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Dietrich Bonhoeffer : désobéir aux nazis

Dietrich Bonhoeffer : désobéir aux nazis

Un article rédigé par Madeleine Vatel, avec OR - RCF, le 26 novembre 2025 - Modifié le 29 novembre 2025
Halte spirituelle, l'intégraleDietrich Bonhoeffer : désobéir aux nazis

Le Christ n’appartient à aucun parti et le christianisme ne peut pas être nationaliste. C’est la conviction qu'a portée Dietrich Bonhoeffer toute sa vie. 80 ans après la Shoah, après le procès de Nuremberg, ce pasteur allemand nous enseigne ce qu'est la résistance spirituelle.

Pour Dietrich Bonhoeffer, "l’Église se joue là où il y a une communauté d’hommes et de femmes qui ensemble accueillent la parole de Dieu, qui accueillent l’Évangile" ©wikimédia commonsPour Dietrich Bonhoeffer, "l’Église se joue là où il y a une communauté d’hommes et de femmes qui ensemble accueillent la parole de Dieu, qui accueillent l’Évangile" ©wikimédia commons

En 2025, on commémore les 80 ans de la libération d'Auschwitz, de la fin de la Shoah, et de l’ouverture du procès de Nuremberg, le 20 novembre 1945. Un procès au cours duquel plusieurs hauts responsables nazis ont été reconnus coupables de crime contre l’humanité. Il s’est tenu symboliquement dans la ville qui voyait se dérouler chaque année entre 1933 et 1938 pour le Congrès de Nuremberg de gigantesques rassemblements exaltant le IIIe Reich. Des rassemblements qui semblent si bien illustrer ce qu’est l’endoctrinement et le totalitarisme nazi. Et ce que n’est précisément pas l’Église du Christ, comme l’a dénoncé le pasteur protestant Dietrich Bonhoeffer.

Ce pasteur allemand mort à 39 ans, exécuté le 9 avril 1945 dans le camp de concentration de Flossenbürg, en Allemagne, avait très vite perçu le danger du nazisme pour l’humanité et le tort causé à l’Évangile. Sa lutte contre le totalitarisme nazi au nom du Christ relève d’une vocation, selon Yves Noyer, pasteur retraité de l’Église protestante unie de France (ÉPUdF), auteur du livre "Un chrétien contre Hitler et le régime nazi - Dietrich Bonhoeffer, Dire Dieu dans un monde sans Dieu" (éd. Saint-Léger, 2024).

Le Christ n’appartient à aucun parti

Le christianisme ne peut pas être nationaliste. C’est la conviction qu'a portée Dietrich Bonhoeffer toute sa vie. Dès le 2 février 1933, alors qu’Hitler est arrivé au pouvoir le 30 janvier, il a écrit un texte sur l’évolution du principe du "führer" dans la jeune génération. Pour Yves Noyer c’est le signe que Dietrich Bonhoeffer était "extraordinairement précoce".

Le cadre familial dans lequel il a grandi y est sûrement pour quelque chose. Parents de huit enfants - Dietrich était le sixième - Karl et Paula Bonhoeffer ont cultivé au sein de leur famille "une liberté de pensée, de dialogue". "Il y a du débat en permanence dans cette famille-là." Une famille à la fois cultivée et particulièrement à l’écoute de son temps. Klaus, l’un des frères de Dietrich, a été assassiné par les nazis en 1945. Deux de ses beaux-frères étaient résistants.

Ce qui frappe chez Dietrich Bonhoeffer c’est la "cohérence extraordinaire entre sa vie, sa pensée, son action". Il a écrit de nombreux ouvrages, en français ils ont été publiés aux éditions Labor et Fides. "La pensée de Dietrich Bonhoeffer est difficile à comprendre, admet Yves Noyer, parce qu’elle est détaillée, elle est creusée." S’il a eu des responsabilité officielles - il a dirigé le séminaire clandestin et le vicariat collectif de l’Église confessante jusqu’en 1939 - c’est après la guerre que Dietrich Bonhoeffer a été compris. Et surtout la nécessité de lire ensemble ses textes, comme un corpus harmonieux.

Pour comprendre son combat et la raison de son engagement contre le nazisme, il est essentiel de se pencher sur sa compréhension de la figure du Christ. La conférence missionnaire mondiale d'Édimbourg en 1910, "le point de départ de l’œcuménisme contemporain", avait été le lieu d’une prise de conscience au sein des Églises protestantes que chacune avait jusque-là défend "son" Christ – celui des méthodistes, celui des luthériens, etc. "Et pas d’abord un Christ, si j’ose dire, chrétien. Un Christ qui ouvre l’horizon, qui élargit la pensée, qui élargit l’action, etc." Dietrich Bonhoeffer s’inscrit dans le sillage de cette prise de conscience. Pour lui, le christianisme ne peut pas être nationaliste. Il ne peut pas être revendiqué par un parti.

 

La suite de l'Histoire, l'intégraleNuremberg, le procès du XXème siècle

Comment l’idéologie nazie détruit le christianisme 

C’est au début des années 1930 que s’est affirmée le courant Deutsche Christen (DC), c’est-à-dire des Chrétiens allemands, proches du parti nazi. En réaction, le 21 septembre 1933, est née l’Église confessante, un mouvement clandestin qui refuse catégoriquement le nazisme. Toutefois, "il ne faut pas comprendre l’Église confessante comme une séparation institutionnelle, prévient Yves Noyer. Il y a des pasteurs de l’Église confessante qui seront dans des paroisses des Chrétiens allemands."

Dietrich Bonhoeffer a rejoint l’Église confessante, au sein de laquelle il sera l’un des plus fermes opposants aux chrétiens allemands. Une Église dite confessante car elle "remet au centre la confession de foi, explique Yves Noyer. Une confession de foi qui a des applications dans la vie courante." Son engagement repose sur deux principes fondamentaux. D’abord que "le christianisme ne peut pas se séparer de ses racines juives", résume Yves Noyer. Et ensuite que "la confession de foi doit contenir une affirmation contre une hérésie, celle des Chrétiens allemands."

Le christianisme des nazis est un christianisme "positif", c’est-à-dire empreint de positivisme. "Dans le nazisme, il y a une mutilation voire une destruction du christianisme parce que le christianisme positif des Chrétiens allemands d’une part, et de Hitler d’autre part, c’est un christianisme qui va vers le paganisme." Le christianisme était vu par les nazis comme "un danger pour l’idée du Volk, du peuple, de la nation allemande, de l’espace vital, etc." D’où l’idée que les chrétiens aussi étaient visés par le régime nazi. C’est un christianisme qui efface toute trace de ses origines juives et de l’Ancien Testament. 

Au sein de l’Église confessante, il y a eu des divergences. Ainsi, Martin Niemöller a été critiqué par Dietrich Bonhoeffer pour avoir félicité Hitler quand celui-ci a sorti l’Allemagne de la Société des nations (SDN). "Cela veut dire qu’en effet on replie l’Allemagne sur le Lebensraum, l’espace vital, sur l’idée du Volk, du peuple et l’idée, ô combien fondamentale, du racisme anti-juif, anti-tziganes, anti-personnes handicapées, anti-personnes homosexuelles… C’est tout ça qui est en jeu", rappelle Yves Noyer.

 

Pour Dietrich Bonhoeffer, il n’y a pas de séparation, il y a une distinction mais pas de séparation, entre le Christ et l’Église. L’Église, c’est la traduction incarnée du Christ qui se continue

 

Ce qu’est vraiment l’Église

Quand il déclare que "l’idée d’Église ne se prête pas à l’occasion de solennelles cérémonies", Dietrich Bonhoeffer fait allusion aux grands rassemblements à Nuremberg du parti nazi. Pour lui ce n’était pas là que se jouait l’idée d’Église. "L’Église se joue là où il y a une communauté d’hommes et de femmes qui ensemble accueillent la parole de Dieu, qui accueillent l’Évangile", résume Yves Noyer.

Dans "Vivre en disciple à la suite du Christ" (1937), l’un de ses ouvrages majeurs, Dietrich Bonhoeffer signe un véritable hymne à la vie fraternelle. Un thème qui a marqué sa pensée. "Il a écrit des choses sur le Christ existant en tant que communauté, résume Yves Noyer. Pour Dietrich Bonhoeffer, il n’y a pas de séparation, il y a une distinction mais pas de séparation, entre le Christ et l’Église. L’Église, c’est la traduction incarnée du Christ qui se continue."

L’idée de la "communauté pneumatique, spirituelle", qui se construit par l’action de l’Esprit saint, est centrale chez Dietrich Bonhoeffer. "Le Christ rassemble un peuple messianique et quelque chose d’autre se construit avec l’œuvre du Saint-Esprit, qui fait en sorte que nous soyons unis dans une reconnaissance de la diversité, des dons de la grâce", rapporte Yves Noyer.

Au sein d’une telle société, les chrétiens sont appelés à devenir non pas des individus, "des êtres centrés sur leur nombril", mais des "personnes", soit des êtres qui "acceptent d’être en relation avec d’autres". Si une communauté est proprement spirituelle, "nous ne sommes pas piégés par la jalousie, la haine, le ressentiment".

"Une attitude d’attente passive et de spectateur indifférent n’est pas chrétienne, écrit Dietrich Bonhoeffer. Le chrétien est appelé à l’action et à la compassion non pas seulement pas ses expériences propres mais parce qu’il connait les épreuves de ses frères pour lesquelles le Christ a souffert." Si l’on veut être aujourd’hui des héritiers de Dietrich Bonhoeffer, nous dit Yves Noyer, "il nous faut comprendre que c’est en 2025 que nous devons être insérés dans la société. Mais nous devons l’être comme des porte-parole de cette vie nouvelle, de cette vie partiellement débarrassée de la haine, de l’injustice, etc."

 

Émission Halte spirituelle © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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