ce qu’il soit traduit en justice

Pardon et réconciliation, quelle différence ? 

Pardon et réconciliation ne sont pas la même chose. La première étape est de demander à Dieu qu’il pardonne. "Si ça peut conduire à une réconciliation, tant mieux", nous dit Jacques-Benoît Rauscher. Mais parfois, la réconciliation est impossible. "Il y a des gens qui disent, Je n’arrive pas à pardonner ! Ça, c’est psychologique, ça ne signifie pas qu’on ne souhaite pas pour cette personne que Dieu lui pardonne. Or, c’est ça que Jésus nous demande."

Dans le Nouveau Testament, il est dit que Paul, qui avait un tempérament de feu, est entré en conflit avec Barnabé. "On ne nous dit pas ensuite qu’il se sont retrouvés, qu’ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre, note le dominicain. Sans doute, ont-ils pratiqué ce pardon tel que Jésus nous le montre, un pardon de prière, un pardon de capacité à remettre l’autre à la miséricorde de Dieu. Mais qui ne s’est pas nécessairement traduit par un geste amical !"

De même, pardonner n’est pas oublier. Et cela n’empêche pas de demander justice. Quand un garde le gifle pensant sa Passion, Jésus ne lui dit pas qu’il le pardonne. Mais il demande : "Pourquoi me frappes-tu ?" (Jn 18, 23) Pour Frère Jacques-Benoît Rauscher, "le pardon ne signifie pas l’oubli ni l’absence de justice. On peut prier pour un bourreau et en même temps demander à ce qu’il soit traduit en justice".