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Comprendre la théologie des sacrements selon saint Thomas d'Aquin

Comprendre la théologie des sacrements selon saint Thomas d'Aquin

Un article rédigé par Sarah Brunel, avec OR - le 23 juin 2025 - Modifié le 1 juillet 2025
DialogueÊtre et signifier : saint Thomas d'Aquin, penseur de la sacramentalité chrétienne (1/2)

C'est souvent au mois de juin qu'ont lieu les ordinations sacerdotales, l'un des sept sacrements de l'Église catholique. Qu’est-ce qu’un sacrement ? Est-ce un signe de la présence divine ? Que nous permet-il de comprendre de Dieu ? Saint Thomas d’Aquin, dont on célèbre le jubilé en 2025, a développé toute une théologie des sacrements.

Onction avec l'huile sainte lors d'une ordination sacerdotale dans le diocèse de Valence, juin 2025 ©Nicolas Guyonnet / Hans LucasOnction avec l'huile sainte lors d'une ordination sacerdotale dans le diocèse de Valence, juin 2025 ©Nicolas Guyonnet / Hans Lucas

Baptême, confirmation, eucharistie, réconciliation, ordre, mariage et onction des malades sont les sept sacrements de l’Église catholique. Qu’est-ce qu’un sacrement ? De quoi est-ce le signe ? Que nous permet-il de comprendre de Dieu ? Saint Thomas d’Aquin a développé une théologie des sacrements. 

Spécialiste de la pensée de Thomas d'Aquin, Frère Daniel Bourgeois, membre de la fraternité des moines apostoliques d’Aix-en-Provence et curé de la paroisse Saint-Jean-de-Malte fête ses cinquante ans de sacerdoce en juin 2025. Cet enseignant en théologie à l’Institut universitaire Saint-Luc (IUSL) est l’auteur de "Être et signifier - Structure de la sacramentalité comme signification chez saint Augustin et saint Thomas d’Aquin" (éd. Vrin, 2017). Il nous aide à comprendre la théologie thomiste des sacrements.

 

2023-2025 : un triple jubilé saint Thomas d’Aquin

Depuis 2023 et jusqu’à 2025, les dominicains de la province de Toulouse, où son corps est conservé, célèbrent un triple jubilé autour de saint Thomas d’Aquin : les 800 ans de sa naissance (en 1225), les 750 ans de sa mort (en 1274) et les 700 ans de sa canonisation (en 1323). 

Conférences, expositions et concerts organisés à cette occasion, dans le but de faire redécouvrir la vie et l'œuvre de ce dominicain du XIIIe siècle. Si le nom de saint Thomas d’Aquin est connu, il est le plus souvent associé à une pensée complexe, difficilement accessible. 

Aujourd'hui encore, la doctrine catholique est largement adossée à la pensée de Thomas d'Aquin. Ce dominicain et universitaire italien du XIIIe siècle a cherché à approcher le mystère de Dieu en articulant théologie et philosophie, en particulier la pensée d’Aristote, où l’âme et le corps ne sont pas dissociés. Nombreux sont ceux qui à sa suite, se sont réclamés du thomisme ou, au XXe siècle, du néo-thomisme, comme Jacques Maritain.

> En savoir plus sur le jubilé Thomas d’Aquin

 

Deux façons d’approcher Dieu chez saint Thomas d’Aquin

La lecture des textes de saint Thomas d’Aquin est ardue. À ceux qui souhaitent les découvrir, Daniel Bourgeois suggère de commencer par sa "Somme contre les gentils" écrite entre 1259 et 1265 - "contre les gentils" signifie "contre les païens, les nations, ceux qui n’ont pas reçu le baptême et la grâce de la foi", précise Daniel Bourgeois. Thomas d'Aquin y aborde la manière de chercher Dieu par l’intelligence. "On peut éventuellement montrer que Dieu existe, résume le théologien, mais de Dieu on ne peut rien dire avec les seuls attributs de la connaissance."

L’idée que l’on peut approcher le mystère de Dieu "au moyen des seules ressources de l’intelligence humaine" rejoint, selon Frère Daniel Bourgeois, le propre de la pensée moderne. Pensée qui "a comme centre l’Homme. Ça veut dire que l’on n’envisage pas vraiment pour elle-même la question de Dieu."

C’est là une des deux manières d’approcher Dieu pour Thomas d’Aquin, qui la distingue d’une autre approche. Où il s’agit cette fois non pas d’approcher Dieu, "mais de se laisser approcher par Lui". Et où l’on considère que "la foi est une grâce, c’est un don et je n’y suis pour rien".

La théologie thomiste des sacrements

Dans sa "Somme contre les gentils" comme dans sa "Somme théologique" (1266-1272), sa grande œuvre de maturité,  Thomas d’Aquin développe une théologie des sacrements. Il faut partir de l’idée que dans le catholicisme, le sacrement est un événement, un moment où Dieu se révèle à l’humanité. 

Le sacrement est donc par définition un signe de la présence de Dieu. "De même que pour communiquer entre les Hommes, il y a un système de signes, explique Daniel Bourgeois, il faut bien qu’il ait un langage par lequel Dieu s’exprime à moi."

Comme l’a dit le linguiste Émile Benveniste (1902-1976), le mot renvoie à la réalité, il est relation, mouvement. La création est-elle le langage, le signe de Dieu ? Le monde n’est-il qu’une simple représentation de la puissance divine du Dieu créateur ? Frère Daniel Bourgeois parle d’un "rapport mystérieux, vivant, entre Dieu et le monde".

 

Pourquoi Dieu a-t-il voulu - et a-t-il réussi d’une certaine façon - à communiquer ce qu’il est, à dire ce qu’il est à travers des gestes aussi simples ?

 

Deux approches du sacrement : une thérapie ou un dialogue avec Dieu

Avant Thomas d'Aquin, saint Augustin a joué un rôle majeur dans la compréhension du sacrement comme signe. Sa pensée a été largement occultée dès le Ve siècle, au profit d’une approche thérapeutique du sacrement. La cause efficace du sacrement correspond à l’idée que le sacrement lave, par exemple, du péché. C’est en effet souvent comme cela que l’on entend le sacrement de la réconciliation.

Or, nous dit saint Thomas d’Aquin, "ce n’est pas le cœur du problème. Le cœur du problème, c’est qu’il y a un dialogue avec Dieu qui se manifeste et l’Homme", résume Daniel Bourgeois. Saint Thomas a recentré sur la question de la signification exprimant le sens du mystère de l’Alliance que Dieu a scellée avec les Hommes par le Christ, menée à sa perfection dans l’incarnation et Pâques.

"Pourquoi Dieu a-t-il voulu - et a-t-il réussi d’une certaine façon - à communiquer ce qu’il est, à dire ce qu’il est à travers des gestes aussi simples ?" se questionne le théologien. "Dieu aurait très bien pu faire une sorte de sacrement dans lequel tout à coup on avait l’éblouissement." Et si l’intention de Dieu était de "rendre signifiantes des réalités très simples" ?

 

Le sacrement sans doute le plus révélateur, c’est l’Écriture sainte

 

Le peuple de Dieu, sacrement de la présence de Dieu

Le sacrement "sans doute le plus révélateur c’est l’Écriture sainte", observe le théologien pour qui "l’Écriture sainte elle-même est sacrement, elle fait voir quelque chose de l’action divine". Dans une perspective chrétienne, "le vrai sacrement c’est le Christ, quand Dieu se fait Homme".

Pour Thomas d’Aquin, "ce qui est devenu le sacrement de la présence de Dieu dans le monde, c’est l’Église", nous dit Daniel Bourgeois. "Quand je suis prêtre, témoigne-t-il, je suis évidemment heureux d’être au service de l’assemblée mais pour moi ce qui est le plus éblouissant c’est de voir l’assemblée. Et d’ailleurs saint Augustin le disait : Vous êtes le corps du Christ." Le peuple de Dieu rassemblé considéré comme sacrement est l'un des héritages de la pensée de Thomas d'Aquin.

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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