Canonisation de Carlo Acutis : pourquoi l'Église catholique en fait-elle un saint ?
Premier saint ayant vécu au XXIe siècle, Carlo Acutis sera canonisé dimanche 7 septembre 2025. Ce saint de de la génération Y est particulièrement populaire auprès des jeunes. Présenté comme un évangélisateur du "continent numérique", il est une figure inspirante pour les utilisateurs d'internet et les influenceurs catholiques. Pourquoi l’Église catholique a-t-elle décidé de le canoniser ?
Une relique de Carlo Acutis a été installée dans un reliquaire fixé au mur de la chapelle du lycée Notre-Dame de la Galaure, Châteauneuf-de-Galaure (Drôme), le 12/10/2022 ©Nicolas Guyonnet / Hans LucasMarcel Callo, Chiara Badano, Pier Giorgio Frassati… De toutes les figures de jeunes que l’Église catholique a canonisés récemment ou qui sont en attente de l’être, Carlo Acutis semble occuper une place à part. Il bénéficie d’une grande popularité parmi les jeunes catholiques, notamment en France. Le pape François, à qui l’on doit la reconnaissance de deux miracles qui lui sont attribués, devait le canoniser lors du jubilé des adolescents en avril 2025. Léon XIV a décidé lui aussi de le canoniser, en même temps de Pier Giorgio Frassati, le 7 septembre 2025. Carlo Acutis sera le premier saint "millenial", ayant vécu au XXIe siècle, le premier saint donc de la génération Y. En quoi est-ce important ? Pourquoi l'Église catholique le propose-t-elle aujourd'hui comme exemple de vie chrétienne ?
Qui est Carlo Acutis ?
Carlo Acutis a mené une vie brève. Cet adolescent italien est mort en 2006, d’une leucémie foudroyante, à l’âge de 15 ans. Il avait créé un site internet sur les miracles eucharistiques et se passionnait pour les apparitions mariales. Depuis que son corps est exposé à Assise, les pèlerins affluent pour voir sa dépouille vêtue d'un polo, d'un jean et chaussé de baskets. Ce qui en fait un saint peu ordinaire.
Carlo Acutis en quelques dates
- 3 mai 1991 : naissance à Londres puis déménagement à Milan
- 12 octobre 2006 : mort d’une leucémie à l’âge de 15 ans
- 13 mai 2013 : ouverture du procès en béatification
- 2016 : transfert de son dossier à la Congrégation pour les causes des saints
- 21 février 2020 : reconnaissance par le pape François du premier miracle qui lui est attribué (survenu au Brésil en 2013)
- 10 octobre 2020 : messe de béatification à Assise
- 23 mai 2024 : reconnaissance du second miracle (survenu au Costa Rica en 2022)
- 20 novembre 2024 : annonce de sa canonisation
Les raisons de la canonisation de Carlo Acutis
Il a été décrit comme "un garçon normal, simple, spontané, gentil", par le cardinal Agostino Vallini qui a présidé la messe de sa béatification à Assise. "Il aimait la nature et les animaux, il jouait au football, il avait beaucoup d'amis de son âge, il était attiré par les moyens modernes de communication sociale, passionné d'informatique..." Ce jeune homme à la vie en apparence banale offre pourtant aux jeunes du XXIe siècle "un exemple de vie chrétienne".
La fréquentation des sacrements et de la dévotion mariale sont des données essentielles de la foi catholique. L’adolescent allait à la messe chaque jour depuis ses sept ans, âge de sa première communion. Il accordait une grande importance à l’eucharistie, déclarée "source et sommet de la vie chrétienne" depuis Vatican II – c'était une "autoroute vers le ciel" pour le jeune homme. Sa récitation quotidienne du chapelet était le signe de sa grande dévotion à la Vierge Marie.
"Je n’ai pas perdu une seconde de ma vie", aurait-il dit à sa mère quelques jours avant de mourir, rapporte l’un de ses biographes, le Père Will Conquer. Carlo Acutis a vraisemblablement manifesté une maturité spirituelle hors du commun. En le déclarant saint, l’Église entend montrer que la foi catholique peut être vécue intensément même par un adolescent. Et que l’institution considère avec sérieux et crédibilité la parole d’un jeune de la génération Y.
Enfin, à l’ère postmoderne, les croyants sont tentés de vivre leur foi en dehors de l’institution ecclésiale, de considérer "la religion non pas comme une institution mais comme un stock de significations" (Jean-Marie Donégani dans La Vie). Peut-être à contre-courant donc, Carlo Acutis a manifesté un attachement particulier à l'institution ecclésiale. "Avant de mourir, il fut capable d’offrir ses souffrances pour le pape et pour l’Église", selon l'association des Amis de Carlo Acutis.
Carlo Acutis, une figure propulsée lors du synode des jeunes
Carlo Acutis faisait partie des "jeunes témoins" proposés par l’institution vaticane à l’occasion du synode de 2018 sur la jeunesse, la foi et le discernement vocationnel. "La modernité et l’actualité de Carlo se conjuguaient parfaitement avec sa profonde vie eucharistique et avec sa dévotion mariale, qui ont contribué à faire de lui ce garçon tout à fait spécial, au point d’être admiré et aimé de tous", peut-on lire sur le site du synode.
L’adolescent, surnommé "le geek de Dieu", incarne l’image de l’usager d’internet capable de discernement. C’est cette figure que le pape François, qui a par ailleurs souvent dénoncé l’ultralibéralisme, a voulu saluer dans son exhortation apostolique post-synodale "Christus vivit" : "Il savait très bien que ces mécanismes de la communication, de la publicité et des réseaux sociaux peuvent être utilisés pour faire de nous des êtres endormis, dépendants de la consommation et des nouveautés que nous pouvons acquérir, obsédés du temps libre et prisonniers de la négativité."
Les évêques du synode sur la jeunesse avaient accordé une attention particulière à l'usage d'internet. Mais c'était déjà le cas du temps de Benoît XVI. L'auteur du premier tweet papal s'était montré clairvoyant sur le bouleversement sociétal que représente internet. Élu à 78 ans, il a manifesté dès les débuts de son pontificat un réel intérêt pour le "continent numérique" - sous-entendu, à évangéliser. Ses messages pour les journées mondiales des communications sociales montrent combien il avait pris la mesure des défis du numérique - enjeux éducatifs, rapport à la vérité - mais aussi des "potentialités extraordinaires" de ce "fruit de l’ingéniosité humaine"… Nul doute qu’aux yeux de l’Église, les sites créé par Carlo Acutis sont le fruit d'une "noble aspiration de communication", comme disait Benoît XVI.
La grande popularité de Carlo Acutis
Un "geek" qui allait à la messe chaque jour, un adolescent passionné par les miracles eucharistiques au point de les recenser sur un site internet… La figure de Carlo Acutis semble faire la synthèse entre les données de la foi catholique ancrées dans la tradition, voire la piété populaire, et l’engagement dans le monde. Et c’est fidèlement à la tradition que le sanctuaire de la Spoliation, à Assise, expose depuis septembre 2020 son corps aux fidèles.
Près d’un million de personnes seraient venues se recueillir devant sa dépouille en 2024. Est-ce pour se laisser surprendre par l'image d'un futur saint en jean et baskets ? Ou bien en raison du miracle de ses organes dont on dit qu’ils sont restés intacts ? Même en 2025, le culte des saints se nourrit de cette aura surnaturelle qui entoure le souvenir d’une vie spirituelle intense et authentique. La popularité de Carlo Acutis auprès des jeunes catholiques est réelle. Sa vie a été racontée en bande dessinée, en comédie musicale, des groupes scolaires portent son nom, un prix Carlo-Acutis a été remis en 2023 lors de la soirée de la tech chrétienne "Pitch My Church"…
Le saint patron des usagers d’internet a aussi donné son nom à un groupe d’influenceurs catholiques. Le réseau Acutis est né à la suite de la soirée des influenceurs catholiques du 23 septembre 2022 à la Conférence des évêques de France. Un événement qui avait attiré l’attention de plusieurs médias, comme marquant une étape dans la montée en puissance des évangélisateurs numériques en France.
Le réseau Acutis compte une soixantaine de membres, selon La Croix, dont Frère Paul-Adrien, le dominicain à l’initiative du réseau, Sœur Albertine, l'abbé Matthieu Raffray ou encore "Le catho de service". Le 29 juillet à Rome, 1.400 "missionnaires numériques" ont été accueillis spécialement par Léon XIV, à l’occasion du jubilé des jeunes. En réponse à ce signe fort de reconnaissance et de confiance, ils ont été encouragés par le pape à "annoncer la paix" sur les réseaux sociaux.




