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Jésus nous sauve...Mais de quoi ?

Jésus nous sauve...Mais de quoi ?

Un article rédigé par Sophie Robert-Hayek - RCF Jerico Moselle, le 31 mars 2025 - Modifié le 5 mai 2025
Entre midi, entre lorrainsNouveautés à l'école, Jesus nous Sauve & l'Euro marathon de Metz

 

Toutes les deux semaines, Sophie Robert-Hayek, chercheuse en théologie à l'Université de Lorraine, rejoint RCF Jerico Moselle dans l'émission Entre midi, entre Lorrains.

Ce lundi 31 mars, elle parle de la grande question : De quoi Jésus nous sauve-t-il ?

 

Ce sujet vous intéresse? Retrouvez cette chronique juste ici.

 

© Canva© Canva

En plein cœur du Carême, cette période de préparation à la grande fête de Pâques, on entend souvent parler de Jésus comme du "Sauveur". Mais au fond, être un sauveur, ça implique forcément qu’il faut nous sauver de quelque chose, non ? Alors, la grande question du jour : De quoi Jésus nous sauve-t-il ?


Et bien, comme souvent lors de cette chronique, il ne s’agit pas d’une question facile, et la réponse à cette question a profondément évoluée au cours des 2000 ans de théologie chrétienne, et ne fait absolument, encore aujourd’hui, pas unanimité parmi les théologiens chrétiens. Et en effet, si par exemple, l’on regarde le Credo de Nicée, socle partagé par l’ensemble des dénominations chrétiennes, on y lit "pour nous et pour notre salut", sans précision sur de quoi nous devrions être sauvés.
 

Mais ce n’est pas écrit dans la Bible ?


Et non, la Bible, comme dans beaucoup de cas, propose plusieurs réponses à cette question, réponses parfois contradictoires : dans certains passages, on va avoir l’impression que Jésus est offert comme rançon, comme dans les Evangiles synoptiques, et puis parfois, comme étant un sacrifice expiatoire pour les péchés, surtout dans la théologie développée dans les épîtres pauliniennes, ou bien comme étant venu pour vider l’enfer comme dans les épîtres pétriniennes.

 Et donc il est très difficile de proposer une lecture unique du texte et il est très difficile de proposer une théologie du salut, car finalement le Nouveau Testament c’est 27 livres très différents, écrits par au moins des dizaines de personnes différentes, sur presque un siècle. 

Vous avez donc un ensemble de théologies concurrentes qui se mettent en place dès l’Antiquité pour essayer d’expliquer le salut chrétien, c’est à dire de mettre en place une sotériologie, du grec soter, salut, et logie, parole, c’est à dire de proposer un modèle qui permettrait d’articuler à la fois, à la mort de Jésus, son supplice par la Croix, sa descente aux enfers, sa résurrection, et essayer de faire sens de tous ces éléments pour expliquer à la fois de quoi est-ce que Jésus sauve, mais aussi de comment est-ce que sa mort et sa résurrection pourraient permettre le salut.


Et quels sont les modèles Antiques ?


La théologie antique, que l’on nomme théologique ”patristique”, car elle est développée principalement par ceux qu’on appelle les ”Pères de l’Eglise”, les premiers intellectuels chrétiens, vont se focaliser non pas tant sur la crucifixion ou bien sur la souffrance sur la Croix, mais se plutôt sur la mort et la descente aux Enfers. Plutôt que la Passion, c’est ce qu’il se passe entre la mort du Christ et sa Résurrection, ces 3 jours aux tombeaux, qui permet la réparation du cosmos et donc le salut de l’homme. 

C’est lors de ces trois jours que Christ descend en enfer pour détruire le diable, la mort et le péché, et vous avez plusieurs représentations très scéniques, presque mythologiques, de Jésus qui vient détruire le diable au royaume de la mort. Vous avez plusieurs scénarios qui sont développés en fonction des Pères de l’Eglise, plus ou moins grandioses et scéniques : par exemple, vous avez le fait que le diable n’aurait pas reconnu en Christ le Dieu incarné, qu’il a pris pour un homme ordinaire et, le diable en prenant la vie d’un innocent a alors rompu le pacte que Dieu aurait conclu avec lui pour lui permettre de faire souffrir les pécheurs, et il doit alors libérer ses captifs. Ou bien, vous avez certains Evangiles apocryphes qui présentent carrément un combat féroce entre le diable et le Christ. En tout cas, vous avez cette notion que l’Incarnation était nécessaire pour que Dieu descende en enfer pour délivrer l’humain de Satan.

Pour ceux d’entre vous qui ont lu les livres, ou bien vu les adaptations de films, c’est par exemple la théologie qui est développée dans la saga Narnia, Aslan étant l’allégorie du Christ tout au long des différents tomes, qui de manière épique arrive à triompher de ses ennemis qui vont être l’allégorie du mal et du diable.


Et quelle est la vue majoritaire dans la théologie Occidentale ?


Toute la théologie Occidentale est tributaire d’un théologien qui s’appelle ”Anselme de Canterbury” et qui va écrire l’un des livres de théologie les plus influents de l’histoire, le Cur Deus Homo, littéralement ”Pourquoi est-ce que Dieu est devenu homme”. 

Le problème que le Moyen Age a par rapport aux modèles Antiques, c’est la puissance, finalement, qu’ils semblent donner au diable devant Dieu : pourquoi est-ce que Dieu devrait mettre en place une mise en scène si compliquée, alors qu’il devrait pouvoir écraser le diable sans avoir besoin de stratagèmes ? Les médiévaux trouvent Dieu beaucoup trop conciliant avec le diable, et essaie donc de l’enlever complètement de l'équation du salut, et Anselme développe ce que nous appelons maintenant le modèle de la ”satisfaction”.

L’idée derrière cette théorie repose sur les concepts féodaux du milieu de la période médiévale : l’homme doit une dette d’honneur a Dieu de par sa désobéissance à sa volonté. Sauf que dans les sociétés médiévales, les dettes d’honneur sont proportionnelles à la personne dont l’honneur a été bafoue, et à la hauteur de l’offense réalisée à cette personne : dans le cas de Dieu, cette dette est donc infinie, car tout péché bafoue un honneur infini, et l’homme ne pourra donc jamais la rembourser, et là, c’est échec et mat, l’homme est perdu et ne pourra jamais rembourser cette dette d’honneur, et il doit donc être condamné pour l’éternel. 

Alors qui peut rembourser cette dette ? Et bien Anselme nous dit que seulement Dieu peut rembourser cette dette, mais si c’est Dieu qui paie cette dette, et bien ce n’est pas l’homme qui va la rembourser et la situation reste injuste. Finalement, si on fait une bêtise et si c’est nos parents qui remboursent, quelque part justice n’a pas été faîte. Et c’est la qu’intervient l’Incarnation : Dieu s’incarne en Jésus, qui est vrai homme et vrai Dieu, et peut donc payer cette dette infinie à notre place, en offrant en toute liberté sa vie, vu qu’il s’agit du seul homme sans péché et donc non soumis à la mort. Et ce don permet de rembourser notre dette, et permet notre salut.


Et dans le protestantisme, c’est la même conceptualisation du salut ?


La théologie Réformée, portée par Jean Calvin, est héritière directe de la théologie développée par Anselme, mais y rajoute un concept nouveau pour l’époque, celui de la ”substitution pénale”, qui va aussi avec le développement du droit moderne au XVI e siècle : face à la colère infini que Dieu a pour le pécheur face à sa désobéissance, le Christ prend pour lui cette colère, et ainsi souffre à notre place l’immensité des souffrances que nous méritons. Finalement, dans ces modèles, Jésus doit nous sauver de la colère de Dieu ou du moins de sa justice, et le point focal du mystère du salut devient non plus le tombeau, mais la violence et la mort, bien loin des représentations presque mythiques de la théologie orientale et patristique.


Et maintenant ?


Et bien, comme toujours au long de son histoire, la théologie chrétienne est en train de se réinventer, comme elle a su le faire au fil des siècles, pour rester intelligible à nos contemporains. Les concepts de dette d’honneur ou même de colère de Dieu ne nous parlant plus dans un contexte de déchristianisation, vous avez de nouvelles théories qui se mettent en place, comme d’un Dieu venu nous délivrer des injustices sociales dans la théologie de la libération venu d’Amérique du Sud, ou venu nous libérer du non-sens existentiel, comme dans les théologies existentialistes, comme chez Kierkegaard. 

 

Entre midi, entre Lorrains
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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