Apprendre à prier avec la Bible

C’est une expérience parfois surprenante, parfois aride, de prier à partir des textes bibliques. Elle a changé la vie du jésuite Nikolaas Sintobin. "Je travaille beaucoup avec la Bible, dit-il mais prier avec la Bible c’est autre chose !" Responsable de Bidden Onderweg, la version néerlandaise de Prie en chemin, le site de la famille ignatienne consacré les Exercices spirituels, le Père Sintobin prie tous les jours avec cette méthode. Son livre "Prier avec la Bible - À l’école de saint Ignace de Loyola" (éd. Jésuites, 2024) est justement le fruit de cette fréquentation régulière de la Parole de Dieu. L’objectif est simple : "Découvrir comment l’Esprit de Dieu nous parle".

Quels textes bibliques peut-on prier ? 

"Ce n’est pas évident de prier avec la Bible", admet Nikolaas Sintobin. Surtout pour les catholiques où la tradition de lire les textes est moins forte que chez les protestants par exemple. Certains textes sont arides, difficiles à comprendre. D’autres sont "absolument indigestes pour la prière", reconnaît même le jésuite. Qu’il s’agisse de passages du Nouveau Testament, comme l’Apocalypse, ou de l’Ancien, comme le Lévitique.

En revanche, les Psaumes "se prêtent à merveille" à la prière. "Les Psaumes, c’est l’expérience humaine, décrit Nikolaas Sintobin. C’est pourquoi on prie autant avec les Psaumes, parce que tous les sentiments, toutes les expériences humaines, les plus belles comme les plus violentes, sont exprimés dans les Psaumes."

Prier à partir des textes bibliques suppose donc de sélectionner un passage en particulier – dans son livre, le Père Sintobin sélectionne cinquante extraits propices à la prière. Lui-même apprécie particulièrement le récit de l’appel d’Abraham dans la Genèse. "Je pourrais prier facilement une semaine de suite avec ce texte, confie-t-il, parce qu’il évoque tant de choses sur le rapport entre la personne humaine et Dieu que je peux dans le bon sens du terme m’y perdre à longueur de journée."

Prier avec la Bible : la méthode de saint Ignace

La méthode élaborée par Ignace de Loyola et qu’il décrit dans ses "Exercices spirituels", rédigés entre 1491 et 1556, est celle d’un véritable pédagogue. "Le génie d’Ignace de Loyola a été d’avoir réussi à extraire de son expérience personnelle de prière avec la Bible des dynamiques, des structures, des éléments dont il avait l’intuition qu’ils pouvaient aider d’autres personnes à prier à leur tour. Ignace est un pédagogue né. Il a réussi à partager cette expérience."

Saint Ignace accorde une grande importance aux conditions de lieu et de temps de la prière. "Nous avons un corps, nous sommes dans la matière, nous sommes dans le temps et donc il est important de respecter cette corporéité", prévient le jésuite. Il faut donc commencer par bien choisir l’endroit où l’on prie et adopter la position du corps. Ignace recommande même de déterminer à l’avance le temps que l’on va consacrer à la prière.

Prier avec la Bible n’est pas une technique d’analyse les textes. Il y a même une certaine passivité dans cette forme de lecture : on se laisse guider, parfois surprendre par un verset, un mot. "Ça peut être extrêmement vivant et hyper passif et rasoir, ça dépend on ne sait pas ! Il se peut que pendant une demi-heure je reste avec un verset, que presque rien ne se passe, mais qu’on se sente bien, en présence de Dieu à travers ce verset." À l’inverse, si le récit est mouvementé, il est légitime de se sentir entraîné par l’intrigue.

Écouter la part spirituelle de son être

Lire la Parole de Dieu et écouter ce qui se passe au plus profond de soi est l’une des clés de cette méthode de lecture ignatienne. "La seule que nous pouvons faire c’est essayer de nous concentrer et de nous ouvrir à la présence de Dieu et écouter", décrit le jésuite.

L’autre dimension, essentielle, c’est de lire les textes et de rester "en relation" avec Jésus. C’est d’ailleurs le principe même de la prière, être en relation avec Dieu. "Dans la prière biblique comme dans toute prière il y a un élément structurant qui est la relation : je le fais en présence de et avec Dieu."

Il s’agit de découvrir grâce aux textes bibliques la dimension spirituelle de notre être, ou de la réinvestir. Cette partie de chacun où les règles du jeu ne sont pas exactement les mêmes qu’ailleurs : cet endroit parfois insoupçonné de soi où l’on aspire à la pauvreté spirituelle. "J’accueille, je m’offre, je me propose, je m’ouvre pour que quelque chose se passe en moi." Le Père Sintobin prévient : "C’est souvent dans la banalité que Dieu parle."