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Avec Dietrich Bonhoeffer, trouver dans les Psaumes le courage de résister

Avec Dietrich Bonhoeffer, trouver dans les Psaumes le courage de résister

Un article rédigé par Madeleine Vatel, avec OR - RCF, le 2 juillet 2025 - Modifié le 6 juillet 2025
Halte spirituelle, l'intégraleDietrich Bonhoeffer, lettres d'un résistant chrétien en prison

Comment sait-on avec justesse à qui ou à quoi s’opposer ? Comment avoir la conscience éveillée au bon moment ? Mort exécuté par le régime nazi il y a 80 ans, Dietrich Bonhoeffer a laissé l'image d'un homme qui a puisé dans l'Évangile et dans les Psaumes le courage de s'opposer et de résister.

"Bonhoeffer priait énormément les Psaumes, on sent que, dans l’épreuve de la prison, ces textes assez formidables de la Bible le portent." ©Wikimedia commons"Bonhoeffer priait énormément les Psaumes, on sent que, dans l’épreuve de la prison, ces textes assez formidables de la Bible le portent." ©Wikimedia commons

Il avait toutes les raisons d’être découragé, tourmenté, affaibli - ce qu'il fut d'ailleurs, parfois, dans les dernières années de sa vie en prison. Résistant de la première heure au nazisme, le pasteur allemand Dietrich Bonhoeffer a été exécuté il y a 80 ans, le 9 avril 1945, à l'âge de 39 ans. Au cours de sa courte vie d'un engagement total, il a livré un modèle de droiture et de courage.

Dans Halte Spirituelle, Madeleine Vatel évoque avec le Père Christophe Danset, prêtre du diocèse de Lille et vicaire épiscopal à la Pastorale des jeunes et l’Enseignement catholique, les lettres de captivité de Dietrich Bonhoeffer, parues aux éditions Labor et Fides en 2024 sous le titre "Résistance et soumission".

Dietrich Bonhoeffer contre les consciences affaiblies

Comment, au sein d’une société donnée, avoir la conscience éveillée au bon moment ? Comment sait-on avec justesse à qui ou à quoi s’opposer ? Et où trouver le courage de résister une fois dans l’adversité ? Le pasteur luthérien Bonhoeffer avait "deux ennemis", décrit Christophe Danset : le nazisme et aussi la théologie protestante libérale.

Cette théologie qui, aux yeux du pasteur, a fait du chrétien "l’homme raisonnable", le "bon citoyen", "l’homme cultivé", selon le Père Danset. En d’autres termes : l’homme à la conscience affaiblie. "Le christianisme va aller chercher sa place comme étant une espèce de sommet de la culture. Mais une fois que vous être au sommet de la culture, vous n’êtes pas très en mesure de la remettre en cause cette culture."

Dietrich Bonhoeffer rejoignait ainsi le théologien Karl Barth dans le constat que "ce christianisme du début du XXe siècle en Allemagne a été incapable de se dresser d’abord contre la guerre de 14 et ensuite contre l’arrivée d’Hitler. Il avait tendance à former de bons citoyens fort obéissants."

De fait, une partie des Églises protestantes allemandes se sont liées au parti nazi. Le mouvement des Deutsche Christen prêchait un christianisme capable de "se passer de l’Ancien Testament", rapporte Le Père Danset, et, "éventuellement, évitait de rappeler que Jésus était juif. Un christianisme prêt à faire de la place au Führer à côté du Christ, d’une certaine manière."

 

Dietrich Bonhoeffer, de la non-violence au complot contre Hitler

Dietrich Bonhoeffer a, lui, rejoint l’Église confessante, ce mouvement chrétien allemand de résistance au nazisme. Dans la déclaration de Barmen (1934), le texte de référence du mouvement, il est rappelé "l’unique seigneurie du Christ, précise le Père Danset. Il y a un seul Seigneur, c’est Jésus Christ. Autrement dit, on ne s’incline pas devant Hitler, on refuse toute réalité qui prétend prendre la place suprême. On refuse évidement de croire que l’État serait une réalité suprême, on refuse de croire que les lois de l’État pourraient s’imposer au-delà des lois de la conscience."

En 1940, Dietrich Bonhoeffer aurait pu rester aux États-Unis. S’il a décidé de rentrer en Allemagne, c’est "en pleine conscience". Il a "posé un acte décisif", rappelle Christophe Danset, pour répondre à son "désir d’être avec son peuple au moment où son peuple est dans la souffrance, dans l’adversité". Il avait déjà et depuis longtemps été repéré par les nazis.

Dietrich Bonhoeffer a finalement été arrêté le 5 avril 1943, inculpé de "démoralisation des troupes". Le 20 juillet 44 et l’attentat manqué contre Hitler - complot auquel il avait participé – a signé son arrêt de mort. Lui qui, dans ses jeunes années de pasteur, prêchait la non-violence au nom du Christ.

 

La puissance des Psaumes

Les lettres de Dietrich Bonhoeffer écrites en prison sont saisissantes. Il reconsidère l’instant présent, qu’il refuse de vivre de manière irresponsable, superficielle, résignée. Lui dont les premiers écrits exaltaient la manière de vivre en chrétien, "avec une certaine fierté, avec pas mal de panache", change de registre.

Soumis, contraint, il refuse toutefois de rêver un futur comme d’entretenir un passé nostalgique. Il passe son temps à étudier, lire, marcher. À rester actif pour ne pas sombrer, mais justement, parfois il cède. Son magnifique poème "Qui suis-je ?" montre bien l’ambivalence de l’état dans lequel il se trouve. 

 

Qui suis-je ? Celui-là ou celui-ci ?
Aujourd'hui et homme et demain cet autre ? 
Suis-je les deux à la fois ? 
Un hypocrite devant les hommes
Et devant moi un faible, méprisable et piteux ?
Ou bien ce qui est encore en moi ressemble-t-il à l'armée vaincue
Qui se retire en désordre  devant la victoire déjà remportée ?

Qui suis-je ? Dérision que ce monologue !
Qui que je sois, Tu me connais : 
Tu sais que je suis tien, ô Dieu !

 

"La puissance qu’il a, commente Christophe Danset, c’est de se regarder en vérité... Il mesure très bien l’ascendant qu’il a sur ceux qui l’enferment, il est tout à fait conscient de sa force et en même temps il voit l’intérieur de son cœur, il sait qu’au fond de lui-même il est effondré."

Quand il dit à Dieu : Mais toi tu me connais, on peut y voir l’influence des Psaumes, estime le P. Danset. "Bonhoeffer priait énormément les Psaumes, on sent que, dans l’épreuve de la prison, ces textes assez formidables de la Bible le portent... Je crois qu’il faut avoir fait l’expérience de ne pas se comprendre soi-même pour pouvoir à un moment se remettre en Dieu, dire : Toi tu me connais." Et si coexistent en lui le résistant et l’homme abattu, "ce qui fait l’unité des deux c’est le regard de Dieu sur cette personne".

 

Émission Halte spirituelle © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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